2°
EXTRAITS DE POÊMES VAUDOIS SANS INDICATION DE DATE.
a) LA BARQUE.
- La sainte Trinité nous permette (donne) parler
- Chose qui soit d'honneur et de gloire,
- Et qui au profit de tous puisse tourner,
- Et aux écoutants donne désir
- Qu'ils mettent la volonté et le cœur
- À entendre bien les notres discours.
- ...............................................................
- De quatre éléments a Dieu le monde formé
- Feu, air, eau et terre sont nommés,
- Étoiles et planètes fit de feu;
- Le zéphir et le vent ont en l'air leur lieu
- L'eau produit les oiseaux et les poissons,
- La terre les animaux et les hommes félons.
- La terre est le plus vil des quatre éléments
- De laquelle fut fait Adam père de toute gent.
- O fange! ô poussière! maintenant te glorifie
- O vaisseau de misère ! maintenant t'enorgueillis
- Orne-toi bien, et cherche vaine beauté ;
- La fin te montrera ce que tu auras ouvré.
- ...............................................................
- Regarde dès la notre naissance
- De combien est de valeur le notre vêtement
- Nus au monde venons et nus nous en retournons
- Pauvres y entrons et avec pauvreté sortons
- Et riches et pauvres ont même entrée
- Seigneurs et serfs ont même sortie.
- Car, selon le mien avis, je les vois beaucoup fort errer,
- Car ils laissent le bien et opèrent beaucoup fort le mal
- Tous cessent de faire bien par crainte de la gent
- Les uns par convoitise d'amasser or et argent,
- Les autres aiment tant l'honneur et leur plaît le plaisir
- Que peu soignent d'opérer par quoi ils soient élus
- Bien voudraient paradis en tant que pour désirer,
- Mais ce par quoi il s'acquiert ne voudraient guère faire,
- ...............................................................
- Mais je prie Dieu le Père et le sien Fils glorieux
- Et le Saint-Esprit, lequel est des deux,
- Que sauve tous ceux qui ouïront les leçons
- Et qui les garderont selon ce qui est raison
- Bien je voudrais que tous ceux qui sont au temps présent,
- Eussent volonté, pouvoir et entendement
- De servir ce Soigneur, lequel promet et tient
- Lequel donne richesses très-abondamment,
- Délices et grand honneur, sans manquement.
- Par les trois choses dites vient l'oeuvre à complément
- Quand l'homme a volonté, et pouvoir et entendement
- Alors fait le service qui est à Dieu très-agréable
- Mais quand il a sagesse et n'a le pouvoir,
- Dieu lui compte pour fait, tant il a bon vouloir
- Mais quand il a puissance et grand entendement,
- Lui profite très-peu, quant à son salut,
- S'il n'accomplit par oeuvre, puisqu'il a la volonté
- Quand viendra au jugement, il sera moult condamné
- Mais si aucun (quelqu'un) a volonté de bien faire,
- Et a la puissance qui pourrait bien opérer,
- S'il n'a la sagesse, il ne se peut sauver,
- Car l'ignorance le Lait très-fort errer.
- Donc à tout homme, lequel se veut sauver,
- Besoin est qu'il entende quelle chose est bien et mai
- Et ait grande force en (dans) bien persévérer,
- Et porte en patience, quand il aura adversité,
- Et aime Dieu surtout par bonne volonté
- Et avant soi le prochain par voie de charité
- Que les autres soient plus grands en sagesse et bonté.
- Donc sagesse nous enseigne, si nous la voulons tenir,
- Que nous devons aimer Dieu et craindre et servir
- Et avoir vraie foi en le sien accomplissement,
- C'est oeuvre vertueuse et droit entendement :
- Puis recevrons la gloire que l'espérance attend.
- Servons donc ce Seigneur que la sagesse dit,
- Lequel est moult puissant et sage aussi
- Juste et bon et miséricordieux,
- Lequel est Roi des rois et Seigneur des seigneurs.
- Beaucoup sont hors sens ceux qui laissent tel Seigneur
- Pour servir ce monde de qui en auront mauvais guerdon
- Mais qui regarde bien à hommes de ce monde,
- Parce qu'ils n'ont sagesse, sont en plusieurs erreurs,
- Car n'est sinon un Dieu, et ils en vénèrent plusieurs.
- ...............................................................
- Brièvement est raconté, en la raison qui est dite,
- Des quatre services qui sont faits en la vie,
- Le premier est beaucoup vain, c'est de servir le monde,
- Car il trépassera et perdra son guerdon,
- Le second est très-vil, c'est de servir le corps;
- Vers mangeront la chair, et dépériront les os.
- Mais le troisième est très-grief, c'est servir l'ennemi,
- L'âme sera tourmentée et le corps sera puni ;
- Quand il sera ressuscité au jour du jugement,
- Recevra telle sentence dont il sera dolent.
- Mais le quatrième est très-digne, c'est de servir le Seigneur,
- Ceux-là seront bienheureux qui auront fait tel labeur
- Rois seront couronnés, et jugeront le monde.
- Donc ceux-là qui disent qu'ils se veulent tenir
- Avec la plus grande partie, pour être plus sûrs,
- Que ne regardent-ils avec la pensée avisée
- En la raison écrite qui est ici racontée ?
- Les trois parties sont perdues et la quatrième sauvée
- Et l'Évangile dit, lequel Christ a parlé,
- Que peu sont les élus et beaucoup les appelés
- Ce sont les douze apôtres, lesquels furent élus,
- Pour suivre le Seigneur laissèrent le, plaisir :
- Ceux qui sont serfs de Christ tiennent cette voie
- Mais ils sont en ce monde petite compagnie ;
- Mais ils sont moult confortés de Christ, le leur Seigneur,
- Car ils recevront le royaume pour paie du labeur,
- Et auront en aide en l'assemblée céleste toujours avec (en) eux
- Vu que nul ne peut compter combien est grande la compagnie.
- Alors les félons seront moult trompés ;
- Mais tard connaîtront qu'ils auront mal ouvré
- Alors sera fait change d'un chacun présent.
- Ceux qui ont ici (deçà) le délice auront là le tourment
- Mais les serfs du Seigneur, qui ont ici (deçà) tribulation
- Auront là éternelle gloire et grande consolation.
- Bienheureux seront ceux qui sont des parfaits,
- Quand là sera complet le nombre les élus
- La puissance du Père et la sagesse du Fils
- Et la bonté du Saint-Esprit nous garde tous
- D'enfer et nous donne paradis ! Amen.
b) LE NOUVEAU CONFORT.
- Ce nouveau confort de vertueux labeur
- J'envoie, vous écrivant en charité et en amour
- Je prie vous chèrement par l'amour du Seigneur
- Abandonnez le siècle, servez à Dieu avec crainte.
- Vous dormez longuement en la votre tristesse,
- Vous ne voulez veiller, parce que suivez la paresse
- De (pour) bellement reposer au lit d'avarice
- Faisant à votre chef coussin de convoitise.
- Toute la votre vie est un petit dormir
- Dormant vous songez un songe de plaisir
- Paraît à vous que votre songe ne puisse défaillir,
- Moult ébahis serez et triste au réveiller.
- À votre vain songe vous avez tel plaisir,
- Subitement vous frappera le bâton de la mort,
- Et vous réveillera et serez à mauvaise contenance (en mauvais port);
- N'aurez parents ni richesses qui vous donnent confort.
- ...............................................................
- Le corps sera posé en une fosse obscure,
- L'esprit rendra raison selon la droiture,
- Et ne serez excusés ni par pleur ni par regret
- De tout serez payés, mesure par mesure.
- ...............................................................
- Plusieurs suivent le monde par grande ignorance ; Ne connaissant pas
Dieu, étant en mécroyance,
- Vont par la voie mondaine, comme bestiale essence (contenance)
- Ne savent servir Dieu ni faire vraie pénitence.
- Car quoique la droite voie entendront (entendraient) clairement,
- Jamais pour cela ne la croient ni donnent l'ouïe;
- Le démon leur dérobe (aveugle) l'œil de l'entendement,
- Si (tellement) qu'en eux ne se prend (prend vie) la divine semence.
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- Car tant mettent le soin à (en) la vie présente
- En leur mauvaise chair nourrir délicatement,
- En manger, et en boire, et vivre grassement;
- Tous les leurs désirs veulent accomplir entièrement.
- Car plusieurs sont tentés avec fausse tentation,
- Encontre l'Écriture mettent leur intention,
- En les liens charnels mettent leur dévotion
- Avec lesquels le démon les tire à perdition.
- ...............................................................
- Serfs sont du Seigneur, marqués de son sceau
- Jésus-Christ les appelle son petit troupeau :
- Ceux-ci sont ses brebis et ses vrais agneaux,
- Souvent sont persécutés des mauvais enragés.
- Ces bons agneaux suivent le leur pasteur,
- Et bien connaissent lui, et lui-même connaît eux,
- Et les appelle par nom et va devant eux :
- Ils entendent la sienne voix plaisant avec douceur.
- Et les mène paître au champ spirituel;
- Trouvent moulte pâture moult substantielle,
- Ne mangeront herbe mauvaise ni pâture mortelle
- Mais sont repus du pain vivant et céleste.
- À la fontaine de vie les mène avec joie,
- Boivent eau précieuse qui leur donne confort;
- Tout homme qui en boira est de si noble sort
- Que jamais n'aura tare (et non trahison), ne tâtera la mort.
- Le notre bon pasteur le sien troupeau aimait,
- Et pour les siens agneaux la sienne vie quittait,
- La volonté du Père il leur annonçait,
- La voie de salvation (salut) bien leur admonestait (montrait).
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- La joie et la grande gloire ne se peut raconter
- N'est homme vivant qui au cœur puisse penser,
- Ni langue tant subtile qui sache tant parler,
- Ni vue d'œil si claire qui puisse regarder (voir).
- O chers amis! levez-vous du dormir,
- Car vous ne savez l'heure que Christ doit venir
- Veillez toujours (toute vie) de cœur en Dieu servir,
- Pour être à la gloire, laquelle ne doit finir.
- Ores venez au jour clair, et ne soyez négligents,
- Frappez à la porte, faites vertueusement,
- Et le Saint-Esprit vous ouvrira doucement
- Et amènera vous à la gloire du ciel vraiment.
- Venez et n'attendez à la nuit ténébreuse,
- Laquelle est très-obscure, horrible, épouvantable;
- Celui qui vient de nuit, jamais l'époux ni l'épouse
- N'ouvrira à lui la porte précieuse. Ainsi soit-il.
c) LE PÈRE ÉTERNEL.
- Roi indulgent et miséricordieux,
- Donne aux croyants en toi coeur (courage) d'être bons,
- Et les autres convertis par les tiens prédicateurs.
- Consolateur droiturier, saint et principal,
- Purifie la mienne âme de tout péché mortel,
- Plantes-y les vertus et déracine les véniels.
- Roi glorieux, régnant sur tous les royaumes,
- Fais-moi régner avec toi au tien céleste royaume
- Que je chante avec tous les saints et toujours louer toi je sois
digne
- Héritier gracieux de tous les bons trésors,
- Donne vive espérance et conforte (fortifie) le mien cœur.
- Et à moi et à tous les miens donne du tien trésor.
- Gage ferme et non muable de la notre hérédité,
- Donne-moi ici goûter de la tienne grande bonté,
- Que les vertus soient douces et haïs soient les péchés.
- Gouverneur éternel de toutes les créatures,
- Ôte de nous les vices, et répare les figures,
- Afin que luisent de vertu, et jamais ne soient obscures.
- ...............................................................
- Agneau de Dieu vrai, non coupable qui ôtes les péchés,
- Mène-moi an mont de Sion allègre et très-sûr, suivant les non
souillés,
- En herbes verdoyantes et fleurs bien odorantes là sois de toi gardé.
