ALLOCUTION DE M. LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE

Visite en France de Sa Sainteté le Pape Benoît XVI
Palais de l’Elysée - Vendredi 12 septembre 2008

Visite en France de Sa Sainteté le Pape Benoît XVI

Très Saint Père,

C’est un honneur pour le gouvernement français, pour toutes les personnes présentes dans cette salle, et bien sûr, si vous me le permettez, pour ma famille et pour moi-même, de vous accueillir aujourd’hui au Palais de l’Elysée.

Tout au long de son histoire, la France n’a cessé de lier son destin à la cause des arts, des lettres, de la pensée, toutes ces disciplines qui forment cet art de vivre au plus haut de soi-même et qu’on appelle la culture. En consacrant à Paris, Très Saint Père, l’une des étapes de votre visite, en choisissant le collège des Bernardins, au coeur du quartier latin, pour prononcer l’un des discours les plus attendus de votre voyage, en acceptant l’invitation de l’Institut, vous honorez la France, et vous l’honorez au travers d’un attribut qui lui est particulièrement cher : sa culture, une culture vivante qui plonge ses racines entremêlées dans la pensée grecque, dans la pensée judéo-chrétienne, dans l’héritage médiéval, dans la Renaissance et les Lumières ; une culture, Très Saint Père, que vous connaissez admirablement bien et, je crois pouvoir le dire, une culture que vous aimez.

Qu’ils soient catholiques ou fidèles d’une autre religion, qu’ils soient croyants ou non croyants, tous les Français sont sensibles à votre choix de Paris pour vous adresser cet après-midi au monde de la culture, vous qui êtes, profondément, un homme de conviction, de savoir et de dialogue.

Pour les millions de Français catholiques, votre visite est un évènement exceptionnel. Elle leur procure une joie intense et suscite de grandes espérances. Il est donc naturel que le Président de la République, que le gouvernement, M. le Premier ministre, que l’ensemble des responsables politiques de notre pays, s’associent à cette joie, comme ils s’associent régulièrement aux joies et aux peines de tous nos compatriotes quels qu’ils soient. Je veux, en votre présence, adresser aux catholiques de France tous mes voeux pour la réussite de votre visite.

J’ai souhaité que soient présents dans cette salle un certain nombre d’entre eux, connus ou moins connus, mais engagés dans tous les secteurs de la société : mouvements de jeunesse et éducation, secteur social et associatif, santé, entreprise, syndicalisme, administration et vie politique, journalisme, communauté scientifique, monde du sport, des arts et du spectacle, monde de la littérature et des idées, et bien sûr institutions ecclésiales. Ils sont le visage d’une Eglise de France diverse, moderne, qui veut mettre toute son énergie au service de sa foi.

Sont également présents dans cette salle, et je les en remercie, les représentants des autres religions et traditions philosophiques, et beaucoup de Français agnostiques ou non croyants, eux aussi engagés pour le bien commun. Dans la République laïque qu’est la France, tous, Très Saint Père, vous accueillent avec respect en tant que chef d’une famille spirituelle dont la contribution à l’histoire de France, à l’histoire du monde, à la civilisation, n’est ni contestable, ni contestée.

Très Saint Père, le dialogue entre la foi et la raison a occupé une part prépondérante dans votre cheminement intellectuel et théologique. Non seulement vous n’avez cessé de soutenir la compatibilité entre la foi et la raison, mais encore vous pensez que la spécificité et la fécondité du christianisme ne sont pas dissociables de sa rencontre avec les fondements de la pensée grecque.

La démocratie non plus ne doit pas se couper de la raison. Elle ne peut se contenter de reposer sur l’addition arithmétique des suffrages, pas davantage que sur les mouvements passionnés des individus. Elle doit également procéder de l’argumentation et du raisonnement, rechercher honnêtement ce qui est bon et nécessaire, respecter des principes essentiels reconnus par l’entendement commun. Comment d’ailleurs la démocratie pourrait-elle se priver des lumières de la raison sans se renier ellemême, elle qui est fille de la raison et des Lumières ? C’est là une exigence quotidienne pour le gouvernement des choses publiques et pour le débat politique.

