TOME II
APPENDICE A L'HISTOIRE DES VAUDOIS

Dans cet Appendice, nous publions quelques pièces importantes qui, à cause de leur étendue, n'ont pu être insérées dans le texte ou dans les notes ; savoir:

I. Une courte description géographique et statistique des Vallées Vaudoises du Piémont.

II. A) Trois catalogues des anciens écrits des Vaudois.
....B) Quelques-uns des principaux de ces écrits; savoir:

1° La Noble Leçon de l'an 1100.
2° Quelques extraits d'autres poésies religieuses vaudoises, sans date, mais réputées aussi anciennes.
3° Le Catéchisme des Vaudois, de l'an 1100.
4° La Confession de foi des Vaudois, de l'an 1120.
5° Le Traité de l'Antéchrist, de l'an 1120.
6° Quelques extraits du 'Traité du Purgatoire', de l'an 1126.
7° Le Formulaire de leur confession des péchés, sans date et en français, n'ayant pas eu sous la main le manuscrit en langue romane, dialecte vaudois.


I.
DESCRIPTION GÉOGRAPHIQUE ET STATISTIQUE DES VALLÉES VAUDOISES DU PIÉMONT.

GÉOGRAPHIE.

Carte des Vallées Vaudoises

Les Vallées Vaudoises sont situées dans les Alpes, sur le versant oriental de la grande arête des montagnes de ce nom, qui séparent le haut Dauphiné du Piémont, au nord du Mont-Viso et des sources du Pô, au midi du Genèvre, et à l'occident de la ville de Pignerol.

Elles sont formées par les chaînons qui, de la grande chaîne des Alpes, leur limite à l'ouest, descendent sur la plaine du Piémont à l'est. Les cimes qui les séparent de la France atteignent à la hauteur de plus de cinq mille mètres au-dessus de la mer, et dans leurs déchirures ne laissent que deux passages, celui d'Abries le plus au nord, et le col de la Croix plus au sud. Le chaînon qui les limite au nord les sépare de la vallée de Pragela (ou de Cluson). Celui qui les ferme au sud, et qui est plus élevé que le précédent, descend du Viso, et touche à la haute vallée du Pô, dans la province de Saluces. À l'orient, elles n'ont pour barrière que le rétrécissement formé par la courbure ou l'aplatissement des montagnes, à la rencontre de la plaine, et que les eaux du Cluson, affluent du Pô.

Les Vallées Vaudoises sont elles-mêmes séparées entre elles par des arêtes assez élevées. Considérées toutes ensemble, elles forment un triangle tronqué, dont la base est l'arête des hautes Alpes, du nord au midi, et dont les côtés se dirigent vers Pignerol sans l'atteindre.

On peut aussi les considérer comme une suite de vallons en éventail, adossés aux géants des Alpes et se réunissant dans deux grandes vallées qui convergent vers Pignerol, mais qui sont brisées par la plaine avant d'atteindre celle-ci, contre laquelle les deux dernières pentes de deux de leurs arêtes courbées forment une demi-vallée entre ces monts et la rivière du Cluson.
Cette demi-vallée vaudoise, appelée la vallée de Pérouse, n'est, à proprement parler, que l'extrême flanc occidental (de droite) de la vallée de Pragela, qui entoure les Vallées Vaudoises du. nord-ouest au sud-est. Elle comprend aussi un vallon intérieur, celui de Pramol, se dirigeant des bords du Cluson, près de Saint-Germain, vers l'ouest, entre la vallée de Saint-Martin au nord, et d'Angrogne au midi.

Les deux autres grandes Vallées Vaudoises sont : la vallée de Saint-Martin au nord, traversée par le torrent dit la Germanasque, qui se jette dans le Cluson, vis-à-vis de la petite ville de la Pérouse, au débouché du val Pragela, et ornée par la réunion des vallons latéraux de Rioclaret et de Faèt à celui du Perrier, formé lui-même par la réunion des vallons supérieurs alpestres, de Macel ou Balsille, de Rodoret et de Prali, du nord au sud.

La vallée de Luserne, au midi de celle de Saint-Martin, arrosée par la petite rivière du Pélice, grossi des torrents de l'Angrogne, de la Luserne et de plusieurs autres moins considérables. Cette vallée, la plus large et la plus étendue, est flanquée vers son issue sur la plaine à l'orient par deux vallons, l'un au sud plus petit, c'est celui de Rora, traversé par la Luserne; l'autre au nord, assez considérable pour avoir souvent été compté comme formant une vallée particulière; c'est le vallon d'Angrogne, baigné par les eaux mugissantes du torrent de ce nom. Il est enclavé entre les vallées de Saint-Martin à l'ouest et au nord, de Pérouse par le vallon de Pramol au nord-est et par la côte de Prarustia à l'est, et enfin, par la vallée de Luserne au midi. Celle-ci s'étend en plaine d'orient en occident, et se termine par le haut passage du col de la Croix qui débouche en France, en suivant la même direction; par les pâturages et le col Julien (Giulian), qui la séparent du val Saint-Martin au nord, et par la Combe des Charbonniers ou val Guichard, dans la direction du Viso au sud-ouest.

Il serait superflu de répéter ici la description des localités particulières, théâtre des faits racontés dans l'histoire ci-jointe. Nous nous bornons donc à indiquer la distribution des paroisses que comprennent les Vallées. Un coup-d'œil. jeté sur la carte suppléera à l'absence de développements plus étendus. Nous commençons par :

A - LA VALLÉE DE SAINT-MARTIN

( aujourd'hui vallée de la Germanasque)

La vallée de Saint-Martin a cinq églises, ou paroisses vaudoises, : Prali, Rodoret et Macel dans les vallons montagneux à l'occident, rangées dans cet ordre du sud au nord.
Les deux dernières ont été érigées en paroisses, d'annexes qu'elles étaient, il y a une vingtaine d'années. Elles ont été détachées, l'une de Prali, et la dernière de Maneille, quatrième paroisse qui appartient à la partie orientale de la Vallée. Celle-ci n'est séparée de son ancienne annexe que par un défilé très-dangereux en hiver. La cinquième est Villesèche à l'entrée de la vallée, à l'est, avec deux annexes ; savoir, Rioclaret et Faèt. Cette paroisse s'étend sur les deux côtés de la rivière.