- Conseiller fidèle, merveilleux et fort,
- Conseille le tien peuple qui est tourmenté à tort
- Afin qu'il abandonne ce monde pour venir au tien jardin.
- Engendreur des vivants, lumière merveilleuse et grande,
- Toutes choses sont semblables, le tien oeil regardant,
- Tu es garde (gardien) des hommes, des petits et des grands.
- Pasteur grand et bon des brebis suivant toi,
- Garde-les d'ours et de lions et de loups méconnus
- Comme tu connais eux, fais-leur connaître toi.
- ...............................................................
- Avocat entendant (entendu) en lois et en décrétales,
- Envers Dieu notre Père parle pour nous mortels,
- Afin que par ton amour nous fasses héritiers célestes.
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- Évêque pur, saint et fidèle selon (second) Adam
- Offre-nous à ton Dieu comme fit son fils Abraham,
- Pain vivant et quotidien, garde-nous de toute déréglée faim.
- Amitié divine de gracieuse existence,
- Donne vraie amitié à mon entendement,
- Afin que comme tu veux et non je veuille une même œuvre.
- Trinité benignissime, première volonté,
- Contre ton bon plaisir ont les méchants ouvré,
- Mais selon un tien vouloir ne peut être contesté.
d) LE MÉPRIS DU MONDE.
- O très-chers ! mettez ici le votre soin
- Car c'est par la divine Écriture,
- Que personne ne mette l'espérance ni l'amour
- Dans les choses du monde qui mènent à douleur
- Et quiconque Jésus-Christ veut aimer
- Le monde mesquin il doit fortement haïr
- Et ce que le monde aime et tient pour doux,
- Il doit tenir pour amer et pour fort venimeux
- Et comme grand crachat et grief venin mortel
- La pompe et l'honneur du monde il doit fortement esquiver
- Et comme fumier sale doit haïr son honneur,
- Et vers le royaume du ciel soupirer par grande vigueur.
- ...............................................................
- O frère très-cher ! au monde ne te réjouis,
- Car la mort par aventure demain t'en vient mener
- À la cruelle mort tu ne peux contester
- Par aucun pacte ni raison que tu lui puisses trouver.
- Ores serait venu le temps de pleurer
- Et d'avoir grande douleur et de grièvement soupirer
- Ores serait temps de mener grande joie (douleur, deuil)
- Et tous les notres péchés pleurer dévotement.
- ...............................................................
- Nous tous voyons le monde misérable et douloureux
- Périr sous la mort et n'avoir recours.
- Et elle n'a d'aucun aucune miséricorde ;
- Aux dues et aux princes elle est fort commune
- À jeune comme à viel elle ne veut pardonner ;
- Par aucun moyen (engin) ne peut éviter (échapper) le fort
- Qu'il ne soit broyé (atterré) sous le pied de la mort.
- ...............................................................
- Car la vie vite passe comme le léger vont
- Et comme ombre, et fuseau, elle tourne à néant.
- De qui te rempareras-tu (rachèteras), quand la mort t'occira:
- Car pacte ni convention la mort ne recevra
- L'or ni l'argent ne te secourra
- Ni prière d'ami ne te délivrera.
- ...............................................................
- Donc opérons voyageusement le bien que nous pouvons faire,
- Car la mort ne cesse toujours de menacer ;
- Ni dans les choses du monde ne veuillons espérer,
- Mais mettons la notre espérance dans les biens célestes.
- Le fol est trompé en l'amour de la vie présente,
- Mais le sage connaît combien elle est pleine de tourment
- La beauté et le trésor du monde comparé
- À la fleur du champ, laquelle est noblement honorée
- Qui, quand elle est taillée, subitement sèche
- Dès que la chaleur du soleil la touche,
- Et la beauté qu'elle avait premièrement
- Est aussitôt tournée en grande difformité.
- L'honneur du monde je te veux raconter,
- À ce que tu entendes et ne puisses nier
- Combien est brève et combien peu peut durer
- Toute puissance terrestre et royale seigneurie.
- ...............................................................
- Vous pouvez tous connaître que n'a grand profit
- En possessions de terre, ni en les autres grandes délices,
- Ni en tours, ni en palais, ni en grands édifices,
- Ni en tables, ni en repas, ni en les grands mangers,
- Ni en les lits honorables, ni en les belles parures,
- Ni en vêtements clairs et fortement resplendissants,
- Ni en troupeaux de bêtes, ni en travail de moult champs.,
- Ni en belles vignes, ni en verger, ni en jardin grand,
- Ni en moults fils, ni en autre grande famille,
- Ni en autre honneur mondain tournant comme étincelle
- Quel est donc le sage qui a souci d'acquérir
- Ce qui avec travail s'acquiert et tant peu peut durer
- Celui-là n'est très-sûr ni très-bien logé
- Lequel peut être de la mort subitement attrapé.
e) L'ÉVANGILE DES QUATRE SEMENCES.
- Ores parlons de l'Évangile des quatre semences
- Que Christ disait au siècle actuel,
- Par quoi il eut au monde aucun (quelque) commencement
- De la sienne créature engendrée nouvellement.
-
- Le semeur la sienne semence semait;
- L'une tomba en la voie (chemin) : fruit ne germait
- Et ne pouvait naître, la racine ne prenait (reprenait)
- Les hommes la foulaient, les oiseaux la dévoraient.
-
- L'autre entre les pierres ne faisait profit
- Sentant la chaleur elle sécha sans retard ;
- L'autre entre les épines eut grande suffocation,
- Et ne pouvait faire fruit ni bon portement.
-
- L'autre en bonne terre droitement croissait
- Faisant bon épi droit et plein ;
- Le sien cultivateur droitement recueillait
- Pour une, cent ou cinquante ou trente en recueillait.
-
- L'Évangéliste démontre qui est le semeur
- Celui-là est Jésus-Christ, le notre Sauveur,
- Roi des rois, Prince des pasteurs,
- Semant la graine du céleste labeur.
- Cette semence était la sienne prédication
- Laquelle il semait avec grande affection
- Mais souvent rencontrait grande tentation :
- Tombant en vile terre souffrait destruction.
- Car les oiseaux de l'air viennent à batailler
- À bon semeur pourtant veulent contester (s'opposer),
- Toute la sienne semence cherchent à dévorer,
- Car en plusieurs manières l'essayent de tenter.
- Ces faux oiseaux sont les malins esprits :
- L'Écriture cela démontre et en l'Évangile est écrit
- Et veulent dévorer le troupeau petit petit
- Duquel est bon pasteur le Seigneur Jésus-Christ,
- Quand ces oiseaux trouvent la semence
- Éparse par la voie, sans culture,
- Qui n'a racine, ni pris renaissance,
- À l'instant la dérobent moult (fort) cruellement.
- ...............................................................
- Mais quand le semeur sème la semence,
- L'une tombe dans les pierres où a peu d'aliment
- Et, parce que y a peu terre, en sort subitement,
- Mais fait petite racine et chétive pousse.
- Quand cette semence est de terre sortie,
- Elle n'a ferme tuyau (racine), ni la moelle remplie,
- Est brûlée du soleil et de grande chaleur frappée
- Ensuite (ainsi) tournent sèche et sans vigueur.
- Ceux-là sont ceux qui, quand on les admoneste.
- Qu'ils entendent la parole et l'écoutent avec fête,
- Volontiers la reçoivent, et bien leur paraît honnête
- Mais trop sont temporels et de méchant geste (action)
- Et à l'instant qu'ils sentent la persécution
- Un peu d'épouvante, ou de tribulation,
- Ils renient et laissent la prédication
- Laquelle ils écoutaient avec si grande dévotion.
- ...............................................................
- Le leur adversaire, l'ennemi éternel,
- Dragon, serpent antique, plein de venin mortel,
- Lequel est Satan, semeur de maux,
- Mêlait la sienne ! vraie avec la semence royale.
- Cette mauvaise herbe, semence de tristesse,
- Ce sont les fils félons, pleins de toute malice,
- De poursuivre les justes ont grande convoitise,
- Veulent (voulant) eux dévier de la divine justice,
- Tribulations leur donne et les travaille fort,
- Faisant à eux incultes angoisses et tourments jusqu'à la mort
- Mais les justes sont fermes ; en Christ ont leur confort
- Au royaume de paradis seront avec volupté.
- Pour cela craignent Dieu, gardent soi de mal faire;
- La loi du Seigneur s'efforcent de garder
- Et toutes adversités en patience porter,
- Jusqu'à ce que soit venu le temps du moissonner.
- Et quand Christ fera le grand jugement,
- Dira aux siens anges : « Faites séparation
- Entre les bienheureux et la mauvaise semence. »
- Alors les félons seront tristes et dolents.
- Car le Seigneur Jésus-Christ, la divine sagesse,
- Donnera contre eux très-amère sentence,
- Disant : « Séparez-vous de la mienne présence,
-
- Descendez en l'enfer en la grande pestilence. »
- Car c'est la paie de vos travaux
- Et de vos désirs ; faisant sans crainte,
- Servant à votre corps, avez laissé le Seigneur;
- Vous posséderez grande peine, pleurs et douleur.
- Recevrez héritage qui jamais ne peut mourir,
- Cruel serpent venimeux qui jamais ne peut finir,
- Et l'âpre feu ardent vous conviendra souffrir,
- Jamais de la ténèbre obscure vous ne pourrez sortir. »
- Alors il parlera avec agréable allégresse
- Aux siens bienheureux remplis de force:
- Venez à posséder le royaume de beauté,
- Jamais ne sentirez pleurs, ni douleur, ni détresse. »
- Comme (ainsi) le bon pasteur bien les admoneste,
-
- Livrera à eux le règne du Père avec fête ;
- Ne craindront l'adversaire ni la sienne mauvaise action,
- Ni la sienne tentation pleine de grande tempête.
- Avec le céleste Père auront leur compagnie,
- Porteront royale couronne de grande seigneurie,
- Précieuse, et noble, et de beauté remplie
- En joie et plaisir sera toute leur vie.
- Car seront fils de Dieu, père d'indulgence (d'humilité)
- Posséderont la gloire par propre héritage,
- Seront anges glorieux, luisant en clarté ;
- Par (pendant) tout temps seront devant la sainte Trinité. Ainsi
soit-il.
3. Le catéchisme des anciens Vaudois
Quelques extraits de ce très ancien catéchisme (XIIè siècle) :
Le Barbe (Pasteur) : Pourquoi Dieu t'a-t-il créé ?
L'enfant : Afin que je le connaisse, que je le serve, et qu'ayant sa grâce je sois sauvé.
De quelle foi es-tu?
De la véritable foi catholique et apostolique.
Quelle est-elle ?
Je crois en Dieu le Père tout-puissant... (Symbole des apôtres)
De quelle manière peux-tu connaître que tu crois ?
En ceci, que je connais [Jésus-Christ], vrai Dieu et vrai homme, qui est né et qui a souffert pour ma rédemption, ma justification, que je l'aime et que je désire accomplir ses commandements.
A quoi se réduisent les commandements ?
En deux grands commandements, c'est-à-dire, aimer Dieu au-dessus de toutes choses, et le prochain comme soi-même
Quel est le fondement sans lequel on ne peut dignement accomplir les commandements?
Le Seigneur Jésus-Christ duquel l'Apôtre dit : Nul ne peut poser d'autre fondement excepté celui qui est posé, Jésus-Christ.
Adores-tu autre chose de la même manière que Dieu ?
Non. A cause du commandement strict qu'il a donné: Tu adoreras le Seigneur ton Dieu et tu le serviras lui seul.
Que crois-tu de la sainte Église?