Aussi est-il légitime pour la démocratie et respectueux de la laïcité de dialoguer avec les religions. Les religions, et notamment la religion chrétienne avec laquelle nous partageons une longue histoire, ce sont des patrimoines, des patrimoines vivants de réflexion et de pensée, pas seulement sur Dieu, mais aussi sur l’homme, sur la société, et même sur cette préoccupation aujourd’hui centrale qu’est la nature et la défense de l’environnement. Ce serait une folie de nous en priver, tout simplement une faute contre la culture et contre la pensée.

C’est pourquoi j’en appelle à une laïcité positive, une laïcité qui respecte, une laïcité qui rassemble, une laïcité qui dialogue, et pas une laïcité qui exclut ou qui dénonce. En cette époque où le doute, le repli sur soi, mettent nos démocraties au défi de répondre aux problèmes de notre temps, la laïcité positive offre à nos consciences la possibilité d’échanger, par delà les croyances et les rites, sur le sens que nous voulons donner à nos existences ; la quête de sens...

La France a engagé, avec l’Europe, une réflexion sur la moralisation du capitalisme financier. La croissance économique n’a pas de sens si elle est sa propre finalité. Consommer pour consommer, croître pour croître, n’a aucun sens. Seuls l’amélioration de la situation du plus grand nombre et l’épanouissement de la personne en constituent ses buts légitimes. Cet enseignement, qui est au coeur de la doctrine sociale de l’Eglise, est en parfaite résonnance avec les enjeux de l’économie contemporaine mondialisée. Notre devoir est donc d’entendre ce que vous avez à nous dire sur cette question.

De même, les progrès rapides et importants de la science dans les domaines de la génétique et de la procréation posent à nos sociétés de délicates questions de bioéthique. Elles engagent notre conception de l’homme et de la vie, et peuvent conduire à des mutations de société. C’est pourquoi elles ne peuvent pas rester l’affaire des seuls experts.

La responsabilité du politique est d’organiser le cadre propre à cette réflexion. C’est ce que la France fera avec les Etats généraux de la bioéthique qui se dérouleront l’an prochain. Naturellement, les traditions philosophiques et les traditions religieuses seront présentes à ce débat.

La laïcité positive, la laïcité ouverte, c’est une invitation au dialogue, une invitation à la tolérance, une invitation au respect. Dieu sait que nos sociétés ont besoin de dialogue, de respect, de tolérance, de calme.

Vous donnez une chance, un souffle, une dimension supplémentaire au débat public. Ce débat est un défi : il y a trente ans encore, aucun de nos prédécesseurs n’aurait pu imaginer, ni même soupçonner, les questions auxquelles aujourd’hui nous nous trouvons confrontés. Croyez bien que, pour un responsable politique, c’est une lourde responsabilité de défricher ces nouveaux champs de la connaissance, de la démocratie et du débat.

Très Saint Père, vous vous rendrez demain à Lourdes. Dans le coeur de millions de personnes en France et dans le monde, Lourdes tient une place particulière. On y vient souvent chercher une guérison du corps, on en revient avec une guérison de l’âme et du coeur. Même pour le profane, il existe bien un « miracle » de Lourdes : celui de la compassion, du courage, de l’espérance, au milieu de souffrances physiques ou morales souvent extrêmes et indicibles.

La souffrance, qu’elle soit le fait de la maladie, du handicap, du désespoir, de la mort ou tout simplement du mal, est assurément l’une des principales interrogations que pose la vie à la foi ou à l’espérance humaine. A cet égard, ce que vous direz lundi aux malades sera écouté bien au-delà de la seule communauté catholique. Mais par sa capacité à affronter la souffrance, à la surmonter et à la transformer, l’homme donne aussi, aux croyants comme aux non croyants, un signe tangible, une preuve manifeste de sa dignité.

La dignité humaine, l’Eglise ne cesse de la proclamer et de la défendre. A nous, responsables politiques, mes chers collègues du gouvernement, et de l’opposition M. le Maire de Paris, il incombe de savoir comment la protéger toujours davantage. C’est une interrogation constante compte tenu des contraintes économiques, des hésitations politiques, du respect de la démocratie et de la liberté de conscience.