Les Vaudois de quelques communes, où les catholiques sont en plus grand nombre, telles que le, Perrier, Ciabrans, Saint-Martin, etc., fréquentent les églises de Maneille et de Villesèche, suivant qu'elles sont le plus à leur portée.

B - LA DEMI-VALLÉE DE PÉROUSE.

( aujourd'hui vallée de Cluson)

La demi-vallée de Pérouse comprend quatre paroisses : celle de, Pomaret, au sortir du défilé qui sépare cette demi-vallée de la vallée de Saint-Martin ; les habitants vaudois de l'envers de Pinache, au sud, dépendent de cette église. il existe au Pomaret une école latine et un hôpital vaudois. La paroisse de Saint-Germain dont font partie les Chenevières et la Turina ou Envers-les-Portes. Celle de Pramol et Peumian, au nord de Saint-Germain, contrée alpestre: enfin, celle de Prarustin avec Rocheplatte pour annexe. Le temple paroissial est à Saint-Barthélémi.

C - LA VALLÉE DE LUSERNE.

( aujourd'hui vallée de Pellice)

La vallée de Luserne a six grandes paroisses qui sont autant de communes populeuses. Ce sont : Angrogne, a l'ouest de Prarustin et de Rocheplatte : cette paroisse a deux temples, celui de Saint-Laurent, près duquel habite le pasteur, et celui de l'annexe du Serre. Saint-Jean au sud d'Angrogne ; le temple est aux Blonats au contre de la paroisse; il était autrefois au Ciabas sur Angrogne. L'église de la Tour à l'ouest de Saint-Jean - le temple est au hameau dit les Coppiers; près de là est l'hôpital. Les Vaudois possèdent au sortir du bourg de la Tour, à l'ouest, deux établissements intéressants, un collège et un pensionnat de demoiselles. En suivant à l'occident, on trouve d'abord la paroisse du Villar, avec un bourg du même nom, où est l'église; puis celle de Bobbi, qui occupe tout le fond de la vallée: le temple paroissial est dans le village de ce nom. Deux chapelles dépendent de cette paroisse; l'une dans la Combe des Charbonniers, l'autre dans la Combe de la Ferrière. Enfin, la paroisse de Rora, la plus petite de celles de la vallée de Luserne : elle est au sud de celle de la Tour dont elle est séparée par une arête de rochers escarpés et nus.

STATISTIQUE

A - POPULATION.

La population vaudoise des Vallées s'élevait déjà, en 1839, à plus de vingt mille âmes, non compris quatre ou cinq mille catholiques, nombre beaucoup trop considérable pour l'étendue du territoire, eu égard à la nature du sol.
Nous donnons ici l'état du recensement fait par ordre du Gouvernement, à la date sus-indiquée de 1839.

Communes

Vaudois

Catholiques

Prali
Rodoret
Macel
Salsa
Maneille
Ciabrans
Perrier
Boville (Villesèche)
Saint-Martin
Traverse
Rioclaret
Fayet, ou Faèt
Pomaret
Envers-de-Pinache
Saint-Germain
Envers-les-Portes
Pramol
Prarustin
Rocheplatte
Angrogne
Saint-Jean
La Tour.
Villar
Bobbi
Rora
Sur les confins, Saint-Second, Lusernette, Luserne.

817
261
733
421
268
48
21
151
50
95
613
626
658
659
857
350
1257
1525
267
2083
1797
2182
1988
1553
651
463

29
88
88
193
100
51
437
90
127
106
131
232
81
151
154
199
157
150
17
632
111
712
415
65
43


20394

4589

(Extrait du Tableau de Recensement, etc. ; Torino, stamperia reales, 1839.)

B - CLIMAT ET PRODUCTIONS.

Les Vallées Vaudoises, par leur situation méridionale et leur issue sur la plaine du Piémont, participeraient à la nature plus chaude du midi, si leurs hautes montagnes et l'élévation considérable de la majeure partie du sol au-dessus de la mer ne contrebalançaient pas cet effet.

L'air est généralement pur et sain dans ces Vallées. Abritées contre les vents du nord par les montagnes, le climat y est doux et tempéré, mais il varie selon la hauteur des localités. La neige y tombe avec grande abondance dans toute la partie alpestre, et les avalanches y causent fréquemment des accidents.

Le sol dans le bas des Vallées et sur les collines voisines bien exposées est fertile. La vigne y prospère ainsi que le froment, le mais, le mûrier et de bons arbres fruitiers, même le figuier en pleine campagne.

La région moyenne a toutes les productions qui appartiennent à cette élévation : le froment, le seigle, le maïs, l'avoine, l'orge, les pommes de terre, etc., comme aussi les arbres fruitiers ordinaires et les châtaigniers en nombre considérable.

Telles sont les riches productions de la partie avantagée de ces Vallées. Un tiers, peut-être, ou du moins un quart de leur étendue, qui est d'environ vingt à vingt-quatre lieues carrées est ainsi favorisé. Mais les deux tiers, ou même les trois quarts de cette étendue, n'offrent que pentes raides, ravins, rochers nus et contrées alpestres ou tournées au nord. Les travaux de la campagne sont en général fort pénibles et peu productifs. Les habitants, en divers lieux, sont réduits à cultiver parmi les rochers quelques lambeaux de terrain de quelques mètres, où il faut encore souvent porter de la terre à dos d'hommes. Une grande partie de la population ne vit que des produits qu'elle tire de quelques rares pièces de bétail, vaches, chèvres et brebis.

Aucun genre d'industrie un peu étendue, autre que les travaux des champs et les soins du bétail, n'a pu s'établir parmi cette population, d'ailleurs active, mais mal vue de ses voisins, Même le commerce de consommation est entre les mains des catholiques, à Pignerol, et dans les autres petites villes du voisinage, où se tiennent tous les marchés.