La sainte Église catholique se compose de tous les élus de Dieu, qui sont en la grâce de Dieu par le mérite de Christ, assemblés par le Saint-Esprit, desquels le nombre et les noms ne sont connus que de celui qui les a élus.
Par quoi peut être connue la mauvaise doctrine?
C'est quand elle enseigne l’idolâtrie contre la foi et l'espérance. Car le Père avec son Fils et le Saint-Esprit doit être adoré, et non aucune créature, quelle qu'elle soit.
4°
CONFESSION DE FOI DES ANCIENS VAUDOIS
DATÉE DE L'AN 1120. ( 50 ans avant la conversion de
Pierre
Valdo)
1° Nous croyons et tenons fermement tout ce qui est contenu dans les
douze articles du Symbole, appelé des
Apôtres, tenant comme une hérésie tout ce qui y est en désaccord et ne
convient pas avec les (dits) douze articles. 2° Nous croyons
en un Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit. 3° Nous
reconnaissons pour saintes Écritures canoniques, les livres de la sainte
Bible.
Moïse, autrement la Genèse. Moïse, dit l'Exode. Moïse, dit
le Lévitique. Moïse, dit les Nombres. Moïse, dit le Deutéronome.
Josué, les Juges, Ruth. 1 Samuel. - 2 Samuel. 1 des Rois. -
2 des Rois. 1 des Chroniques. - 2 des Chroniques. 1 Esdras. -
Néhémie. - Esther. - Job. Le livre des Psaumes. - Les Proverbes de
Salomon. L'Ecclésiaste autrement dît, le Prédicateur. Le
Cantique de Salomon. Les Prophéties d'Esaïe, de Jérémie. Les
Lamentations de Jérémie, Ezéchiel, Daniel, Osée. Joël, Amos, Abdias,
Jonas. Michée, Nahum. Habacuc, Sophonie, Aggée. Zacharie,
Malachie. Maintenant suivent les livres apocryphes, qui ne
sont pas reçus par les Hébreux. Mais nous les lisons, comme dit saint
Jérôme dans son prologue sur les Proverbes, pour l'enseignement du
peuple, et non pour confirmer les doctrines de l'Église; savoir : Le
troisième livre d'Esdras. Le quatrième livre d'Esdras. Tobie,
Judith, la Sapience. L'Ecclésiastique, Baruc, avec l'Épître de Jérémie.
Esther, depuis le dixième chapitre jusqu'à la fin. Le cantique
(le chant) des trois enfants dans la fournaise. L'histoire de Susanne.
L'histoire du Dragon. Le premier (livre) des Machabées. Le
second des Machabées. Le troisième des Machabées.
Maintenant suivent les livres du Nouveau Testament
L'Évangile de Saint Matthieu. L'Évangile de Saint Marc.
L'Évangile de Saint Luc. L'Évangile de Saint Jean. Les Actes
des Apôtres. Épître de Saint Paul aux Romains. 1 Aux Corinthiens.
2 Aux Corinthiens. Aux Galates. Aux Ephésiens. Aux
Philippiens. Aux Colossiens. La 1 aux Thessaloniciens. La 2
aux Thessaloniciens. La 1 à Timothée. La 2 à Timothée. À
Tite. À Philémon. Aux Hébreux. Épître de Saint Jacques.
La 1 Épître de Saint Pierre. La 2 Épître de Saint Pierre. La
1 Épître de Saint Jean. La 2 Épître de Saint Jean. La 3 Épître
de Saint Jean. Épître de Saint Jude. L'Apocalypse de Saint
Jean.
4° Les livres susdits enseignent ceci. Qu'il y a un
Dieu tout puissant, tout sage, tout bon, qui par sa bonté a fait toutes
choses. Car il a formé Adam à son image et ressemblance ; mais que, par
l'envie du diable et par la désobéissance dudit Adam, le péché est entré
dans le monde, et que nous sommes pécheurs en Adam et par
Adam. 5° Que Christ a été promis aux pères (patriarches) qui
ont reçu (accepté) la loi, afin que (à ce que) connaissant par la loi
leurs péchés, leur injustice et leur insuffisance, ils désirassent
l'avènement de Christ pour satisfaire à leurs péchés et pour accomplir la
loi par lui-même. 6° Que Christ est né au temps ordonné de
Dieu son Père, c'est à savoir, à l'heure que toute iniquité abondait, et
non pas pour (opérer) les bonnes oeuvres seulement. Car, tous étaient
pécheurs, mais afin qu'il nous fit grâce et miséricorde comme (celui qui
est) véritable. 7° Que Christ est notre vie, et vérité, et
paix, et justice, et pasteur (berger), et avocat, et victime, et
sacrificateur (prêtre), lequel est mort pour le salut de tous les
croyants, et ressuscité pour notre justification. 8° Et
semblablement nous tenons fermement qu'il n'y a aucun autre médiateur et
avocat auprès de Dieu le Père, sinon Jésus-Christ. Mais que la vierge
Marie a été sainte, humble et pleine de grâce, et de même nous croyons de
tous les autres saints qu'ils espèrent dans le ciel la résurrection de
leurs corps au (jour du) jugement. 9° De même nous croyons
qu'après cette vie il y a seulement deux lieux, un pour les sauvés lequel
nous appelons du nom de paradis, et l'autre pour les damnés lequel nous
appelons enfer, niant tout-à-fait ce purgatoire, rêve de l'Antichrist
et imaginé contre la vérité. 10° De même, nous avons
toujours cru que c'est une abomination qu'on ne doit pas proférer devant
Dieu que toutes les choses trouvées (inventées) par les hommes, comme sont
les fêtes et les vigiles des saints, et l'eau qu'on appelle bénite,
(comme) de s'abstenir certains jours de viande, d'autres aliments
(mangers), et choses semblables, principalement les
messes. 11° Nous avons en abomination les inventions
(trouvailles) humaines, comme antichrétiennes par lesquelles nous sommes
troublés et qui portent préjudice à la liberté d'esprit. 12°
Nous croyons que les sacrements sont des signes ou des formes visibles de
grâce invisible, pensant (tenant) qu'il est bon que les fidèles en usent
quelquefois (de ces dits signes, ou formes visibles), si cela peut se
faire. Et cependant nous croyons, et nous tenons que lesdits fidèles
peuvent être sauvés, en ne recevant pas lesdits signes, quand ils n'ont ni
le lieu, ni le moyen (la manière) de pouvoir en user (desdits
signes). 13° Nous n'avons connu d'autres sacrements que le
baptême et l'eucharistie. 14° Nous devons honneur au pouvoir
séculier, en soumission, en obéissance, en zèle (promptitude), et en
paiement.
5. L'Antichrist
ANTIQUE DOCUMENT VAUDOIS PORTANT LA DATE DE L'AN 1120 (
50 ans avant la conversion de Pierre
Valdo) TRADUCTION DE PERRIN ET DE LÉGER
Tiré de Léger, Histoire Générale, etc., part. p. 71 ; ou de Perrin,
Histoire des Vaudois, part. III, p. 225.
L'Antichrist de l'antique traité vaudois, c'est le système religieux
Catholique Romain, son personnel et son culte, le Pape et l'idolâtrie dont
il est le centre.
- CE
QU'EST L'ANTICHRIST ( introduction un peu longue)
- QUELLES
SONT LES OEUVRES DE L'ANTICHRIST
- QUELLES
OEUVRES DÉCOULENT DES PREMIÈRES (partie à lire)
- CHOSES
PAR LESQUELLES EST COUVERTE L'INIQUITÉ DE L'ANTICHRIST
- DEVOIR
DE SEPARATION DU CHRETIEN
- SIX
INIQUITÉS DE L'ANTICHRIST
CE QU'EST
L'ANTICHRIST( ou L'Antéchrist)
Comme la fumée précède le feu, comme la bataille précède la victoire,
de même la tentation de l'Antichrist précède la gloire.
L'Antichrist est une fausseté (digne) d'une damnation éternelle,
couverte de l'apparence de la vérité et de la justice de Christ et de son
Épouse; il est opposé à la voie même de la vérité, de la justice, de la
foi, de l'espérance, de la charité, (opposé) à la vie morale et au
véritable ministère de l'Église, (celle-ci étant) administrée par de faux
apôtres, et défendue opiniâtrement par l'un et l'autre bras (le bras
spirituel et le bras séculier).
Ou bien, l'Antichrist est une altération de la vérité du salut, cachée
par des objets (choses) matériels et ministériels, ou une frauduleuse
contrariété à Christ, à son Épouse et à chaque membre fidèle. Ainsi, il
n'est pas une certaine personne spéciale, ordonnée dans un certain degré
(grade), ou office, ou ministère, en considérant la chose en général; mais
la fausseté elle-même, opposée à la vérité dont il se couvre, et (en même
temps) s'orne de beauté et de piété en dehors de l'Église de Christ, de
même de Christ, de noms, d'offices, (de passages) des Écritures, de
sacrements et de plusieurs autres choses.
L'iniquité de cette sorte, avec ses ministres supérieurs et inférieurs,
avec ceux qui la suivent d'un cœur mauvais et aveugle : une telle
congrégation, prise ensemble, s'appelle Antichrist, ou Babylone, ou
quatrième bête, ou paillarde (prostituée), ou homme de péché, fils de
perdition.
Ses ministres sont appelés faux prophètes, ministres de ténèbres,
esprit d'erreur, paillarde (prostituée) apocalyptique, mère de
fornication, nuages sans eau, arbres d'automne morts et deux fois
arrachés, vagues de la mer cruelle, étoiles tombantes (errantes),
Balaamites, Égyptiens.
Il est appelé Antichrist, parce que, couvert et orné de (sous)
l'apparence de Christ, de l'Eglise et de ses fidèles membres, il s'oppose
au salut opéré (fait) par Christ, et administré véritablement dans
l'Eglise de Christ, et qu'il se place au rang des fidèles par la foi, par
l'espérance et par la charité: à ces divers égards, il se montre contraire
par une sagesse mondaine, par de fausses religions et par une bonté
feinte, par le pouvoir spirituel, par la tyrannie séculière, par les
richesses, par l'honneur des dignités, par les délices et par les plaisirs
mondains. Il s'oppose (à Christ, etc.) par ces moyens. C'est pourquoi que
chacun sache (1)
que l'Antichrist ne peut être accompli ni paraître en aucune manière,
sinon lorsque les choses qu'on vient de nommer seront réunies ensemble
pour former (faire) un parfait hypocrite et un parfait mensonge,
c'est-à-dire lorsque les sages du monde, les hommes religieux, les
pharisiens, les ministres, les docteurs, la puissance séculière, avec le
peuple, seront réunis ensemble. Alors ils formeront ensemble l'homme de
péché et d'erreur entier.
Car, au temps des apôtres, c'est une vérité que l'Antichrist était déjà
conçu, mais parce que, n'étant qu'enfant, il lui manqua de ses membres
nécessaires, soit intérieurs, soit extérieurs. C'est pourquoi (2)
on pouvait le connaître, on pouvait le détruire et l'excommunier plus
aisément comme étant ignorant et grossier. Et il était muet, car (3)
il n'avait pas la sagesse qui sait raisonner, qui sait s'excuser, qui sait
définir, qui sait prononcer des sentences; car il lui manqua des seuls
ministres sans vérité et des statuts humains; il lui manqua des hommes
religieux extérieurement (en dehors) : en effet, il était bien venu, quant
à l'erreur et au péché, mais il n'avait pas (les choses) avec lesquelles
il put couvrir la souillure ou la vergogne des erreurs ou du péché. Comme
il lui manquait, des richesses et des dotations, il ne put pas prendre à
gages des ministres pour lui; il ne put pas (non plus) les multiplier, les
conserver, les défendre; car il manqua de puissance ou de pouvoir
séculier; il ne put ni forcer ni contraindre personne de la vérité au
mensonge (4).