C’est en pensant à la dignité des personnes que nous avons voulu créer le revenu de solidarité active. C’est en pensant à la dignité des personnes que nous nous sommes engagés dans la lutte contre la maladie d’Alzheimer. C’est en pensant à la dignité des personnes que nous avons voulu créer un contrôleur général des prisons, et je sais bien qu’en France comme dans d’autres démocraties, nous avons encore beaucoup de progrès à faire sur le sujet. Et c’est en pensant à la dignité des personnes que nous affrontons la si délicate question de l’immigration, sujet immense qui demande générosité, respect de la dignité et en même temps prise de responsabilité.

Je n’évoque devant vous que les têtes de chapitre de toutes ces questions qui nous préoccupent, auxquelles la France ne prétend pas répondre parfaitement, mais qui sont autant d’interrogations immenses. Elles soulignent la complexité de l’engagement des responsables politiques d’où qu’ils viennent, quels qu’ils soient, quelles que soient leurs convictions, qui doivent chaque jour déterminer comment mieux garantir le respect de la dignité humaine et en même temps assurer la direction de nos pays.

Progressivement, la dignité humaine s’est imposée comme une valeur universelle. Elle est au coeur de la Déclaration universelle des droits de l’homme, adoptée ici à Paris il y a soixante ans. C’est le fruit d’une convergence exceptionnelle entre l’expérience humaine, les grandes traditions philosophiques et religieuses de l’humanité et le cheminement même de la raison. Je n’oppose pas les deux. Les deux nourrissent notre réflexion.

A l’heure où ressurgissent tant de fanatismes, à l’heure où le relativisme exerce une séduction croissante, où la possibilité même de connaître et de partager une certaine part de la vérité est mise en doute, à l’heure où les égoïsmes les plus durs menacent les relations entre les nations et au sein même des nations, cette option absolue pour la dignité humaine et son ancrage dans la raison doivent être tenus pour un trésor des plus précieux.

Là réside le vrai secret de l’Europe, celui dont l’oubli a précipité le monde dans les pires barbaries, celui qui ranime sans cesse notre désir d’agir pour la paix et la stabilité du monde, et conforte notre légitimité à le faire, hommes et femmes de bonne volonté ensemble.

Là se trouve aussi l’esprit de l’Union pour la Méditerranée que nous avons voulue. Je connais, Très Saint Père, et je partage votre inquiétude croissante pour certaines communautés chrétiennes au travers le monde, notamment en Orient. Je veux spécialement saluer, à cet égard, Monsieur Estifan Majid, présent parmi nous, qui est le frère de l'archevêque de Mossoul récemment assassiné, Monseigneur Faraj Rahho. L’Union pour la Méditerranée est la réponse à cet enjeu essentiel qu’est la coexistence de communautés pluriconfessionnelles sur un même territoire. Avons-nous un autre choix ?

En Inde, chrétiens, musulmans et hindouistes doivent renoncer à toute forme de violence et s’en remettre aux vertus du dialogue. Ailleurs en Asie, la liberté de pratiquer sa religion, quelle qu’elle soit, doit être respectée. J’ai souvent eu l’occasion de parler des racines chrétiennes de la France. Cela ne nous empêche pas de tout faire pour que nos compatriotes musulmans puissent vivre leur religion à égalité avec toutes les autres. Cette diversité que nous considérons comme une richesse, nous voulons que les autres pays dans le monde la respectent. Très Saint Père, cela s’appelle la réciprocité. La France est multiple. J’en veux pour preuve que la France a accueilli avec beaucoup d’intérêt le Dalai Lama. Chef spirituel du bouddhisme tibétain, le Dalai Lama livre des enseignements auxquels notre société est très attentive. Il mérite d’être respecté, il mérite d’être écouté, il mérite que l’on dialogue avec lui.

Voilà la pratique de la laïcité positive : la quête de sens, le respect des croyances. Nous ne mettons personne au dessus de l’autre, mais nous assumons nos racines chrétiennes.

Nous travaillons pour la paix. Nous ne voulons pas d’une reprise des guerres de religion. C’est pourquoi, à la suite de votre entretien avec le roi d’Arabie Saoudite, qui a fait date, qui a marqué, je me suis rendu à Riyad pour insister sur ce qui rapproche les religions plutôt que sur ce qui les divise. Le dialogue avec et entre les religions est un enjeu majeur du siècle naissant. Les responsables politiques ne peuvent s’en désintéresser. Mais ils ne peuvent y contribuer que s’ils respectent les religions. Car il n’y a pas de dialogue sans confiance, et pas de confiance sans respect.