Les Vallées Vaudoises ne produisent pas en suffisance pour leur population, il s'en faut de beaucoup, les denrées de première nécessité qu'il faut donc acheter. Si elles ont quelques produits surabondants, tels que beurre, fromages, pommes de terre, fruits, etc., les habitants n'en trouvent pas un écoulement favorable faute de débouchés. Le seul marché un peu considérable serait celui de Pignerol ; mais, outre qu'il n'est pas à portée de toutes les localités des Vallées, les provisions y abondent de tous côtés.

C - ADMINISTRATION RELIGIEUSE DES ÉGLISES VAUDOISES.

Tout ce qui est relatif au soulagement des pauvres, aux hôpitaux, à l'instruction et aux affaires religieuses des Vaudois, est du ressort d'une administration tirée de leur sein, à la nomination de laquelle prennent part toutes les Églises des Vallées. Cette administration est particulière ou générale. Chaque Église a son administration de paroisse. Les chefs de famille réunis à leur pasteur forment l'Église. La population généralement dispersée est divisée en quartiers. Les particuliers d'un quartier élisent, avec le concours du consistoire, un ancien ou inspecteur, qui jouit de certaines attributions. Lorsque le choix en est arrêté, le nom de l'élu est proclamé du haut de la chaire. S'il ne survient pas d'opposition il est publiquement installé dans sa charge, consacré par la prière, et devient membre du consistoire, qui administre la paroisse, sous la présidence du pasteur, et qui y exerce la discipline.

L'administration générale est composée d'un synode et d'une table.
Le synode se compose des pasteurs et ministres résidant aux Vallées (le chapelain des ambassadeurs à Turin y est aussi admis), et d'une délégation laïque de chacune des quinze paroisses. Ces délégations peuvent se composer de plus d'un député, mais chacune d'elles n'a qu'une voix. - Le synode s'assemble extraordinairement lorsque quelque besoin l'exige, et régulièrement au bout de quatre ou cinq ans, avec la permission du souverain qui s'y fait représenter par Entendant de la province. Les membres du synode, dont les séances durent deux ou trois jours, sont défrayés par les paroisses ou communes ainsi que la délégation du roi. Le synode élabore et arrête tous les règlements administratifs, nomme les membres de l'administration, appelée la table, examine sa gestion, passe les comptes qu'elle rend, et décide de toutes les affaires importantes.

La table est composée de cinq membres : trois ecclésiastiques et deux laïques. Ils sont choisis d'après certaines règles, au commencement de chaque synode, et restent en fonction jusqu'à l'ouverture du synode suivant. Les membres ecclésiastiques remplissent les fonctions de modérateur ou président, de modérateur-adjoint ou vice-président, et de secrétaire.


1. LA NOBLE LEÇON


Le poème connu sous le nom de "noble leçon" est un monument original de l'antique Eglise vaudoise, précieux témoin de la foi des Vaudois, qui date de l'an 1100 (voir le vers n°6).

On propose seulement quelques changements mis entre parenthèses.

  • L'approche de la fin
  • Survol de l'histoire biblique
  • La Nouvelle loi
  • Vie et œuvre de Jésus-Christ
  • l'Eglise fidèle
  • Persécutions et vie déréglée des Papistes
  • La vraie repentance

  • 1 O frères, écoutez une noble leçon :
    2 Souvent devons veiller et être en oraison
    3 Car nous voyons ce monde être près de sa chute (son terme)
    4 Moult curieux (soigneux) devrions être de bonnes œuvres faire
    5 Car nous voyons ce monde de la fin approcher.
    6 Bien a mille et cent ans accomplis entièrement
    7 Que fut écrite l'heure que nous sommes au dernier temps
    8 Peu nous devrions convoiter, car nous sommes au reste.
    9 Chaque jour voyons les signes venir à accomplissement
    10 Accroissement de mal et diminution de bien.
    11 Ceci sont les périls que l'Écriture dit :
    12 L'Évangile ceci raconte, et saint Paul aussi
    13 Que nul homme qui vive ne peut savoir sa fin
    14 Pour cela devons plus (jamais) craindre, car nous ne sommes certains
    15 Si la mort nous prendra ou aujourd'hui ou demain
    16 Mais quand viendra Jésus au jour du jugement
    17 Un chacun recevra pour entier paiement,
    18 Et ceux qui auront fait mal et qui auront fait bien.
    19 Mais l'Écriture dit, et nous croire cela devons
    20 Que tous hommes du monde par deux chemins tiendront
    21 Les bons iront en gloire et les méchants au tourment.
    29. Mais celui qui ne croira en ce partage -
    23 Qu'il regarde l'Écriture du fin commencement
    21 Depuis qu'Adam fut formé jusqu'au temps présent
    25 Là pourra trouver, s'il aura entendement,
    26 Que peu sont les sauvés, à voir le restant.
    27 Mais chacune personne, laquelle veut bien opérer,
    28 Le nom de Dieu le Père doit être au commencer,
    29 Et appeler en aide le sien glorieux Fils cher,
    30 Fils de sainte Marie,
    31 Et le Saint-Esprit, afin qu'il nous donne bonne voie.
    32 Ces trois, la sainte Trinité,
    33 Comme un Dieu doivent être honorés (priés)
    31 Plein de toute sagesse et de toute puissance et de toute bonté.
    35 Celui-ci devons souvent prier et requérir
    36 Que nous donne force encontre l'ennemi,
    37 Que nous le puissions vaincre devant la notre fin,
    38 C'est-à-dire le monde et le diable et la chair,
    39 Et nous donne sagesse accompagnée de bonté,
    40 Que nous puissions connaître la voie de vérité,
    41 Et garder pure l'âme que Dieu nous a donnée,
    42 L'âme et le corps en voie de charité,
    43 Ainsi que nous aimons la sainte Trinité
    fil Et le prochain, car Dieu cela a commandé
    45 Non-seulement celui qui nous fait bien, mais celui qui nous fait mal,
    46 Et avoir ferme espérance au Roi céleste
    47 Que à la fin nous auberge au sien glorieux hôtel
    48 Mais celui qui ne fera ce qui se contient en cette leçon
    49 N'entrera en la sainte maison.
    50 Mais cela est de grief (difficile) tenir à la méchante gent
    51 Lesquels aiment trop l'or et l'argent,
    52 Et ont les promesses de Dieu en mépris,
    53 Et qui ne gardent la loi et les commandements
    54 Ni la laissent garder à aucune bonne gent,
    55 Mais selon leur pouvoir, y font empêchement.
    56 Et pourquoi est ce mal entre humaine gent.