Comme il lui manqua beaucoup (de choses), il ne put ni ébranler ni
scandaliser personne par ses solennités. Et ainsi, étant trop tendre et
faible, il ne put pas subsister dans l'Église. Mais, croissant en ses
membres, c'est-à-dire en ses ministres aveugles et hypocrites et en ses
gens (les siens) du monde; et lui-même grandit jusqu'à (être) homme fait
dans la plénitude de l'âge, c'est-à-dire jusqu'à ce que les (hommes)
spirituels et séculiers et les amis du monde, aveugles en la foi et étant
mauvais, se sont multipliés dans l'Église avec tout pouvoir.
(l'Antichrist) voulant être invoqué, prié et honoré dans les choses
spirituelles et couvrir sa propre majesté, sa malice et ses péchés, a eu
recours aux saints et aux pharisiens, en cela, comme il est dit
ci-dessous. Car c'est une extrême iniquité de cacher (couvrir) et
orner une iniquité digne d'excommunication, et de vouloir paraître (être)
ce qui n'est pas donné à l'homme (d'être), mais qui appartient (convient)
à Dieu seul et à Jésus-Christ en tant que médiateur. Enlever (ôter)
frauduleusement à Dieu, par rapine, ces choses et les transporter à soi et
à ses oeuvres doit être une extrême révolte, comme aussi de régénérer, de
pardonner les péchés, de distribuer les grâces du Saint-Esprit, de
consacrer (confectionner) Christ, et ainsi des autres (choses) semblables.
Et se couvrir dans toutes ces choses du manteau de l'autorité, de la forme
des paroles, et tromper par ces choses le peuple ignorant (rustique),
imitant (suivant) ce que fait le monde dans les choses qui sont du monde :
éloigner aussi de Dieu, et de la vraie foi, et de la régénération
(réformation) du Saint-Esprit; éloigner de la véritable repentance, de la
persévérance dans le bien; éloigner de la charité, de la patience, de la
pauvreté, de l'humilité, et, ce qui est le pire de tout, éloigner de la
vraie espérance et la placer en tout mal et en la vaine espérance du
monde; fournir (servir) à tous les ministères pour ces choses, faire
idolâtrer le peuple, servir frauduleusement les idoles du monde
entier, sous le nom de saints, et les reliques, et prendre part à
leurs services; c'est ainsi que le peuple, s'égarant extrêmement de la
voie de la vérité, croit servir Dieu et bien faire, (et par là) on excite
ce peuple à la haine, à la colère et à la méchanceté contre les fidèles et
contre les amis de la vérité, et il commet (fait) beaucoup d'homicides, et
ainsi l'Apôtre dit la vérité : Tel est l'homme de péché accompli, et c'est
lui qui s'élève au-dessus de tout ce qui est Dieu; et qui est servi, et
qui s'oppose à toute vérité, et qui est assise dans le temple de Dieu,
c'est-à-dire dans l'Église, se montrant de même que s'il était Dieu, et
qui vient avec toute sorte de séductions pour ceux qui périssent. Et si ce
rebelle est déjà venu en toute perfection, il ne faut plus le chercher. En
effet, par la permission de Dieu, il est formé et déjà vieux, puisqu'il
décroît déjà. Car sa puissance et son autorité sont diminuées, et le
Seigneur Jésus a tué ce rebelle par le souffle de sa bouche et par
beaucoup d'hommes de bonne volonté, et il fait intervenir une puissance
qui lui est contraire aussi bien qu'à ses amis, qui disperse (dissipe) ses
lieux et ses possessions, et qui met la division (partage) dans cette cité
de Babylone d'où (en laquelle) toutes les générations tirent leur vigueur
de malice.
QUELLES SONT LES OEUVRES DE L'ANTICHRIST?
- La première œuvre de l'Antichrist c'est de bannir la
vérité et de la changer en mensonge,
en erreur et en hérésie.
- La seconde oeuvre de l'Antichrist c'est de cacher le
mensonge sous la vérité et sous les
erreurs, et de le prouver et l'affermir (le confirmer) par la foi et par
des miracles (vertus), d'entremêler la fausseté avec les choses
spirituelles aux yeux du peuple soumis, soit à l'aide des ministres on
des ministères, ou de toute l'Église.
Et ces deux oeuvres renferment une malice parfaite et accomplie, telle
que (laquelle) ne purent exécuter (faire) aucun tyran ni aucun potentat
jusqu'au temps de l'Antichrist.
Aussi, avant lui (5),
Christ n'a jamais eu un tel ennemi qui pût ainsi (de même) pervertir la
voie de la vérité en (celle de la) fausseté, et le mensonge en vérité, et
(pervertir) semblablement les partisans de l'une et de l'autre de la
vérité et du mensonge.
De manière que la sainte mère Église avec ses vrais enfants est toute
foulée aux pieds en (ce qui concerne) les vérités, spécialement en (ce qui
concerne) les ministères des vrais ministres selon la vérité, en (ce qui
concerne) les ministères et la manière de s'en acquitter et de la part
qu'y prennent ses enfants; elle pleure en se lamentant, répétant les
paroles et les plaintes de Jérémie, disant :
En quelle manière est assise seule la cité du peuple païen
et incirconcis? Elle est devenue veuve, c'est-à-dire de la vérité de son
époux. Dame des nations, par leur soumission aux erreurs et aux péchés;
princesse des provinces, par le partage du monde et des choses qui sont
dans le monde, pleure et regarde (vois) plus en avant, et tu trouveras
maintenant toutes choses accomplies par le temps. Car la
sainte Église, si elle existe, doit être regardée (tenue) pour une
synagogue. Et la synagogue des méchants est prêchée comme la mère qui a
bonne croyance en la loi. La fausseté est prêchée à la place de la vérité,
l'iniquité à la place de l'équité, l'injustice est prêchée et est tenue
pour la justice, l'erreur pour la foi, le péché pour la vertu, le mensonge
pour la vérité.
QUELLES OEUVRES DÉCOULENT DES PREMIÈRES?
- Celles-ci : La première oeuvre, c'est qu'il (l'Antichrist) a
transporté le culte de latrie ( les subtilités de distinction
entre dulie et latrie ont sans doute été introduites postérieurement à
la rédaction de ce traité en 1120), dû proprement à Dieu seul, à
lui, à ses oeuvres, à la pauvre créature raisonnable et non raisonnable,
sensible et non sensible : raisonnable comme les hommes
saints ou saintes, transportés hors de ce monde, et
leurs images, ossements et reliques.
Ses faits (de
l'Antichrist) sont les sacrements, spécialement le sacrement de
l'eucharistie qu'il adore comme Dieu et comme Jésus-Christ
semblablement; il sert les choses bénites et consacrées, et défend
d'adorer Dieu seul.
- La seconde œuvre de l'Antichrist est qu'il ôte et enlève à Christ le
mérite de Christ avec toute la suffisance de la grâce, de la justice, de
la régénération, rémission des péchés, de la sanctification, de la
confirmation et de la nourriture spirituelle; et il l'impute (ce mérite)
et l'attribue à son autorité, à ses oeuvres, et aux saints, et à leur
intercession et au feu du purgatoire; et il détourne
(sépare) le peuple de Christ et l'amène vers les choses qu'on vient de
dire, afin qu'il ne recherche pas celles de Christ ni par Christ (par sa
médiation), mais (qu'il les cherche) seulement dans les oeuvres de ses
mains, et non par une foi vivante en Dieu, ni en Jésus-Christ, ni au
Saint-Esprit, mais selon la volonté et les œuvres de l'Antichrist, ainsi
qu'il publie (prêche) que tout le salut consiste dans ses œuvres.
- La troisième oeuvre de l'Antichrist, c'est qu'il attribue la
régénération que donne le Saint-Esprit à la foi morte et extérieure, et
baptise les enfants en cette foi, enseignant que c'est par elle que sont
consacrés le baptême et la régénération; c'est dans la même foi (6)
qu'il confère et donne les ordres et les autres sacrements, et c'est en
elle (en cette foi) qu'il fonde tout le christianisme; ce qui est contre
le Saint-Esprit (contre la foi au Saint-Esprit).
- La quatrième oeuvre de l'Antichrist est celle par laquelle il bâtit
et édifie, en même temps, en la messe, toute la
religion et la sainteté du peuple, en ayant fait un
tissu unique (tout ensemble) de différentes
cérémonies judaïques, païennes et chrétiennes. Et y (à la
messe) conduisant, pour l'entendre, la congrégation et le peuple, il
prive celui-ci de la manducation spirituelle et sacramentelle, et
l'éloigne de la vraie religion et des commandements de Dieu, l'éloigne
(l'ôte) aussi des œuvres de miséricorde par ses offertoires; et par
cette messe il loge (place) le peuple dans une espérance vaine.
- La cinquième œuvre de l'Antichrist, c'est qu'il fait toutes ses
œuvres, afin qu'il soit vu et qu'il satisfasse (opère) son insatiable
avarice, comme aussi, afin qu'il puisse mettre toutes choses en vente et
ne fasse rien sans simonie (commerce des chses
saintes).
- La sixième œuvre de l'Antichrist, c'est qu'il donne lieu à des
péchés manifestes, sans (qu'il intervienne de) sentence
ecclésiastique, et qu'il n'excommunie pas les impénitents.
- La septième œuvre de l'Antichrist, c'est qu'il ne dirige ni ne
défend son unité par le Saint-Esprit, mais à l'aide de la puissance
séculière, et qu'il l'appelle (prend) également à son secours pour les
choses spirituelles.
- La huitième œuvre de l'Antichrist est qu'il hait,
persécute, accuse, pille et met à mort les membres de
Christ.
Ce sont presque là les principales œuvres qu'il fait (des œuvres de
lui). Il les fait contre la vérité, et personne ne peut les compter toutes
ni les écrire. Mais qu'il suffise pour le présent d'avoir montré comme au
doigt (deita) ces choses comme (presque) les plus générales par lesquelles
est couverte cette iniquité (l'Antichrist).
CHOSES
PAR LESQUELLES EST COUVERTE L'INIQUITÉ DE L'ANTICHRIST
- (Cette iniquité est couverte), premièrement et principalement, par
une profession extérieure de la foi. À l'égard de quoi, l'Apôtre dit:
Car ils confessent en paroles qu'ils ont connu Dieu, mais ils le renient
par leurs actions.
- (Elle est couverte), en second lieu, par la longue durée du temps,
(par l'appui) des sages, des religieux, hommes et filles vierges, des
veuves et des femmes honnêtes et d'un peuple peu nombreux, duquel il est
dit dans l'Apocalypse: Et pouvoir lui fut donné (à la bête) en toute
tribu et langue, et nations, et tous ceux qui habitent la terre
l'adoreront.
- (Elle est couverte) troisièmement, par l'autorité spirituelle des
apôtres, contre lesquels l'Apôtre dit: Nous ne pouvons rien contre la
vérité, et pouvoir ne nous est point donné pour la destruction.
- (Elle est couverte), en quatrième lieu, par beaucoup de miracles
faits ça et là, sur quoi l'Apôtre parle ainsi: Son avènement est selon
l'oeuvre de Satan, accompagné de toute sorte de miracle (vertus), de
signes et de merveilles mensongères et de toutes les tromperies de
l'iniquité.
- (Elle est couverte), en cinquième lieu, par sainteté extérieure, par
prières, par jeûnes, par vigiles et aumônes; contre quoi l'Apôtre dit:
Ayant l'apparence de la piété, mais renonçant à sa force (déniant sa
force).