Oui, je respecte les religions, toutes les religions. Je connais les erreurs qu’elles ont commises par le passé, les intégrismes et les fanatismes qui les menacent, mais je sais le rôle qu’elles ont joué dans l’édification de l’humanité. Le reconnaître ne diminue en rien les mérites des autres courants de pensée.

Je sais l’importance des religions pour répondre au besoin d’espérance des hommes et je ne méprise pas ce besoin. La quête de spiritualité n’est pas un danger pour la démocratie, pas un danger pour la laïcité.

Je ne désespère pas des religions quand je lis, sous la plume de Frère Christian, le prieur de Tibhirine, lâchement assassiné avec ses frères, dans son testament : « L’Algérie et l’Islam, pour moi, c’est un corps et une âme. Je l’ai assez proclamé, au vu et au su de ce que j’en ai reçu, y retrouvant si souvent ce droit fil conducteur de l’Evangile appris aux genoux de ma mère, ma tout première Eglise, précisément en Algérie, et déjà, dans le respect des croyants musulmans ». Si le monde ne connaissait que le Frère Christian, le risque de guerre de religion n’existerait pas et les fanatismes seraient anéantis.

Et quand il ajoute, dans ce testament prophétique, à l’intention de celui qui allait l’assassiner car il savait quel serait son destin tragique : « J’aimerais, le moment venu, avoir cette lucidité qui me permettrait de solliciter le pardon de Dieu et celui de mes frères en humanité, en même temps que de pardonner de tout coeur à qui m’aurait atteint », alors, oui, je pense que les religions peuvent élargir le coeur de l’homme. Voilà ce que qu’écrivait, trois ans avant sa mort, à Tibhirine, un frère chrétien qui était là pour aider ses frères musulmans.

Pour toutes ces raisons, Très Saint Père, vous l’avez compris, soyez le bienvenu en France.

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WELCOME CEREMONY AND MEETING WITH AUTHORITIES OF STATE

ADDRESS OF HIS HOLINESS POPE BENEDICT XVI

Elysée Palace, Paris
Friday, 12 September 2008

Visite en France de Sa Sainteté le Pape Benoît XVI

Mr President,
Ladies and Gentlemen,

Dear Friends,

Standing here on French soil for the first time since Providence called me to the See of Peter, I am moved and honoured by the warm reception which you have extended to me. I am particularly grateful to you, Mr President, for the cordial invitation to visit your country and for the courteous words of welcome which you have just offered me. The visit which Your Excellency paid to me in the Vatican nine months ago is still fresh in my memory. Through you I extend my greetings to all the men and women who live in this country, which boasts a history of a thousand years, a present marked by a wealth of activity, and a future of promise. I wish them to know that France is often at the heart of the Pope’s prayers; he cannot forget all that she has contributed to the Church in the course of twenty centuries! The principal reason for my visit is the one hundred and fiftieth anniversary of the apparitions of the Virgin Mary at Lourdes. It is my desire to join the multitude of countless pilgrims from the whole world who during this year are converging on the Marian shrine, filled with faith and love. It is this faith and this love that I will celebrate here in your land during these four days of grace which have been granted to me.

My pilgrimage to Lourdes has included a stop in Paris. Your capital city is familiar to me, and I know it rather well. I have stayed here often and over the years, because of my studies and in my former roles, have developed good personal and intellectual friendships. I return with joy, glad to have this occasion to pay tribute to the impressive heritage of culture and faith that has shaped your country’s outstanding history, and has nurtured great servants of the Nation and the Church, whose teaching and example have naturally reached far beyond the geographical borders of your nation, leaving their mark on the course of world history. During your visit to Rome, Mr President, you called to mind that the roots of France – like those of Europe – are Christian. History itself offers sufficient proof of this: from its origins, your country received the Gospel message. Even though documentary evidence is sometimes lacking, the existence of Christian communities in Gaul is attested from a very early period: it is moving to recall that the city of Lyons already had a Bishop in the mid-second century, and that Saint Irenaeus, the author of Adversus Haereses, gave eloquent witness there to the vigour of Christian thought. Saint Irenaeus came from Smyrna to preach faith in the Risen Christ. This Bishop of Lyons spoke Greek as his mother tongue. Could there be a more beautiful sign of the universal nature and destination of the Christian message? The Church, established at an early stage in your country, played a civilizing role to which I am pleased to pay tribute on this occasion. You yourself made reference to it during your address at the Lateran Palace last December, and again today. The transmission of the culture of antiquity through monks, professors and copyists, the formation of hearts and spirits in love of the poor, the assistance given to the most deprived by the foundation of numerous religious congregations, the contribution of Christians to the establishment of the institutions of Gaul, and later France, all of this is too well known for me to dwell on it. The thousands of chapels, churches, abbeys and cathedrals that grace the heart of your towns or the tranquillity of your countryside speak clearly of how your fathers in faith wished to honour him who had given them life and who sustains us in existence.