    57 Parce que Adam pécha du fin commencement,
    58 Car il mangea de la pomme outre défense,
    59 Et aux autres germa le grain de mauvaise semence
    60 Et acquit à soi mort et aux autres successeurs.
    61 Bien pouvons dire que là eut mauvais morceau (bouchée)
    62 Mais Christ a racheté les bons par la sienne passion,
    63 Mais pour cela nous trouvons en cette leçon
    64 Que Adam fut mécréant à Dieu le sien créateur
    65 De ceci pouvons voir que maintenant sont faits pires,
    66 Vu qu'ils abandonnent Dieu le Père tout-puissant,
    67 Et croient aux idoles à leur détriment (destruction)
    68 Ce que défend la loi qui fut du commencement,
    69 Loi de nature s'appelle, commune à toute gent,
    70 Laquelle Dieu plaça au cœur de son premier formé
    71 De pouvoir faire mal on bien lui donna franchise :
    72 Le mal lui a défendu, le bien lui a commandé :
    73 Ceci pouvez vous bien voir qu'il a été mal gardé,
    71 Vu que avons laissé le bien, et le mal avons ouvré (opéré),
    75 Comme fit Caïn, le premier fils d'Adam,
    76 Qui occit son frère Abel sans aucune raison,
    77 Mais parce qu'il était bon
    78 Et avait sa foi au Seigneur et non à créature
    79 Ainsi pouvons prendre exemple de la loi de nature
    80 Laquelle avons corrompue, passé avons la mesure
    81 Péché avons au Créateur et offensé à la créature.
    82 Noble loi était celle, laquelle Dieu nous donna,
    83 Au cœur d'un chacun homme écrite la posa,
    84 Afin qu'il l'eût et gardât et enseignât droiture,
    85 Aimât Dieu en son cœur sur toute créature
    86 Et craignît et servît, n'y posât mesure,
    87 Vu que n'est trouvé en la sainte Écriture
    88 Gardât ferme le mariage, ce noble pacte;
    89 Eût paix avec les frères et aimât toute autre gent,
    90 Haït orgueil et aimât humilité,
    91 Et fît aux autres comme voudrait être fait à soi;
    92 Et s'il faisait le contraire, qu'il en fût puni.
    93 Peu furent ceux qui la loi bien gardèrent,
    91 Et nombreux furent ceux qui la loi transgressèrent
    95 Et le Seigneur abandonnèrent, ne donnant à lui honneur,
    96 Mais crurent au démon et à la sienne tentation :
    97 Beaucoup (trop) aimèrent le monde, et peu le paradis
    98 Et servirent au corps beaucoup plus qu'à l'esprit ;
    99 Pour cela nous trouvons que plusieurs en sont péris.
    100 Ainsi (ici) se peut reprendre tout homme qui dit
    101 Que Dieu ne fit les gens pour laisser eux périr ;
    102 Mais garde soi un chacun afin que n'arrive comme à eux,
    103 Que le déluge vînt et détruisît les félons.
    101 Mais Dieu fit faire arche en laquelle il enferma les bons
    105 Tant fut augmenté le mal et le bien diminué
    106 Qu'en tout le monde ne se trouve sinon huit sauvés:
    107 Grand exemple pouvons prendre en cette sentence
    108 Que nous nous gardions de mal et fassions pénitence.
    109 Vu que Jésus-Christ a dit, et en saint Lue est écrit,
    110 Que tous ceux qui ne la feront périront tous;
    111 Mais ceux qui échappèrent, Dieu leur fit promesse
    112 Que jamais en eau ne périra le monde,
    113 Ceux-là s'augmentèrent et furent multipliés ;
    114 Du bien que Dieu leur fit peu furent mémoratifs (souvenants)
    115 Mais eurent tant peu de foi et tant grande peur,
    116 Qu'ils ne crurent bien au dit de leur Seigneur,
    117 Mais craignaient que les eaux noyassent encore le monde
    118 Et dirent de faire tour pour réduire soi là,
    119 Et bien la commencèrent selon ce qui est écrit,
    120 Et disaient de faire elle et si large et si haute et si grande
    121 Qu'elle parvînt jusqu'au ciel, mais ne purent faire autant,
    122 Vu qu'elle déplut à Dieu, et leur en fit mine (semblant).
    123 Babylone avait nom cette grande cité,
    124 Et maintenant est dite confusion pour la sienne méchanceté.
    125 Alors était un langage entre toute la gent,
    126 Mais afin qu'ils ne s'entendissent Dieu fit dispersion,
    127 Afin qu'ils ne fissent la tour qu'ils avaient commencée.
    128 Les langages furent par tout le monde répandus.
    129 Après péchèrent grièvement, abandonnant la loi, c. à d. la loi de nature,
    130 Comme se peut prouver par la sainte Écriture
    131 Vu que cinq cités périrent, lesquelles faisaient le mal
    132 En feu et en soufre Dieu les condamna
    133 Il détruisit les félons et les bons délivra
    134 Ce fut Loth et ceux de son hôtel que l'ange en tira
    135 Quatre furent par nombre, mais l'un se condamna,
    136 Ce fut la femme parce qu'elle regarda contre défense.
    137 Ici a grand exemple à toute humaine gent
    138 Qu'ils se doivent garder de ce que Dieu défend.
    139 En ce temps fut Abraham, homme plaisant à Dieu,
    140 Et engendra un patriarche dont furent les Juifs
    141 Noble gent furent ceux-là en la crainte de Dieu
    142 En Égypte habitèrent entre autre méchante gent
    143 Là furent opprimés et contraints par longtemps,
    144 Et crièrent au Seigneur, et il leur transmit Moyse,
    145 Et délivra son peuple et détruisit l'autre Sent :
    146 Par la mer Rouge passèrent, comme par belle issue (beau sec);
    147 Mais les ennemis d'eux, lesquels les poursuivaient, y (ils) périrent tous.
    148 Plusieurs autres signes Dieu au sien peuple fit;
    119 Il les nourrit quarante ans au désert, et leur donna la loi
    150 En deux tables de pierre la transmit par Moyse :
    151 Et trouvèrent là (elle) y écrite et ordonnée noblement.
    152 Un maître (seigneur) démontre être à toute gent,
    153 Et celui-là dussent croire et aimer de tout leur coeur,
    154 Et craindre et servir jusqu'au jour de la fin
    155 Et un chacun aimât le prochain comme soi
    156 Conseillassent les veuves, et les orphelins soutenir,
    157 Aubergeassent les pauvres, et les nus revêtir,
    158 Nourrissent les affamés et les errants dirigeassent,
    159 Et la loi de lui très-fort dussent garder;
    160 Et aux gardants promit le règne céleste.
    161 Le service des idoles leur mit en défense,
    162 Homicides, adultères et toute fornication,
    163 Mentir et parjurer et fausse promesse (garantie)
    164 Usure et rapine et mauvaise convoitise,
    165 Ensuite avarice et toute félonie;
    166 Aux bons promit vie, et les méchants tuait.
    167 Alors était justice en la sienne seigneurie,
    168 Car ceux qui transgressaient et faisaient méchamment
    169 Étaient tués et détruits sans pardon ;
    170 Mais l'Écriture dit, et beaucoup est manifeste,
    171 Que trente mille furent les restés au désert,
    172 Trente mille et plus, selon que dit la loi,
    173 lis furent tués de glaives, de feu et de serpents,
    171 Et plusieurs autres périrent de l'extermination,
    175 La terre se divisa, et les reçut l'enfer.
    176 Ainsi nous nous pouvons reprendre de notre grand assoupissement.
    177 Mais ceux qui firent bien le plaisir du Seigneur
    178 Héritèrent la terre de promission.
    179 Beaucoup fut de noble gent en cette façon,
    180 Comme fut David et le roi Salomon,
    181 Isaïe, Jérémie et beaucoup autres hommes,
    182 Lesquels combattaient pour la loi et faisaient défense,
    183 Un peuple était à Dieu choisi de tout le monde :
    181 Les ennemis qui les poursuivaient étaient plusieurs d'entour;
    185 Grand exemple pouvons prendre en cette leçon :
    186 Quand ils gardaient la loi et les commandements,
    187 Dieu combattait pour eux encontre l'autre gent;
    188 Mais quand ils péchaient et faisaient méchamment,
    189 Ils étaient tués et détruits et pris de l'autre gent ;
    190 Tant fut égaré (étendu) le peuple et plein de grande richesse
    191 Qu'il va détourner les pas (lever le pied) encontre son Seigneur;
    192 C'est pourquoi nous trouvons en cette leçon
    193 Que le roi de Babylone les mit en sa prison:
    191 Là furent. opprimés et pressés (sous contrainte) par longtemps
    195 Et crièrent au Seigneur avec le coeur repentant :
    196 Alors (c'est pourquoi) les ramena en Jérusalem,
    197 Peu furent les obéissants qui gardèrent (gardassent) la loi
    198 Et eussent la crainte d'offenser le leur roi ;
    199 Mais y eut aucune (quelque) gent pleins de si grande fausseté
    200 Ce furent les pharisiens et les autres écrivains;
    201 Qu'ils gardassent la loi beaucoup était d'apparence
    202 Afin que la gent cela vissent, pour être plus honorés
    203 Mais peu vaut cet honneur qui bientôt vient à chute (fin)
    204 Ils persécutaient les saints et les justes et les bons ;
    205 Avec pleurs et avec gémissement priaient le Seigneur
    206 Qu'il descendit en terre pour sauver ce monde,
    207 Car tout l'humain lignage allait à perdition.
    208 Alors (c'est pourquoi) Dieu transmit l'ange à une noble demoiselle le lignage de roi;
    209 Noblement la salue, car cela appartenait à elle
    210 Ensuite lui dit : « Ne crains, Marie,
    211 Car le Saint-Esprit est en ta compagnie
    212 De toi naîtra fils que appelleras Jésus ;
    213 Il sauvera son peuple de ce qu'il a offensé. »
    214 Neuf mois le porta au sien ventre la vierge glorieuse,
    215 Mais afin qu'elle ne fût pas reprise, de Joseph fut épouse
    216 Pauvre était notre Dame et Joseph aussi ;
    217 Mais cela devons croire, car l'Évangile le dit
    218 Qu'en la crèche le posèrent quand fut né l'enfant,
    219 De langes l'enveloppèrent, pauvrement fut aubergé
    220 Ainsi (ici ) se peuvent reprendre les convoiteux et les avares
    221 Qui d'amasser or ne se veulent cesser:
    222 Plusieurs miracles furent, quand fut né le Seigneur,
    223 Car Dieu transmit (envoya) l'ange annoncer aux pasteurs (pâtres),
    224 Et en Orient apparut une étoile aux trois barons ;
    225 Gloire fut donnée à Dieu au ciel, et en terre paix aux bons
    226 Mais avant un peu (petit) souffrit persécution
    227 Mais l'enfant croissait par grâce et par âge
    228 Et en sagesse divine en laquelle il était enseigné
    229 Et appela douze apôtres lesquels sont bien nommés