- (Elle est couverte), sixièmement, par quelques paroles de Christ et
par les écrits des anciens et par les conciles, lesquels ils suivent
(gardent), en tant qu'ils ne condamnent (détruisent) par leur mauvaise
vie et leurs voluptés.
- (Elle est couverte) en septième lieu, par l'administration des
sacrements, par lesquels ils vomissent généralement toutes les erreurs.
- (Elle est couverte), huitièmement, par des remontrances et des
prédications verbales contre les vices. car ils disent et ne font pas.
- En neuvième lieu, d'entre ces (prédicateurs) les uns agissent (font)
avec dissimulation (feinte), les autres avec vérité, et surtout en
menant une vie vertueuse. Car ces élus de Dieu, ayant bonne volonté et
une bonne conduite, retenus là comme dans Babylone, sont comme de l'or
avec lequel le rebelle Antichrist couvre sa vanité, ne permettant pas,
ni qu'on rende son vrai culte à Dieu seul, ni qu'on mette son espérance
en Jésus-Christ seul, ni qu'on s'attache (tende) à la vraie religion.
Ces choses et beaucoup d'autres servent comme de manteau et de
vêtement à l'Antichrist, au moyen desquelles il couvre sa malice
mensongère, afin de n'être pas réprouvé entièrement comme païen, et à
l'ombre desquelles il peut marcher mal honnêtement comme une prostituée.
DEVOIR DE SEPARATION DU CHRETIEN
Que le chrétien soit tenu par commandement de se séparer de
l'Antichrist, cela est dit et prouvé par l'Ancien et par le Nouveau
Testament:
- car le Seigneur dit, Esaïe cinquante-deux : Éloignez-vous,
éloignez-vous; sortez d'ici, gardez-vous de toucher à la souillure ;
sortez du milieu d'elle; vous qui portez les vaisseaux (sacrés) du
Seigneur, soyez purifiés. Car vous ne sortirez pas au milieu du tumulte,
ni ne vous préparerez point à la fuite, etc.
- Et Jérémie cinquante : Fuyez du milieu de Babylone, sortez de la
terre des Chaldéens, et soyez comme des boucs à la tête du troupeau. Et
voyez (voici), j'amènerai une grande assemblée de nations de la terre
d'Aquilon a Babylone, et elles seront disposées (préparées) contre elle,
et ensuite elle sera prise.
- Nombres, XVI : Séparez-vous du milieu de l'assemblée, afin que je
détruise et perde ceux-ci à la fois. Et de rechef (ensuite) :
Éloignez-vous du tabernacle (de la tente) de ces rebelles, et
gardez-vous de toucher aux choses qui leur appartiennent, afin que vous
ne soyez pas enveloppés dans leurs pêchés.
- Lévitique : Je suis votre Seigneur Dieu, qui vous a séparés des
autres peuples. C'est pourquoi vous séparerez aussi l'animal pur de
l'impur, et l'oiseau pur du non pur, et vous ne souillerez pas vos âmes
à l'égard des bêtes, à l'égard des oiseaux et à l'égard de toutes les
choses. qui ont mouvement sur la terre, et que je vous ai montrées comme
souillées.
- Item, Exode, XXXIV: Prends garde que tu fasses jamais amitié avec
les habitants de cette ville, pour qu'elle t'entraîne dans la ruine.
- Et ensuite: Ne fais aucun traité avec les hommes de cette contrée,
de peur que lorsqu'ils auront paillardé avec leurs dieux et qu'ils
auront adoré leurs images, quelqu'un t'invite et que tu ne manges des
choses consacrées à ces dieux. Tu ne prendras pas non plus des femmes
d'entre leurs filles pour tes fils, de peur qu'après qu'elles auront
paillardé, c'est-à-dire idolâtré, elles ne fassent paillarder
(prostituer) tes fils après leurs dieux.
- Lévitique, XV, 31 : Vous instruirez donc vos enfants leur disant,
qu'ils évitent les impuretés, afin qu'ils ne meurent pas dans leurs
souillures dont ils auront souillé mon tabernacle.
- Ezéchiel, XI, 21 : Mais, quant à ceux dont (7)
le cœur marche par outrage et par offenses, je placerai leur voie
(conduite) sur leur tête, dit le Seigneur.
- Deutéronome, XX : Quand tu seras entré en la terre (le pays) que le
Seigneur ton Dieu te donnera, garde-toi que tu ne veuilles imiter les
abominations de ces peuples (de ces gens); car le Seigneur a toutes ces
choses en abomination. Et, à cause des péchés de cette nature, il les
effacera (détruira entièrement) à ton entrée. Tu seras parfait et sans,
tache envers ton Dieu. Ces nations desquelles tu posséderas ces terres
écoutent les augures et les devins ; mais tu as reçu d'autres ordres de
ton Dieu.
- D'après le Nouveau Testament aussi, il est
manifeste, Jean, XII : Que le Seigneur est venu et a souffert la
passion, afin qu'il réunit en un les enfants de Dieu.
- Car c'est pour ces vérités d'unité et de séparation les uns d'avec
les autres, qu'il dit, Matth., X : Car je suis tenu séparer (diviser)
l'homme contre son père, la fille contre sa mère, la belle-fille contre
la belle-mère, et les serviteurs de l'homme sont ses ennemis. Et il a
commandé de se séparer, quand il a dit : Si quelqu'un n'est pas prêt à
quitter (ne laissera) son père et sa mère, etc.
- De même - Gardez-vous des faux prophètes, qui viennent à vous en
habits de brebis, etc.
- De même aussi : Gardez-vous du levain des pharisiens.
- De même encore : Prenez garde que quelqu'un ne vous séduise
(trompe); car plusieurs viendront en mon nom et séduiront plusieurs.
Ainsi donc, si quelqu'un vous dit (dira) : Venez, Christ est ici, ou (il
est) là; ne le croyez pas (veuillez ne pas le croire); gardez-vous
d'aller après eux.
- Et, dans l'Apocalypse, il admoneste de sa propre voix et commande à
son peuple de sortir de Babylone, disant : Et j'ouïs une voix du ciel,
me disant : O mon peuple, sors du milieu d'elle, et ne sois pas
participant de ses péchés, afin que tu ne reçoives pas de ses plaies.
Car ses péchés sont parvenus jusqu'au ciel, et le Seigneur n'oublie pas
(se souvient de) ses iniquités.
- L'Apôtre dit ceci même : Gardez-vous (ne veuillez) tirer le même
joug avec les non fidèles. Car quelle participation y a-t-il (est) de la
justice avec l'iniquité, ou quelle association entre la lumière et les
ténèbres; car quel accord (y a-t-il) entre Christ et le diable, ou
quelle est la part des fidèles avec les infidèles, ou quel rapport entre
le temple de Dieu et les idoles? C'est pourquoi (pour laquelle cause),
sortez du milieu d'eux et soyez séparés, dit le Seigneur; ne touchez pas
ce qui n'est pas pur, et je vous cacherai, et je vous comme père, et
vous me serez comme enfants fils et filles), dit le Seigneur
tout-puissant.
- Item, Ephés. V : Ne soyez pas faits participants avec eux; car vous
étiez dans la voie (route) des ténèbres, mais maintenant vous êtes
lumière au Seigneur.
- Item, 1 Cor., X : Je ne veux pas que vous deveniez compagnons du
démon. Vous ne pouvez pas être faits participants de la table du
Seigneur et de la table des démons.
- Item, 2 Thess., III - O frères, nous vous annonçons, au nom de notre
Seigneur Jésus-Christ, que vous vous gardiez de tout frère qui marche
déshonnêtement, et non selon les coutumes (enseignements) que vous avez
reçues de nous. Car vous-mêmes savez en quelle manière il convient que
vous nous imitiez (ressembliez).
- Et ensuite : Si quelqu'un n'obéit pas à notre parole, notez-le par
lettre et ne vous mêlez pas avec lui afin qu'il soit confus (confondu).
- Item, Ephés., V : Gardez-vous de vous associer aux œuvres
infructueuses des ténèbres.
- De même, 2 Tim., III: Mais sache ceci, que des temps funestes
(dangereux) viendront aux derniers ans.
- Et plus bas: Ayant l'apparence de la piété, mais renonçant (déniant)
à sa force, évite de telles gens.
Des choses sus-notées sont manifestement démontrées la malice de
l'Antichrist et sa perversité, etc. Et comme il est ordonné (commandé) par
le Seigneur de se séparer de lui intérieurement comme extérieurement, et
de s'unir à Jérusalem la sainte cité. Ainsi donc, connaissant ces choses
que le Seigneur nous révèle par ses serviteurs, et croyant à cette
révélation, selon les saintes Écritures, et étant en même temps engagés
(admonestés) par les commandements du Seigneur, nous nous séparons
intérieurement et extérieurement de celui que nous croyons l'Antichrist,
et nous avons formé (uni) des compagnies et une unité, avec bonne volonté
et une intention droite, ayant pour fondement, pur et simple, de plaire au
Seigneur et d'être sauvés, avec l'aide du Seigneur, autant que la vérité
de Christ et de son Épouse, comme aussi notre faible intelligence, peuvent
le permettre (soutenir).
Nous faisons (ordonnons) donc remarquer (noter) quelles sont les causes
de notre séparation, comme aussi de notre congrégation, afin que si le
Seigneur (nous) a donné d'avoir cette même vérité, elle porte elle-même
l'amour, en même temps qu'en nous, et afin que si elle n'était peut-être
pas bien éclairée, elle reçoive aide par ce ministère béni (arrosé) du
Seigneur. Et s'il arrive qu'il ait été plus accordé à quelqu'un, et plus
abondamment, nous désirons humblement d'en être instruits, de savoir mieux
de lui et d'être corrigés en ce qui nous manque (en nos défauts).
Les raisons qui suivent sont donc la cause de notre séparation.
Qu'il soit connu (manifeste) à tous et à chacun, que la cause de notre
séparation a été telle; savoir, la vérité essentielle et ministérielle de
la foi, et la connaissance intime d'un vrai Dieu en trois personnes, dans
une unité d'essence, (connaissance) que ne donne ni la chair ni le sang;
le culte convenable dû à Dieu seul, l'amour qui lui appartient au-dessus
de toutes choses, la glorification (sanctification) et l'honneur qui lui
est dû aussi au-dessus de toutes choses et de tout ce qui se nomme;
l'espérance vive qui est par Christ en Dieu; la régénération et le
renouvellement intérieur par la foi, par l'espérance et par la charité; le
mérite de Christ en toute suffisance de grâce et de justice ; la
participation ou la communion de tous les élus; la rémission des péchés,
la sainteté de la vie (sainte conversation), et le fidèle accomplissement
de tous les commandements par la foi en Jésus-Christ; la véritable
repentance (pénitence), la persévérance jusqu'à la fin et la vie
éternelle.
Les vérités qui regardent le ministère sont celles-ci : Que les
ministres doivent avoir des assemblées (congrégations) extérieures avec le
peuple qui leur est soumis, en lieu et temps convenable, le tenant dans la
vérité par les soins du ministère; savoir dans la vérité mentionnée plus
haut, l'y amenant, l'y affermissant et l'y entretenant dans (par) de
fidèles et fréquentes assemblées; les bons ministres étant, quant à la foi
et à, la conduite, en exemple d'obéissance, et produisant avec Vigilance
sur le troupeau la pratique et l'usage (l'exemple) du Seigneur.
Les choses auxquelles sont tenus les ministres pour servir le peuple
sont celles-ci : Lui présenter la parole évangélique et la parole de la
réconciliation, ou la loi de grâce, selon le dessein et l'intention de
Christ. Car, il (le ministre) doit annoncer la parole évangélique, et le
sacrement étant joint à la parole, confirme son sentiment et son
intelligence, et affermit l'espérance en Christ chez le fidèle (ou, et
chez le fidèle). La communion administrée par le ministre renferme (a)
tout par (le moyen de) la vérité essentielle. Et s'il y a quelques autres
choses qui concernent le ministère, elles peuvent toutes être comprises
dans ce qui a été dit.