Many people, here in France as elsewhere, have reflected on the relations between Church and State. Indeed, Christ had already offered the basic principle for a just solution to the problem of relations between the political sphere and the religious sphere when, in answer to a question, he said: “Render to Caesar the things that are Caesar’s, and to God the things that are God’s” (Mk 12:17). The Church in France currently benefits from a “regime of freedom”. Past suspicion has been gradually transformed into a serene and positive dialogue that continues to grow stronger. A new instrument of dialogue has been in place since 2002, and I have much confidence in its work, given the mutual good will. We know that there are still some areas open to dialogue which we will have to pursue and redevelop step by step with determination and patience. You yourself, Mr President, have used the fine expression “laïcité positive” to characterize this more open understanding. At this moment in history when cultures continue to cross paths more frequently, I am firmly convinced that a new reflection on the true meaning and importance of laïcité is now necessary. In fact, it is fundamental, on the one hand, to insist on the distinction between the political realm and that of religion in order to preserve both the religious freedom of citizens and the responsibility of the State towards them; and, on the other hand, to become more aware of the irreplaceable role of religion for the formation of consciences and the contribution which it can bring to – among other things – the creation of a basic ethical consensus in society.

The Pope, as witness of a God who loves and saves, strives to be a sower of charity and hope. All of human society needs hope. This hope is all the more necessary in today’s world which offers few spiritual aspirations and few material certainties. My greatest concern is for young people. Some of them are struggling to find the right direction, or are suffering from a loss of connection with their families. Still others are experiencing the limits of religious communitarianism. Sometimes on the margins and often left to themselves, they are vulnerable and must come to terms on their own with a reality that often overwhelms them. It is necessary to offer them a sound educational environment and to encourage them to respect and assist others if they are to develop serenely towards the age of responsibility. The Church can offer her own specific contribution in this area. I am also concerned by the social situation in the Western world, marked sadly by a surreptitious widening of the distance between rich and poor. I am certain that just solutions can be found that go beyond the necessary immediate assistance and address the heart of the problems, so as to protect the weak and promote their dignity. The Church, through her many institutions and works, together with many other associations in your country, often attempts to deal with immediate needs, but it is the State as such which must enact laws in order to eradicate unjust structures. From a broader perspective, Mr President, I am also concerned about the state of our planet. With great generosity, God has entrusted to us the world that he created. We must learn to respect and protect it more. It seems to me that the time has come for more constructive proposals so as to guarantee the good of future generations.

Your country’s Presidency of the European Union gives France the opportunity to bear witness – in accord with her noble tradition – to human rights and to their promotion for the good of individuals and society. When Europeans see and experience personally that the inalienable rights of the human person from conception to natural death – rights to free education, to family life, to work, and naturally those concerned with religion – when Europeans see that these rights, which form an inseparable unity, are promoted and respected, then they will understand fully the greatness of the enterprise that is the European Union, and will become active artisans of the same. The responsibility entrusted to you, Mr President, is not easy. These are uncertain times, and it is an arduous task to find the right path among the meanderings of day-to-day social, economic, national and international affairs. In particular, as we face the danger of a resurgence of old suspicions, tensions, and conflicts among nations – which we are troubled to be witnessing today – France, which historically has been sensitive to reconciliation between peoples, is called to help Europe build up peace within her borders and throughout the world. In this regard, it is important to promote a unity that neither can nor desires to become a uniformity, but rather is able to guarantee respect for national differences and different cultural traditions, which amount to an enrichment of the European symphony, remembering at the same time that “national identity itself can only be achieved in openness towards other peoples and through solidarity with them” (Ecclesia in Europa, 112). I express my confidence that your country will contribute increasingly to the progress of this age towards serenity, harmony and peace.