    230 Et voulut changer la loi qu'auparavant avait donnée
    231 Il ne la changea pas, vu qu'elle fut abandonnée,
    232 Mais la renouvela, vu qu'elle fut mal gardée.
    233 Et reçut le baptême pour donner sauvement (salut)
    234 Et dit aux apôtres que baptisassent la gent;
    235 Car alors (aussi) commençait le renouvellement.
    236 Bien défend la loi vieille forniquer et adultérer,
    237 Mais la nouvelle reprend voir et convoiter :
    238 La loi vieille octroie de rompre le mariage,
    239 Et que carte de répudiation se dut donner ;
    240 Mais la nouvelle dit de ne pas prendre la laissée,
    241 Et que personne ne sépare ce que Dieu a ajusté (joint
    242 La loi vieille maudit le ventre qui fruit n'a pas porté,
    243 Mais la nouvelle conseille garder virginité
    244 La loi vieille défend seulement parjurer,
    245 Mais la nouvelle dit à tout point (à l'avenir) non jurer,
    246 Et que plus de oui ou de non ne soit en ton parler :
    247 La loi vieille commande combattre les ennemis et rendre mal pour mal;
    248 Mais la nouvelle dit : «Ne te veuille venger,
    249 Mais laisse la vengeance au Roi céleste,
    250 Et laisse vivre en paix ceux qui te feront mal,
    251 Et trouverez (trouveras) pardon du Roi céleste. »
    252 La loi vieille dit : « Aime les tiens amis, et aurez (auras) en haine les ennemis. »
    253 Mais la nouvelle dit : « Ne ferez (feras) plus ainsi,
    251 Mais aimez les vôtres ennemis et faites bien à ceux lesquels haïront vous,
    255 Et priez pour les persécutants et les accusants vous. »
    256 La loi vieille commande punir les malfaisants ;
    257 Mais la nouvelle dit: « Pardonne à toute gent,
    258 Et trouverez (trouveras) pardon du Père tout-puissant
    259 Car si tu ne pardonnes, n'aurez (non auras) sauvement. »
    260 Aucun ne doit occire ni haïr aucune gent
    261 Soins (pas même) ni simple ni pauvre ne devons mépriser,
    262 Ni tenir vil l'étranger qui vient d'autre pays,
    263 Car en ce monde nous sommes tous pèlerins:
    264 Mais parce que nous sommes tous frères, devons tous Dieu servir.
    265 C'est la loi nouvelle que Jésus-Christ a dit que nous devons garder