Or, de ces vérités particulières, les unes sont essentiellement
nécessaires au salut des humains, les autres le sont conditionnellement.
Elles sont contenues en douze articles, selon
l'ajustement ou l'adjonction de plusieurs paroles des apôtres (8).
Mais (cependant) a déjà été régnant par le passé, en l'Église, par un
effet de la permission divine, etc.
SIX INIQUITÉS DE
L'ANTICHRIST
- Les erreurs et les infidélités (impuretés) prédites par le Seigneur,
touchant l'Antichrist, sont les suivantes : savoir, un service
idolâtre varie et innombrable, accordé contre le commandement
de Dieu et de Christ, non ait Créateur, mais à la créature visible et
non visible, corporelle ou spirituelle, intelligente et sensible,
produite naturellement, ou par un art quelconque, ou sous quelque nom
que ce soit, comme de Christ et des saints ou des saintes, et, des
reliques, et des personnes en autorité, auxquelles créatures est rendu
un service accompagné de foi, d'espérance, d'actions, d'oraisons, de
pèlerinages, d'aumônes, d'offrandes, de sacrifices fort dispendieux. Ils
(les membres de l'Antichrist) servent une telle (sorte de) créatures,
ils l'adorent, l'honorent de plusieurs manières, par des chants, par des
panégyriques, par des solennités, par des célébrations de messes, par
des vêpres, par des complies à ces mêmes créatures, par des heures, par
des vigiles, par des fêtes, par acquisition de grâce, acquisition qui
est essentiellement en Dieu seul, et méritoirement en Jésus-Christ, et
qui s'obtient par la seule foi par le secours du Saint-Esprit.
Car il n'y a pas d'autre cause (ou source) de l'idolâtrie qu'une
opinion fausse touchant la grâce, touchant la vérité, touchant
l'autorité, l'invocation, l'intercession, lesquelles le même Antichrist
ôte à Dieu (éloigne de) pour les attribuer aux ministères et aux oeuvres
de ses mains, aux saints et au purgatoire. Et cette iniquité de
l'Antichrist est directement contraire au premier commandement de la
loi.
Semblablement, l'amour désordonné de l'Antichrist pour le monde est
(la source) d'où procèdent (germent) dans l'Église tous les maux et les
péchés des conducteurs, des directeurs, des supérieurs (officiers);
péchés qui restent sans répression (correction), et qui sont contraires
aux vérités de la foi et à la connaissance de Dieu le Père, selon le
témoignage de Jean, qui dit : Celui qui pêche ne connaît point Dieu ni
ne l'a vu. Car si quelqu'un aime le monde, la charité du Père n'est
point en lui.
- La seconde iniquité de l'Antichrist, consiste (est) en ce qu'il
place l'espérance de pardon, de grâce, de justice, de vérité et de vie
éternelle, non en Christ, ni en Dieu par Christ, mais
dans les hommes vivants et morts, dans l'autorité, dans des cérémonies
(ministères) ecclésiastiques, dans des bénédictions, dans des
sacrifices, dans des prières et, dans d'autres choses semblables
indiquées plus haut, et non dans une foi véritable qui produit (opère)
la repentance, avec la charité, l'éloignement du mal et l'avancement
dans le bien.
Ce n'est pas dans une telle foi (9),
que l'Antichrist enseigne a espérer fermement, et principalement la
régénération, l'affermissement, la réfection spirituelle ou communion,
la rémission des péchés, la sanctification en vie éternelle : mais par
les sacrements et par sa perverse simonie, moyen par lequel le peuple
est trompé (moqué), et ayant toutes choses vendables, il a imaginé des
ordonnances anciennes et nouvelles pour obtenir de l'argent, permettant
que si quelqu'un a dit ou fait ceci ou autre chose, il veut qu'il puisse
acquérir et grâce et vie. Et cette double iniquité est, proprement
appelée, dans les saintes Écritures, un adultère (paillardise) et une
fornication. C'est pourquoi, de tels ministres, qui conduisent
(conduisant) le peuple grossier dans de telles erreurs, sont appelés
paillarde (prostituée) apocalyptique. Cette iniquité est contraire an
second article, et de rechef, contraire au second et au troisième
commandement de la loi.
- La troisième iniquité de l'Antichrist, c'est, qu'outre ce qui a été
dit, il a inventé (trouvé) de fausses religions, des
règles, des monastères en forme d'église, comme moyens d'acquérir
l'espérance. De même, ils (les siens) affirment, contre toute vérité,
que c'est un devoir pour chacun d'entendre souvent et dévotement les
messes, de recevoir les sacrements, de se confesser (mais rarement avec
contrition), de faire des satisfactions par des jeûnes ou en vidant sa
bourse, être resté ou d'être membre de l'Église romaine, de s'adonner ou
livrer à la règle ou au capuchon. Et cette iniquité de l'Antichrist est
directement contraire au huitième article du symbole : Je crois au
Saint-Esprit.
- La quatrième iniquité de l'Antichrist, c'est, qu'étant bien lui-même
la quatrième bête décrite jadis (devant) par Daniel, et la paillarde
(prostituée) apocalyptique, il s'attribue (s'orne) des noms, l'autorité,
le pouvoir, les dignités, les ministères, les offices, les écritures, au
point de s'égaler et de se comparer à la vraie et sainte mère Église, en
laquelle se trouve ministériellement, et non autrement, le salut et la
vérité, quant à la vie, à la doctrine et aux sacrements. Car, si ce
n'était qu'elle (l'Église romaine) se couvre ainsi elle-même et ses
ministres d'erreur et pécheurs manifestes, elle serait abandonnée de
tous si elle était connue.
Mais parce que les empereurs et les rois, et les princes, estimant
qu'elle était semblable à la vraie sainte mère Église, ils l'aimèrent
elle-même et la dotèrent contre le commandement de Dieu. Cette iniquité
des ministres, des sujets, de ceux ordonnés dans l'erreur et dans le
péché, est directement contre le neuvième article : Je crois la sainte
Église. Ces (choses) appartiennent à la première partie de l'article.
En second lieu, en effet, eux (ces ministres, etc.), en participant
aux seules formes extérieures, selon les usages humainement, ordonnés et
inventés, croient on espèrent avoir leur part à la réalité (vérité) des
offices de pasteurs et de la cure d'âmes, comme si ceux qui seraient
tondus comme des agneaux, qui seraient oints à la manière d'une paroi,
et qui recevraient la bénédiction en touchant le livre et le calice,
pouvaient prétendre (confesser) être convenablement (droitement)
ordonnés prêtres.
Il en est semblablement (comme il a déjà été dit) du peuple
assujetti, si, parce qu'il a sa part (Communique) aux paroles, aux
signes, aux exercices extérieurs (de dehors) et à leurs diverses
cérémonies (faits) souvent répétées, il se persuadait (pensait) avoir
part à la vérité qui en est couverte (tirée). Et cela est contraire à
l'autre partie du huitième article : Je crois la communion des saints.
Une chose est à faire, c'est qu'il faut s'éloigner (10)
(sortir) de la très-mauvaise communion des moines qui, pour amener à sa
participation les hommes charnels, leur font espérer, au moyen de choses
de néant et par avarice, qu'ils leur feront avoir part à leur pauvreté
et à leur chasteté, quels qu'ils soient d'ailleurs, ou luxurieux ou
avares, pourvu qu'ils leur fassent à eux-mêmes des dons.
- La cinquième iniquité de l'Antichrist consiste (est) en ce qu'il
promet, en trompant, le pardon et la rémission des péchés à des pécheurs
non véritablement contrits et qui n'ont pas renoncé fermement aux
mauvaises œuvres. Et il fait d'abord cette promesse de la rémission des
péchés au moyen de la confession auriculaire et de l'absolution donnée
par des hommes, au moyen des pèlerinages dictés par l'avarice.
Cette iniquité est contraire au onzième article du Credo : Je crois
la rémission des péchés. Car cette rémission dépend de l'autorité de
Dieu et du ministère de Jésus-Christ, puis en partie (11)
de la foi, de l'espérance, de la repentance, de la charité et de
l'obéissance qui, selon la Parole de Dieu, est en l'homme.
- Il y a encore une sixième iniquité (des membres de l'Antichrist),
c'est qu'ils prolongent l'espérance (de pardon) jusqu'à la fin de la
vie, au moyen des iniquités cachées (couvertes) déjà mentionnées pour
les pécheurs manifestes, et spécialement au moyen de l'extrême-onction
et du purgatoire rêvé, en sorte que les hommes grossiers, qui ne
connaissent pas la vérité, persévèrent dans l'erreur et sont (déclarés)
absous de péchés dont ils ne se sont jamais éloignés de libre volonté
pour qu'ils pussent en espérer la rémission à venir et la vie éternelle.
Cette iniquité est directement contraire aux onzième et douzième
articles de la foi.
Le traité de l’Antichrist
Ce traité polémique ancien
(XIIè s.) permet de mieux connaître
la foi des Vaudois et ce qu’ils reprochaient à l’Eglise officielle.
1. L'Antichrist a détourné le culte dû à Dieu
seul, vers lui, vers les saints, leurs images et reliques,
vers l'eucharistie qu'il adore comme Dieu; il sert les choses bénites, et défend
d'adorer Dieu seul.
2. L'Antichrist
enlève à Christ le mérite de Christ avec la toute
suffisance de la grâce pour la rémission des péchés; il
détourne le peuple de Christ afin qu'il ne recherche pas par l’intermédiaire de
Christ seul, mais par lui, et non
par une foi vivante, ainsi il prêche que tout le salut consiste dans ses
œuvres.
3. L'Antichrist
attribue la renaissance que donne le Saint-Esprit à la foi morte et extérieure
(le cérémonial sans la foi), et
baptise les enfants en cette foi; ce qui est contre la
foi au Saint-Esprit.
4. La messe est un
mélange de différentes cérémonies juives, païennes et chrétiennes; par cette
messe, l'Antichrist place le peuple dans une espérance vaine, il prive celui-ci
de nourriture spirituelle, l'éloigne
de la vraie religion, des commandements de Dieu et des œuvres de
miséricorde.
Extrait que l’on
peut comparer aux 5 formules latines qui résument les convictions des
réformateurs du XVIème
siècle :
SOLI DEO GLORIA : Dieu est le seul qu'il faut adorer et prier.
SOLA GRATIA : Le salut n'est pas le résultat de
nos efforts ou de nos mérites mais s'obtient par la grâce seule.
SOLUS CHRISTUS : Jésus-Christ le
seul intermédiaire entre Dieu et nous.
SOLA FIDE : Le salut n'est pas donné par les
sacrements ou la religion mais par la foi seule.
SOLA SCRIPTURA : La
Bible est l'autorité suprême en matière de doctrine.
6°
ANCIEN TRAITÉ DES VAUDOIS AUQUEL ON ASSIGNE LÀ DATE DE L'AN
1126.
LE PURGATOIRE
Ce n'est pas l'importance de ce traité, quoiqu'elle soit réelle, qui
nous engage à en donner ici un extrait et à étendre d'autant cet
Appendice, mais l'objection qu'on a dirigée contre son ancienneté et la
date de l'an 1126 qui lui est assignée; cette objection, disons-nous, nous
a paru si sérieuse que nous n'aurions pu la passer sous silence.
Le critique (1)
qui l'a faite l'a dirigée maladroitement contre le traité de l'Antéchrist
; mais comme le passage sur lequel il la fonde se trouve dans celui du
purgatoire, publié par extraits, dans Perrin et dans Léger, il est évident
qu'elle porte contre celui-ci.