Mr President, dear friends, I wish to express once again my gratitude for this gathering. Be assured of my fervent prayers for your beautiful country, that God may grant her peace and prosperity, freedom and unity, equality and fraternity. I entrust these prayers to the maternal intercession of the Virgin Mary, principal patron of France. May God bless France and all her people!


Discours de Benoît XVI à l’Elysée - Rencontre avec les autorités de l’Etat

Vendredi, 12 septembre 2008

le Pape Benoît XVI et Président Sarkozy, 12 Sept 2008

Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs, Chers amis !

Foulant le sol de France pour la première fois depuis que la Providence m’a appelé sur le Siège de Pierre, je suis ému et honoré de l’accueil chaleureux que vous me réservez. Je vous suis particulièrement reconnaissant, Monsieur le Président, pour l’invitation cordiale que vous m’avez faite à visiter votre pays ainsi que pour les paroles de bienvenue que vous venez de m’adresser. Comment ne pas me souvenir de la visite que Votre Excellence m’a rendue au Vatican voici neuf mois ? A travers vous, je salue tous ceux et toutes celles qui habitent ce pays à l’histoire millénaire, au présent riche d’événements et à l’avenir prometteur. Qu’ils sachent que la France est très souvent au cœur de la prière du Pape, qui ne peut oublier tout ce qu’elle a apporté à l’Église au cours des vingt derniers siècles ! La raison première de mon voyage est la célébration du 150e anniversaire des apparitions de la Vierge Marie, à Lourdes. Je désire me joindre à la foule des innombrables pèlerins du monde entier, qui convergent au cours de cette année vers le sanctuaire marial, animés par la foi et par l’amour. C’est une foi, c’est un amour que je viens célébrer ici dans votre pays, au cours des quatre journées de grâce qu’il me sera donné d’y passer.

Mon pèlerinage à Lourdes devait comporter une étape à Paris. Votre capitale m’est familière et je la connais assez bien. J’y ai souvent séjourné et j’y ai lié, au fil des ans, en raison de mes études et de mes fonctions antérieures, de bonnes amitiés humaines et intellectuelles. J’y reviens avec joie, heureux de l’occasion qui m’est ainsi donnée de rendre hommage à l’imposant patrimoine de culture et de foi qui a façonné votre pays de manière éclatante durant des siècles et qui a offert au monde de grandes figures de serviteurs de la Nation et de l’Église dont l’enseignement et l’exemple ont franchi tout naturellement vos frontières géographiques et nationales pour marquer le devenir du monde. Lors de votre visite à Rome, Monsieur le Président, vous avez rappelé que les racines de la France - comme celles de l’Europe - sont chrétiennes. L’Histoire suffit à le montrer : dès ses origines, votre pays a reçu le message de l’Évangile. Si les documents font parfois défaut, il n’en reste pas moins que l’existence de communautés chrétiennes est attestée en Gaule à une date très ancienne : on ne peut rappeler sans émotion que la ville de Lyon avait déjà un évêque au milieu du IIe siècle et que saint Irénée, l’auteur de l’Adversus Haereses, y donna un témoignage éloquent de la vigueur de la pensée chrétienne. Or, saint Irénée venait de Smyrne pour prêcher la foi au Christ ressuscité. Lyon avait un évêque dont la langue maternelle était le grec : y a-t-il plus beau signe de la nature et de la destination universelles du message chrétien ? Implantée à haute époque dans votre pays, l’Église y a joué un rôle civilisateur auquel il me plaît de rendre hommage en ce lieu. Vous y avez-vous-même fait allusion dans votre discours au Palais du Latran en décembre dernier et de nouveau aujourd’hui. Transmission de la culture antique par le biais des moines, professeurs ou copistes, formation des cœurs et des esprits à l’amour du pauvre, aide aux plus démunis par la fondation de nombreuses congrégations religieuses, la contribution des chrétiens à la mise en place des institutions de la Gaule, puis de la France, est trop connue pour que je m’y attarde longtemps. Les milliers de chapelles, d’églises, d’abbayes et de cathédrales qui ornent le cœur de vos villes ou la solitude de vos campagnes disent assez combien vos pères dans la foi ont voulu honorer Celui qui leur avait donné la vie et qui nous maintient dans l’existence.