    266 Et appela les siens apôtres et fit à eux commandement
    267 Que allassent par le monde et enseignassent la gent,
    268 Juifs et Grecs prêchassent et toute humaine gent
    269 Et donna à eux pouvoir sur les serpents,
    270 Chassassent les demons et guérissent les infirmes,
    271 Ressuscitassent les morts et purifiassent les lépreux
    272 Et fissent aux autres comme il avait fait à eux
    273 D'or ni &argent ne fussent possédant,
    271 Mais avec vivre (vie) et vêtement se tinssent contents
    275 Aimassent soi entre eux et eussent bonne paix :
    276 Alors (ainsi donc) leur promit le règne céleste,
    277 Et à ceux qui tiendront pauvreté spirituelle ;
    278 Mais qui saurait quels sont, ils seraient tôt nombrés,
    279 Qui veulent (veuillent) être pauvres par propre volonté.
    280 De ce qui était à venir il leur va annoncer,
    281 Comme (ainsi) il devait mourir et puis ressusciter,
    282 Et leur dit les signes et les démonstrations
    283 Qui (lesquels) devaient venir avant la fin
    284 Plusieurs belles paraboles (similitudes) dit à eux et à la gent
    285 Lesquelles furent écrites au Nouveau Testament.
    286 Mais, si Christ voulons aimer et suivre sa doctrine,
    287 Nous convient à veiller et lire l'Écriture.
    288 Là nous pourrons trouver, quand nous aurons lu,
    289 Que seulement pour faire bien Christ fut persécuté
    290 Il ressuscitait les morts par divine vertu,
    291 Et faisait voir les aveugles qui jamais (oncques) n'avaient vu
    292 Il purifiait les lépreux et les sourds faisait ouïr,
    293 Et chassait les démons, faisant toutes vertus;
    294 Et quand il faisait plus de bien, plus était persécuté
    295 C'étaient les pharisiens qui le poursuivaient
    296 Et ceux du roi Hérode et l'autre gent du clergé
    297 Car ils avaient envie parce que la gent le suivait
    298 Et parce que la gent croyait en lui et en les siens commandements
    299 Pensèrent lui occire et faire le traiteusement (la trahison)
    300 Et parlèrent à Juda, et tirent avec lui convention
    301 Que s'il le leur livrait, il aurait trente pièces d'argent,
    302 Et Judas fut convoiteux et fit la tradition,
    303 Et livra son Seigneur entre la méchante gent.
    301 Les Juifs furent ceux qui le crucifièrent;
    305 Les pieds et les mains fortement lui clouèrent,
    306 Et couronne d'épines en la tête lui posèrent ;
    307 Disant à lui plusieurs reproches ils le blasphémèrent
    308 Il dit qu'il avait soif, de fiel et d'acide (vinaigre) l'abreuvèrent.
    309 Tant furent les tourments amers et douloureux
    310 Que l'âme partit du corps pour sauver les pécheurs.
    311 Le corps resta là pendu haut en la croix
    312 Au milieu de deux larrons.
    313 Quatre plaies lui firent sans les autres coups,
    314 Puis lui firent la cinquième pour faire le complément
    315 Car un des cavaliers vint et lui ouvrit le côté ;
    316 Alors (aussi) sortit sang et eau ensemble mêlé.
    317 Tous les apôtres fuirent, mais un y retourna,
    318 Et était là avec les Maries debout près la croix.
    319 Grande douleur avaient tous, mais notre Dame plus grande
    320 Quand elle voyait son Fils mort, nu, en souffrance sur la croix.
    321 Des bons fut enseveli, et gardé des félons ;
    322 Et tira les siens d'enfer et ressuscita au troisième jour,
    323 Et apparut aux siens comme il avait dit à eux.
    321 Alors eurent grande joie quand ils virent le Seigneur,
    325 Et furent confortés, car auparavant avaient grand peur,
    326 Et demeura (conversa) avec eux jusqu'au jour de l'ascension.
    327 Alors monta en gloire le notre Sauveur,
    328 Et dit à les siens apôtres et aux autres enseignants
    329 Que jusqu'à la fin du monde serait toujours avec eux.
    330 Mais quand vint à Pentecôte, se ressouvint d'eux,
    331 Et leur transmit le Saint-Esprit, lequel est consolateur
    332 Et enseigna les apôtres par divine doctrine,
    333 Et surent les langages et la sainte Écriture.