Cette objection est la suivante: Comme il est dit plus haut, le traité
du purgatoire est daté de l'an 1126. Or, il contient une citation de
l'écrit, intitulé: Milleloquium, attribué à saint Augustin, mais qui a
pour véritable auteur, selon certains écrivains, Augustinus Triomphus qui
florissait vers la fin du XIIIe siècle. Ainsi un traité de l'an 1126 ne
pouvait pas en réalité citer un écrit postérieur à sa date. D'où notre
critique a conclu que le traité du purgatoire était de beaucoup postérieur
à la date qui lui est attribuée. L'objection est assurément de toute
force : comment essayer de la réfuter ? On ne pouvait le faire qu'en
soutenant que cette citation était le fait d'un copiste postérieur à
l'écrit cité. Cette thèse (2)
était admissible, et nous l'avions adoptée pour des raisons qui n'étaient
pas sans valeur. Dès lors nous en avons acquis la preuve matérielle. En
effet, les divers manuscrits vaudois contiennent deux traités différents
sur ce sujet, l'un plus abrégé, dont la copie est en Angleterre. C'est
celui qui a été publié en partie. Nous l'avons complet sous les yeux,
grâces à l'obligeance du révérend M. Gilly, chanoine de Durham. Cet
exemplaire est considérablement plus abrégé que celui qui existe à Genève
dans le manuscrit portant le No 208. Des passages entiers, il est vrai,
sont presque identiques, quoique quelquefois transposés. Beaucoup de
citations sont les mêmes, d'autres sont omises, d'autres sont changées, en
particulier celle du Milleloquium, au lieu de laquelle sont plusieurs
citations de divers écrits de saint Augustin lui-même. En un mot, il est
évident que l'un est l'abrégé de l'autre. La différence la plus frappante,
après celle de l'orthographe de plusieurs mots, est celle du titre du
traité. Le plus ancien est intitulé : Purgatori, le Purgatoire; le plus
récent : Purgatori seuma, le Purgatoire rêvé, imaginé ou songé. Nous
faisons d'ailleurs observer que les mots de ce dernier titre sont
plusieurs fois répétés dans l'écrit primitif, sous cette forme : Purgatori
SOYMA, et non seuma, ce qui fait comprendre que l'orthographe avait
considérablement changé lorsque cet extrait a été rédigé ou copié tel
qu'il existe en Angleterre. Nous pensons que, dès que ce fait est bien
constaté, dès là même l'objection n'a plus de fondement ni de valeur.
À l'occasion de ce traité nous sentons le besoin de présenter une
observation. L'on a soupçonné et même accusé Perrin et Léger de mauvaise
foi, parce qu'ils n'ont pas averti qu'ils ne publiaient que des extraits
de ce traité. Mais il nous semble que ce jugement est bien sévère, puisque
le dernier indiquait l'existence de cet écrit. Afin qu'on puisse
comparer les deux traités du Purgatoire et s'assurer si nos allégués sont
fondés, nous allons présenter ci-après un extrait et une sorte d'analyse
du traité primitif, tel qu'on peut le voir à la bibliothèque de Genève,
dans le manuscrit qui porte le No 208.
Dans la traduction qui va suivre, nous avons conservé le mot à mot
autant qu'il a été possible. LE PURGATOIRE.
Présentement il faut parler de la matière du purgatoire que
plusieurs mettent en avant et prêchent publiquement comme article de
foi, (quoique) manquant du fondement des Écritures, disant qu'après
l'ascension de Christ au ciel, quelques âmes, et spécialement (celles)
de ceux qui doivent être sauvés et qui n'ont pas satisfait à leurs
péchés durant cette vie; celles-ci, au sortir de leurs corps, souffrent
des peines sensibles dans ce purgatoire, et sont purifiées après cette
vie. Après leur purification, quelques-unes en (duquel) sortent les
premières, quelques-unes après, quelques-unes au jour du jugement, et
quelques-unes présentement, avant le jour du jugement.
Pour satisfaction de leur avarice, à l'égard de ce purgatoire,
plusieurs enseignent plusieurs choses qui, quoiqu'ils les enseignent, ne
sont pas certaines; disant que telles âmes sont tourmentées,
quelques-unes jusqu'au cou, quelques-unes jusqu'a la ceinture, les
autres par le doigt et ainsi ils s'efforcent de conter des fables de
plusieurs sortes sur ce purgatoire, et moine que quelquefois elles
s'assoient à table et font là des festins, et cela spécialement en la
fête des âmes (des saints), quand il est offert largement à leurs
prêtres, et que quelquefois elles ramassent les miettes sous la table
des riches.
À l'aide de toutes ces choses et par beaucoup d'autres mensonges,
l'avarice et la simonie de plusieurs sont accrues et mises en oeuvre, et
les cloîtres sont augmentés, et des temples somptueux sont édifiés avec
une surabondante quantité d'autels et avec d'innombrables moines et
chanoines, (ces choses) introduisant et donnant lieu à l'agrandissement
et à la dissolution ont amené (donné) le mépris de la Parole de Dieu, et
le peuple est trompé dans sa subsistance et à l'égard des
l'unes et ils leur font espérer en des choses non certaines.
Et beaucoup de fidèles sont cachés parce qu'ils n'osent pas confesser le
Seigneur (lui) par la foi, ils sont condamnés et martyrisés, par une
fort cruelle mort, etc.
Après cet exposé de l'opinion catholique sur le purgatoire, les deux
traités annoncent leur sujet presque dans les mêmes termes. Voici les
paroles du traité primitif encore inconnu :
Nous voulons (sommes) donc parler de ce purgatoire et faire
connaître notre opinion.
En premier lieu et avant toutes choses, nous établissons (supposons)
que les âmes de ceux qui doivent être sauvés, ne faisant pas
satisfaction de leurs péchés durant cette vie doivent finalement être
purifiées de leurs impuretés, selon le commandement de Dieu, chacun en
son temps.
Suivent divers passages dans lesquels Dieu indique les moyens de
sanctification on de purification, après quoi l'auteur continue :
Toutes ces autorités s'accordent en ceci, qu'il y a tant
seulement deux lieux certains depuis l'ascension de Christ au ciel,
après cette vie-ci pour les âmes sorties de leurs corps, et le troisième
n'existe point du tout, il ne se trouve pas dans la sainte
Écriture.
Le témoignage suivant et le développement qui l'accompagne se trouve
presqu'à la fin du traité déjà publié, et peut-être mot pour mot, si ce
n'est le nom de l'auteur du passage:
Avec ce sentiment (ces choses) s'accorde maître Jean de
sainte mémoire, et sa conclusion fait connaître finalement ce qu'il
pense là-dessus quand il dit : que le Seigneur n'enseigne pas
expressément dans toute la sainte Écriture à prier pour les morts,
excepté dans le livre des Machabées lequel n'est pas de l'Ancien
Testament d'après les Juifs.
Finalement il ajoute :
que ni les prophètes, ni Christ avec ses apôtres, ni les
saints leurs immédiats successeurs, n'ont point enseigné à prier pour
les morts. Mais ils enseignèrent fort soigneusement le peuple, afin que
vivant sans crime ils fussent saints. Ainsi donc, puisque, la loi ne
fait en aucun lieu mention expresse d'un tel purgatoire, et que les
apôtres ne nous ont laissé aucun enseignement, et que l'Église
primitive, vivant selon l'Évangile, et dont les apôtres étaient les
conducteurs, ne nous a transmis (livré) rien de cela ni par ordre, ni
par commandement; mais Pélage (pape) l'an 458, est rapporté d'avoir
ordonné, qu'il fût fait mention (mémoire) des morts dans la messe, il
est clair, que, selon la sainte Écriture, les fidèles ne doivent pas
croire comme article de foi un tel purgatoire après cette
vie.
Suit un nouveau passage du même maître Jean, tiré de, son sermon sur :
Martha dis a Jesu, dans lequel est exprimée la même opinion ; après lequel
l'auteur conclut ainsi :
On voit manifestement de ces paroles, ce qu'il pense
finalement de ce purgatoire, vu qu'il démontre que, dans toute la sainte
Écriture canonique, le Seigneur n'enseigne pas expressément que nous
devions faire tant d'efforts pour des secours en faveur des morts comme,
font les hommes du temps moderne.
L'auteur étend cette récapitulation par de nouveaux raisonnements et
d'autres témoignages, auxquels il ajoute celui de saint Augustin que nous
donnons ci-après :
Et saint Augustin écrit au livre des sacrements, que le lieu
du purgatoire n'est pas déterminé, mais qu'il est seulement indiqué
(montré) par plusieurs exemples et révélations d'âmes plongées (passées)
dans de telles peines ; et il ajoute : peut-être on pourrait dire
plutôt, que durant la vie, chaque âme peut être considérée (crue) comme
portant son châtiment dans ce même lieu où elle a commis la
faute.
Ici suit le narré de la vision d'un frère rapportée par saint Grégoire,
et la critique qu'en fait l'auteur du traité, après quoi il avance que
:
les docteurs ne s'accordent pas sur la matière du
purgatoire, mais suivent trois sentiments différents.
Car certains d'entre eux paraissent avoir cette opinion, que les âmes
sont reçues et gardées dans un lien connu, de Dieu en attendant la
résurrection des corps, etc. C'est l'opinion de Pierre à Clément, que
confirme Origène (Lévitique, XII, 8), ainsi que Ugo de Saint-Victor, au
livre des sacrements, où on lit entre autres ce qui suit
: Quelques-uns pensent que les âmes ne peuvent être
tourmentées d'une peine sensible, sinon par les corps et en demeurant
avec les corps, etc., etc.
Cette idée, qui peut être regardée comme une seconde opinion des
docteurs, est longuement développée et appuyée de, passages, entre autres
un de saint Augustin, au livre des Psaumes, où il parle des offrandes
faites en faveur des morts, comme pain, vin, etc., où il manifeste des
doutes sur l'état des âmes des morts; puisqu'au sujet de ces paroles : Ni
les ivrognes n'hériteront point le royaume de Dieu, il écrit ce qui suit
:
O frères, que nul ne se trompe, car il n'y a que deux lieux
et le troisième n'existe pas du tout. Car celui qui ne mérite pas de
régner avec Christ, périra sans aucun doute avec le
diable.....
L'auteur allègue encore d'autres témoignages du même genre, comme
d'Appien, croyons-nous, dans son épître Xe de saint Jérôme, et de saint
Hillaire, en ces termes:
On demande en vain le pardon d'un péché qui n'est pas
abandonne (corrigé) durant cette vie.
L'auteur, prenant occasion de cette opinion de saint Hillaire qui
pourrait être la troisième, exhorte les hommes à la repentance, à
l'amendement et à la sanctification, appuyant ses exhortations de divers
passages des saintes Écritures et autres; puis il conclut ainsi de ce qui
précède :
D'après tout ce qui précède, il est manifeste que les docteurs ne
s'accordent pas sur la matière du purgatoire et suivent, trois
différentes opinions et aucun d'eux ne paraît appuyer confirmer) la même
opinion que les autres prêchent sur ce purgatoire, comme article de foi,
nullement certain et songé (rêve).
On ne voit donc pas expressément, d'après les écrits de la loi, que
les fidèles doivent croire réellement à un tel purgatoire après cette
vie ; et les docteurs, loin d'être d'accord, varient étonnamment entre
eux. Et certainement quelques-uns d'entre eux semblent en parler en un
endroit d'une manière, et ils écrivent différemment dans une autre comme
spécialement.