De nombreuses personnes en France se sont arrêtées pour réfléchir sur les rapports de l’Église et de l’État. Sur le problème des relations entre la sphère politique et la sphère religieuse, le Christ même avait déjà offert le principe d’une juste solution lorsqu’il répondit à une question qu’on Lui posait : « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu » (Mc 12,17). L’Église en France jouit actuellement d’un régime de liberté. La méfiance du passé s’est transformée peu à peu en un dialogue serein et positif, qui se consolide toujours plus. Un nouvel instrument de dialogue existe depuis 2002 et j’ai grande confiance en son travail, car la bonne volonté est réciproque. Nous savons que restent encore ouverts certains terrains de dialogue qu’il nous faudra parcourir et assainir peu à peu avec détermination et patience. Vous avez d’ailleurs utilisé, Monsieur le Président, la belle expression de « laïcité positive » pour qualifier cette compréhension plus ouverte. En ce moment historique où les cultures s’entrecroisent de plus en plus, je suis profondément convaincu qu’une nouvelle réflexion sur le vrai sens et sur l’importance de la laïcité est devenue nécessaire. Il est en effet fondamental, d’une part, d’insister sur la distinction entre le politique et le religieux, afin de garantir aussi bien la liberté religieuse des citoyens que la responsabilité de l’État envers eux, et d’autre part, de prendre une conscience plus claire de la fonction irremplaçable de la religion pour la formation des consciences et de la contribution qu’elle peut apporter, avec d’autres instances, à la création d’un consensus éthique fondamental dans la société.

Le Pape, témoin d’un Dieu aimant et Sauveur, s’efforce d’être un semeur de charité et d’espérance. Toute société humaine a besoin d’espérance, et cette nécessité est encore plus forte dans le monde d’aujourd’hui qui offre peu d’aspirations spirituelles et peu de certitudes matérielles. Les jeunes sont ma préoccupation majeure. Certains d’entre eux peinent à trouver une orientation qui leur convienne ou souffrent d’une perte de repères dans leur famille. D’autres encore expérimentent les limites d’un communautarisme religieux. Parfois marginalisés et souvent abandonnés à eux-mêmes, ils sont fragiles et ils doivent affronter seuls une réalité qui les dépasse. Il est donc nécessaire de leur offrir un bon cadre éducatif et de les encourager à respecter et à aider les autres, afin qu’ils arrivent sereinement à l’âge responsable. L’Église peut apporter dans ce domaine sa contribution spécifique. La situation sociale occidentale, hélas marquée par une avancée sournoise de la distance entre les riches et les pauvres, me soucie aussi. Je suis certain qu’il est possible de trouver de justes solutions qui, dépassant l’aide immédiate nécessaire, iront au cœur (coeur) des problèmes afin de protéger les faibles et de promouvoir leur dignité. À travers ses nombreuses institutions et par ses activités, l’Église, tout comme de nombreuses associations dans votre pays, tente souvent de parer à l’immédiat, mais c’est à l’État qu’il revient de légiférer pour éradiquer les injustices. Dans un cadre beaucoup plus large, Monsieur le Président, l’état de notre planète me préoccupe aussi. Avec grande générosité, Dieu nous a confié le monde qu’il a créé. Il faudra apprendre à le respecter et à le protéger davantage. Il me semble qu’est arrivé le moment de faire des propositions plus constructives pour garantir le bien des générations futures.

L’exercice de la Présidence de l’Union Européenne est l’occasion pour votre pays de témoigner de l’attachement de la France aux droits de l’homme et à leur promotion pour le bien de l’individu et de la société. Lorsque l’Européen verra et expérimentera personnellement que les droits inaliénables de la personne humaine, depuis sa conception jusqu’à sa mort naturelle, ainsi que ceux relatifs à son éducation libre, à sa vie familiale, à son travail, sans oublier naturellement ses droits religieux, lorsque donc cet Européen saisira que ces droits, qui constituent un tout indissociable, sont promus et respectés, alors il comprendra pleinement la grandeur de la construction de l’Union et en deviendra un artisan actif. La charge qui vous incombe, Monsieur le Président, n’est pas facile. Les temps sont incertains, et c’est une entreprise ardue de trouver la bonne voie parmi les méandres du quotidien social et économique, national et international. En particulier, devant le danger de l’émergence d’anciennes méfiances, de tensions et d’oppositions entre les Nations, dont nous sommes aujourd’hui les témoins préoccupés, la France, historiquement sensible à la réconciliation des peuples, est appelée à aider l’Europe à construire la paix dans ses frontières et dans le monde entier. À cet égard, il est important de promouvoir une unité qui ne peut pas et ne veut pas être une uniformité, mais qui est capable de garantir le respect des différences nationales et des diverses traditions culturelles qui constituent une richesse dans la symphonie européenne, en rappelant d’autre part que « l’identité nationale elle-même ne se réalise que dans l’ouverture aux autres peuples et à travers la solidarité envers eux » (Exhortation apostolique Ecclesia in Europa, n. 112). J’exprime ma confiance que votre pays contribuera toujours plus à faire progresser ce siècle vers la sérénité, l’harmonie et la paix.