    334 Alors leur souvint de ce qu'il avait dit,
    335 Sans crainte parlaient de la doctrine de Christ
    336 Juifs et Grecs prêchaient, faisant plusieurs miracles,
    337 Et les croyants baptisaient au nom de Jésus-Christ.
    338 Alors fut fait un peuple de nouveaux convertis:
    339 Chrétiens furent nommés, parce qu'ils croyaient en Christ.
    340 Mais cela trouvons que l'Écriture dit,
    311 Très-fort les poursuivaient Juifs et Sarrasins
    312 Mais tant furent forts les apôtres en la crainte du Seigneur,
    313 Et les hommes et les femmes qui étaient avec eux
    344 Que pour eux ne laissaient ni leurs faits ni leurs dits,
    345 Tant que plusieurs en occirent comme ils avaient Jésus-Christ
    316 Grands furent les tourments selon ce qui est écrit,
    347 Seulement parce qu'ils démontraient la voie de Jésus-Christ;
    348 Mais lesquels les poursuivaient ne leur était de tant mal crainte,
    349 Car ils n'avaient la foi de notre Seigneur Jésus-Christ,
    350 Comme de ceux qui cherchent ores accusation et qui persécutent tant,
    351 Que chrétiens doivent être, mais mal en font semblant,
    352 Mais en cela se peuvent reprendre ceux qui persécutent et conforter les bons;
    353 Car ne se trouve en Écriture sainte ni par raison
    354 Que les saints persécutassent aucun ni missent en prison
    355 Mais après les apôtres furent quelques docteurs
    356 Lesquels montraient la voie de Christ, le notre Sauveur.
    357 Mais encore s'en trouve aucuns (quelques uns) au temps présent,
    358 Lesquels sont manifestes à très-peu de la gent,
    359 La voie de Jésus-Christ très-fort voudraient montrer,
    360 Mais tant sont persécutés qu'à peine le peuvent faire


    361 Tant sont les faux chrétiens aveuglés par erreur,
    362 Et beaucoup plus que les autres ceux qui doivent être pasteurs,
    363 Vu qu'ils persécutent et tuent ceux qui sont meilleurs
    364 Et laissent en paix les faux et les trompeurs !
    365 Mais en cela se peut connaître qu'ils ne sont bons pasteurs,
    366 Car ils n'aiment les brebis sinon pour la toison
    367 Mais l'Écriture dit, et nous le pouvons voir,
    368 Que si y en a aucun (quelqu'un) bon qui aime et craigne Jésus-Christ,
    369 Qui ne veuille maudire ni jurer ni mentir,
    370 Ni adultérer ni occire ni prendre de autrui,
    371 Ni venger soi de les siens ennemis,
    372 Ils disent qu'il est Vaudois (sorcier!?) et digne de punir
    ,
    373 Et lui trouvent accusation en mensonge et tromperie.
    374 Ainsi ils pourraient ôter ce qu'il a de son juste chagrin
    375 Mais fortement se conforte celui qui souffre pour l'amour du Seigneur;
    376 Car le royaume du ciel lui sera apprêté au partir de ce monde
    377 Alors (aussi) aura grande gloire s'il a en déshonneur
    378 Mais en cela est manifeste la méchanceté d'eux
    379 Vu que qui veut maudire et mentir et jurer,
    380 Prêter à usure et occire et adultérer,
    381 Et venger soi de ceux qui lui font mal,
    382 Ils disent qu'il est prud'homme, et loyal homme renommé
    383 Mais à la fin se garde qu'il ne soit trompé :
    384 Quand le mal le presse tant qu'a peine peut parler,
    385 Il demande le prêtre et se veut confesser;
    386 Mais, selon l'Écriture, il a trop tardé, laquelle dit
    387 « Sain et vif te confesse et n'attends à la fin. »
    388 Le prêtre lui demande s'il a aucun péché
    389 Deux mots ou trois répond et tôt a dépêché.
    390 Bien lui dit le prêtre qu'il ne peut être absous,
    391 S'il ne rend tout l'autrui et amende les siens torts.
    392 Mais quand il ouit (entend) ceci il a grand pensement,
    393 Et pense entre soi que, s'il rend entièrement,
    391 Quoi restera aux siens enfants, et que dira la gent
    395 Et commande aux siens enfants, qu'ils amendent les siens torts,
    396 Et fait pacte avec le prêtre afin qu'il puisse être absous:
    397 S'il a cent livres de l'autrui ou encore deux cents,
    398 Le prêtre l'acquitte pour cent sols ou encore pour moins
    399 Et lui fait réprimande et lui promet pardon ;
    400 Qu'il fasse dire messe pour lui et pour les siens pères,
    401 Et leur promet pardon soit à juste, ou soit à félon ;
    402 Alors (en conséquence) lui pose la main sur la tête
    403 Quand il lui donne plus, lui fait plus grande fête,
    404 Et lui fait entendement qu'il est moult bien absous
    405 Mais mal sont indemnisés ceux de qui il a eu les torts.
    406 Mais il sera trompé en telle absolution ;
    407 Et celui qui le fait croire y pèche mortellement.
    408 Mais j'ose le dire, car se trouve en vrai,
    409 Que tous les papes qui furent de Sylvestre
    ( le premier Pape, du temps de Constantin = début de l'église romaine)
    jusqu'à celui-ci
    410 Et tous les cardinaux, et tous les évêques, et tous les abbés,
    411 Tout ceux-là ensemble n'ont tant de pouvoir
    412 Qu'ils puissent pardonner un seul péché mortel.
    413 Seulement Dieu pardonne, vu qu'autre ne le peut faire.