Augustin, qui en un endroit semble l'admettre (sonner pour lui), mais
écrit différemment dans un autre, laissant les hommes dans le doute à
son sujet, comme il écrit au livre des sacrements déjà cité: Et
peut-être on pourrait dire plus particulièrement qu'on peut croire que
chaque âme souffre le châtiment dans le même lieu qu'elle a commis la
faute. Et le même, au livre de la pénitence, parlant du feu du
purgatoire, écrit ainsi : Il est meilleur que j'apprenne à bien vivre,
que d'enseigner (semer) des choses non certaines du feu de cette nature.
Car, si en faisant bien j'ai soin de me repentir, je ne craindrai pas
les tourments du feu.
Après quelques citations de saint Chrysostôme, analogues à ce, qui
précède, on lit encore cette conclusion :
Il est manifeste, d'après ces paroles des docteurs, qu'on ne
peut faire (mériter) quoi que ce soit, excepté durant cette vie, et
qu'il n'est pas reconnu (vu) que les morts puissent être aidés en
quelque chose des vivants ici-bas. Mais que, selon l'Apôtre, chacun
portera son propre fardeau. Suivent d'autres passages de
l'Écriture, conformes à cette déclaration, puis une réfutation de Thomas
par saint Jérôme, puis de longs détails sur le fondement de l'Église et de
la foi ; savoir : Jésus-Christ, après quoi l'auteur continue, ainsi:
Pour nous, indiquant et donnant soigneusement attention à
toutes les choses dites plus haut, nous n'osons prêcher ni annoncer
ledit purgatoire songé et lion certain comme article de foi. Et malgré
ceci que plusieurs opposants allèguent plusieurs passages des Écritures
en faveur d'un tel purgatoire. Pour cela, ces passages si on les examine
et considère véritablement, ils ne leur sont pas favorables, et l'on ne
peut pas être assuré, d'après ces passages allégués par eux, qu'on doive
admettre un tel purgatoire, ni qu'ils puissent espérer de le prouver sur
la foi de l'Écriture, en mettant de côté toute avarice et toute vanité,
s'ils veulent s'en enquérir avec soin.
Mais nous disons sur cette matière, que quand même ceci serait, qu'il
y eût un purgatoire après cette vie, de la manière que plusieurs
l'avancent et prêchent, dès qu'il manque de certitude d'après
l'Écriture, nous n'osons ni l'annoncer ni le prêcher comme article de
foi, spécialement parce que nous ne voyons en dériver (procéder) aucun
profit pour le peuple, fidèle, mais plutôt un accroissement de péché, de
vaine confiance et d'espérance incertaine.
Mais d'après le sentiment (sens) de la sainte Écriture et des
apôtres, nous ne nions pas qu'une purification des âmes ne soit pas
faite en son temps, selon le commandement de Dieu de la manière indiquée
plus haut. Mais nous exhortons et encourageons tout fidèle à vivre
durant la vie présente, (de telle manière) qu'il n'ait pas besoin
d'autre purification après.
Et si leur dit purgatoire pouvait être prouvé, et nous fut démontré
par la sainte Écriture ou par la science des saints docteurs, fondée
véritablement en elle (la sainte Écriture), ou si Dieu par ses secrets
jugements veut purifier quelqu'un après cette vie ou autrement, nous
voulons humblement obéir et n'y contredire ni contrevenir en aucune
manière ; mais cela jusqu'ici ne nous a pas été démontré.
Cette concession faite aux conditions qui précèdent, l'auteur du traité
reprend les prétendues preuves alléguées en faveur du purgatoire, les
examine encore et les réfute successivement :
1° Il commence par saint Grégoire qui prétend fonder le purgatoire sur
la vision d'un moine, sur une révélation.
2° Il rappelle le désaccord qui existe entre les auteurs sur ce point,
les uns s'en montrant les partisans, les autres le rejetant, et le même
auteur souvent n'étant pas d'accord avec lui-même.
3° Il n'admet pas les témoignages des livres apocryphes, ni des
prétendues épîtres qui ne sont pas dans le canon des livres inspirés.
4° Il remarque qu'on ne peut, pas admettre comme preuves du purgatoire
les usages établis qui le supposent sans fondement légitime.
5° Il réfute ceux qui allèguent en faveur du purgatoire l'exemple
rapporté par saint Paul de ceux qui se faisaient baptiser pour les morts.
6° Il rejette le sens qu'on a voulu étendre au purgatoire, des paroles
de Jésus-Christ, que le péché contre le Saint-Esprit ne sera pardonné, ni
en ce siècle, ni en l'autre. - Il en fait de même de l'exemple tiré de
l'économe infidèle et de celui de la résurrection de Thabita.
7° Après avoir encore réfuté un argument tiré de l'exemple de deux
hommes de position différente, il ajoute :
Il y a encore d'autres raisons (choses) que les adversaires
ont coutume d'avancer en faveur de leur purgatoire, mais n'étant pas
dignes de mention, on les passe sous silence pour abréger. Car si toutes
les choses qui ont été dites jusqu'ici étaient fidèlement considérées et
comprises (entendues), on pourrait reconnaître qu'aucun des fondements
sur lesquels les opposants s'efforcent d'établir leur purgatoire n'est
solide et que la peine qu'ils se donnent ne peut rien contre la doctrine
fondée sur la pierre inébranlable. Car l'Église grecque n'adopte pas
leur purgatoire, comme il a été dit plus haut .....
7°
FORMULAIRE DE LA CONFESSION DES PÉCHÉS DES ANCIENS
VAUDOIS
Communément suivi parmi les anciens Vaudois, dit Léger, 1re part.
p. 57 à 58. - Tiré du Traité appelé Nocel Confort.
«O Dio de li rey, e Seignor de li seignor, yo nie confesso a tu; car yo
sey aquel peccador que t'ai mot offendu, etc. » C'est-à-dire ;
O Dieu des rois et Seigneur des seigneurs, je me confesse à toi; car je
suis ce pécheur qui t'ai grandement offensé par mon ingratitude. Je ne
puis m'excuser, car tu m'as montré ce que c'est que le bien et le mal.
J'ai su quelle est ta puissance, et ai entendu ta sapience et connu ta
justice et vu ta bonté. C'est pourquoi tout le mal que j'ai fait procède
de ma seule méchanceté. Seigneur, pardonne-moi et donne-moi la repentance.
Car je t'ai méprisé par ma grande présomption et n'ai point cru à ta
sapience ni à tes commandements. Au contraire, je les ai transgressés, de
quoi je suis fort affligé (3).
Je n'ai point redouté ta justice, ni tes jugements, mais j'ai fait
beaucoup de choses mauvaises (4),
depuis le commencement de ma vie, et n'ai point eu d'amour pour ta grande
bonté, comme j'ai dû et comme il m'est commandé.
Moi j'ai trop cru au diable par ma méchanceté. J'ai suivi l'orgueil et
abandonné l'humilité. Si tu ne me pardonnes, je suis perdu, tant la
convoitise est enracinée en mon cœur. J'aime tant l'avarice, et cherche de
grandes louanges, et ai peu d'amitié envers ceux qui m'ont obligé par
leurs bienfaits. Si tu ne me pardonnes, mon âme s'en va en perdition. La
haine (l'ire) règne dans mon coeur, car je ne l'ai pas apaisée, et l'envie
me ronge, car je n'ai point de charité. Seigneur, pardonne-moi par ta
bonté. Je suis téméraire et paresseux à bien faire, hardi et fort diligent
au mal. Seigneur, fais-moi la grâce que je ne sois point du nombre des
méchants. Je ne t'ai point rendu grâce pour le bien que tu m'as fait et
donné par ton amour, ainsi que je devais, et qu'il m'est commandé; car je
suis désobéissant par ma méchanceté. Seigneur, pardonne-moi, car je ne
t'ai point, servi: an contraire, je t'ai fort offensé. J'ai trop servi (5)
à mon corps et à ma volonté en plusieurs vaines pensées et mauvais
desseins, dans lesquels j'ai pris plaisir : j'ai aveuglé mon corps, ou
plutôt, mon corps m'a aveuglé, et j'ai pensé contre toi plusieurs choses
mauvaises, et ai recherché plusieurs choses contre ta volonté. Aie pitié
de moi et donne-moi l'humilité. J'ai élevé mes yeux vers les vains
plaisirs et ne les ai pu tourner vers ta face : j'ai prêté l'oreille aux
sons de la vanité et à plusieurs médisances; mais ce m'a été chose
ennuyeuse d'entendre parler de ta loi et de ta discipline. J'ai commis de
grandes fautes, notamment en mon entendement; car la puanteur du mal m'a
plus agréé que la douceur divine et, l'honneur céleste: car flairant le
mal, j'y ai eu plus de contentement, par quoi j'ai fait plusieurs maux et
ai laissé en arrière beaucoup de bien, et ne connaissant point ma faute,
j'ai tâché de la jeter sur autrui. Je n'ai point été assez modéré, dans le
boire ni dans le manger. J'ai souvent rendu outrage pour outrage et y ai
même pris plaisir. J'ai le corps et l'esprit navrés. J'ai étendu ma main
pour toucher la vanité et ai perversement travaillé à prendre le bien
d'autrui, à frapper mon prochain et à lui déplaire.
Mon cœur s'est détecté en ce que j'ai dit, et beaucoup plus en
plusieurs vaines délices. Seigneur, pardonne-moi et me donne chasteté.
J'ai mal employé le temps que tu m'as donné, et ai suivi durant ma
jeunesse mes plaisirs et la vanité. Je me suis détourné du bon chemin et
ai montré le mauvais exemple par ma légèreté. Je connais peu de bien en
moi, et y trouve beaucoup de mal. Je t'ai déplu par ma méchanceté et ai
damné mon âme, et ai irrité mon prochain. Seigneur Dieu, garde-moi de peur
que je ne sois condamné. J'ai aimé le prochain à cause du bien temporel.
Je ne me suis point comporté fidèlement quand il a été question de donner
ou de recevoir; mais j'ai eu égard aux personnes selon mon affection. J'ai
trop aimé l'un et ai trop haï l'autre. Je me suis trop peu réjoui des
biens des bons, et me suis trop exalté du mal des méchants. Et, en outre,
de tous les maux que j'ai faits par le passé jusqu'au jour présent, je
n'en ai point une telle repentance, ni un tel déplaisir qu'il ne soit
moindre que l'offense. Je suis souvent retourné au mal par ma faute, au
mal que j'ai confessé, de quoi je suis fort affligé. Seigneur Dieu, tu
sais que j'ai tout confessé, et qu'il y a encore en moi plusieurs maux que
je n'ai point racontés; mais tu connais les mauvaises pensées, et les
mauvaises paroles, et les oeuvres perverses que j'ai faites jusqu'à
présent. Seigneur, pardonne-moi et donne-moi du temps pour que je puisse
me repentir en la vie présente, et fais-moi la grâce qu'à l'avenir, je
haïsse tellement le péché (les maux) que je ne le fasse plus, et que
j'aime tellement les vertus et les garde en mon cœur, que je t'aime
par-dessus toutes choses, et que je te craigne de telle sorte qu'au jour
de ma mort, j'aie fait ce qui t'est agréable. Et donne-moi une telle
confiance au jour du jugement, que je ne craigne point le diable, ni
aucune autre chose qui m'épouvante mais fais que je sois reçu dans ta main
droite sans aucune faute. Seigneur, que tout cela advienne selon ton bon
plaisir ! Amen.
FIN.
- (1) L'auteur anonyme des Recherches historiques sur la véritable
origine des Vaudois. Paris et Lyon, 1836.
- (2) Il est avéré que les écrits des Vaudois, livres destinés à
l'instruction, étaient fréquemment copiés. - On en possède plusieurs à
double et à triple.
- (3) Déplaisant
- (4) De maux
- (5) Nous dirions : été esclave de, etc. ; J'ai été trop esclave
de, etc.
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