Monsieur le Président, chers amis, je désire une fois encore vous exprimer ma gratitude pour cette rencontre. Je vous assure de ma fervente prière pour votre belle Nation afin que Dieu lui concède paix et prospérité, liberté et unité, égalité et fraternité. Je confie ces vœux (voeux) à l’intercession maternelle de la Vierge Marie, patronne principale de la France. Que Dieu bénisse la France et tous les Français !


Pope Calls for Redefinition of Church-State Relations in France

By Rachel Donadio | September 14, 2008
International Herald Tribune

Pope Benedict XVI and President Sarkozy at the Élysée Palace

LOURDES, France: Benedict XVI on Sunday renewed his call to redefine Church-State relations in France and urged the Roman Catholic clergy to engage in meaningful interreligious dialogue.

Speaking to French bishops at this pilgrimage site Sunday, the Pope urged initiatives that fostered "reciprocal knowledge and respect, as well as the promotion of dialogue," but said to "avoid those which lead to impasses. Good will is not enough."

In his speech to the bishops, the Pope also amplified his call for a redefinition of "laïcité," the divide between Church and State, that he first raised at a visit to the Élysée Palace in Paris on Friday.

"Your president has intimated that this is possible," Benedict said Sunday, referring to President Nicolas Sarkozy, who has broken French tradition - and angered his Socialist opposition - in calling for a "positive secularism."

"The social and political presuppositions of past mistrust or even hostility are gradually disappearing," the Pope said. But, he added, "the Church does not claim the prerogative of the state."

The Pope arrived Saturday in this rocky southwestern city to mark the 150th anniversary of the year a local 14-year-old peasant girl, Bernadette Soubirous, claimed to have seen visions of the Virgin Mary.

Since the late 19th century, millions of Catholics, some traveling in wheelchairs and stretchers, have made pilgrimages to Lourdes. Many claim to have been miraculously cured by the spring waters, though the Vatican recognizes only 67 miracles here.

An estimated 50,000 people attended an open-air mass Sunday morning, where Benedict told worshipers that "the power of love is stronger than the evil that threatens us."

After a candlelight procession Saturday night, the Pope called on worshipers to recall "innocent victims who suffer from violence, war, terrorism or famine," as well as people facing "suffering caused by unemployment, illness, infirmity, loneliness, or their situation as immigrants."

Benedict's visit recalled that of his predecessor, John Paul II, who traveled to Lourdes on his final foreign trip, in 2004, less than a year before he died. Too weak to celebrate Mass, John Paul called himself "a sick man among the sick."

The 81-year-old Benedict conducted prayers and greeted the faithful. And he kept an intense schedule on his first visit to France as Pope. Before leaving Paris on Saturday morning, he celebrated an open-air Mass before more than a quarter million people on the Esplanade des Invalides.

Although best known as a theologian and professor, Benedict has visited shrines to the Virgin Mary on eight of his 10 trips abroad, emphasizing the more devotional and less intellectual aspects of Catholicism.

John Allen, a columnist for the National Catholic Reporter and a Vatican expert, said: "It has become a project of this Pope to try to call Catholics back to a strong sense of their own identity, and there is no more classic marker of Catholic identity than devotion to the Virgin Mary."

Although Mass attendance is low in Europe, pilgrimage sites have risen in popularity. This year, eight million pilgrims are expected in Lourdes, up from six million a year in recent years.

On Monday the Pope was expected to celebrate a Mass for the sick before returning to Rome.


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