    414 Mais ceci doivent faire ceux qui sont pasteurs:
    415 Prêcher doivent le peuple et être en oraison,
    416 Et paître eux souvent de divine doctrine,
    417 Et châtier les péchants, donnant à eux discipline,
    418 C'est vrai avertissement qu'ils aient repentance ;
    419 Purement se confessent sans aucun manquement,
    420 Et qu'ils fassent pénitence, en la vie présente,
    421 De jeûner, faire aumônes et prier avec cœur bouillant
    422 Car par ces choses trouve l'âme sauvement
    423 De nous mauvais chrétiens lesquels avons péché
    421 La loi de Jésus-Christ avons abandonné,
    425 Car n'avons crainte ni foi ni charité
    426 Repentir nous convient et n'y devons tarder
    427 Avec pleurs et avec repentance nous convient amender
    428 L'offense que avons faite par trois péchés mortels,
    429 Par convoitise d'œil, et par plaisir de chair,
    430 Et par orgueil de vie par quoi nous avons fait les maux
    431 Car par cette voie nous devons suivre et tenir,
    432 Si nous voulons aimer et suivre Jésus-Christ
    433 Pauvreté spirituelle de coeur devons tenir,
    431 Et aimer chasteté et Dieu humblement servir
    435 Alors suivrions la voie du Seigneur Jésus-Christ,
    436 Et aurions la victoire de les notres ennemis.
    437 Brièvement est raconté en cette leçon
    438 De les trois lois que Dieu donna au monde.
    439 La première loi démontre à qui a sens et raison,
    440 C'est à connaître Dieu et honorer le sien Créateur ;
    441 Car celui qui a entendement peut penser entre soi
    442 Qu'il ne s'est pas formé ni les autres aussi ;
    443 De ceci peut connaître celui qui a sens et raison
    414 Que c'est un Seigneur Dieu lequel a formé le monde;
    445 Et, reconnaissant lui, moult le devons honorer
    446 Car ceux furent damnés qui ne le voulurent faire.
    447 Mais la seconde loi, que Dieu donna à Moyse,
    648 Nous enseigne à conserver Dieu et servir lui fortement,
    449 Car il condamne et punit tout homme qui l'offense.
    450 Mais la troisième loi, laquelle est ores au temps présent
    451 Nous enseigne aimer Dieu de bon cœur et servir purement
    4 52 Car Dieu attend le pécheur et lui donne délai
    453 Afin qu'il puisse faire pénitence en la vie présente.
    454 Autre. loi d'ici en avant ne devons plus avoir,
    455 Sinon ensuivre Jésus-Christ, et faire le sien bon plaisir,
    456 Et garder fermement ce qu'il a commandé,
    457 Et être très-avisés quand viendra l'Antéchrist,
    458 Afin que nous ne croyions ni à son fait ni à son dit
    459 Car, selon l'Écriture, sont ores (maintenant) faits plusieurs Antéchrist.
    460 Car Antéchrist sont tous ceux qui contrastent à Christ.
    461 Plusieurs signes et grandes démonstrations
    462 Seront dès ce temps jusqu'au jour du jugement
    463 Le ciel et la terre brûleront, et mourront tous les vivants
    461 Puis ressusciteront tous en vie permanente
    465 Et seront aplanis tous les édifices.
    466 Alors sera fait le dernier jugement
    467 Dieu séparera le sien peuple, selon ce qui est écrit
    468 Aux méchants il dira: « Séparez-vous de moi,
    469 Allez au feu éternel qui jamais n'aura fin ;
    470 Par trois grièves conditions serez presses là
    471 Par multitude de peines et par âpre tourment,
    472 Et parce que serez damnés sans faute. »
    473 De quoi nous garde Dieu par le sien plaisir
    474 Et donne ouir ce qu'il dira aux siens avant qu'il soit guère
    475 Disant : « Venez-vous-en avec moi, bénis du mien Père,
    476 Et possédez le règne apprêté à vous du commencement du monde
    477 Auquel vous aurez plaisir, richesses et honneurs. »
    478 Plaise à ce Seigneur qui forma tout le monde,
    479 Que nous soyons des élus pour être dans sa cour!

    A Dieu grâces. Amen.



    EXTRAITS DE POÊMES VAUDOIS


    SANS INDICATION DE DATE.


    a) LA BARQUE.

    La sainte Trinité nous permette (donne) parler
    Chose qui soit d'honneur et de gloire,
    Et qui au profit de tous puisse tourner,
    Et aux écoutants donne désir
    Qu'ils mettent la volonté et le cœur
    À entendre bien les notres discours.
    ...............................................................
    De quatre éléments a Dieu le monde formé
    Feu, air, eau et terre sont nommés,
    Étoiles et planètes fit de feu;
    Le zéphir et le vent ont en l'air leur lieu
    L'eau produit les oiseaux et les poissons,
    La terre les animaux et les hommes félons.
    La terre est le plus vil des quatre éléments
    De laquelle fut fait Adam père de toute gent.
    O fange! ô poussière! maintenant te glorifie
    O vaisseau de misère ! maintenant t'enorgueillis
    Orne-toi bien, et cherche vaine beauté ;
    La fin te montrera ce que tu auras ouvré.
    ...............................................................
    Regarde dès la notre naissance
    De combien est de valeur le notre vêtement
    Nus au monde venons et nus nous en retournons
    Pauvres y entrons et avec pauvreté sortons
    Et riches et pauvres ont même entrée
    Seigneurs et serfs ont même sortie.
    Car, selon le mien avis, je les vois beaucoup fort errer,
    Car ils laissent le bien et opèrent beaucoup fort le mal
    Tous cessent de faire bien par crainte de la gent
    Les uns par convoitise d'amasser or et argent,
    Les autres aiment tant l'honneur et leur plaît le plaisir
    Que peu soignent d'opérer par quoi ils soient élus
    Bien voudraient paradis en tant que pour désirer,
    Mais ce par quoi il s'acquiert ne voudraient guère faire,
    ...............................................................
    Mais je prie Dieu le Père et le sien Fils glorieux
    Et le Saint-Esprit, lequel est des deux,
    Que sauve tous ceux qui ouïront les leçons
    Et qui les garderont selon ce qui est raison
    Bien je voudrais que tous ceux qui sont au temps présent,
    Eussent volonté, pouvoir et entendement
    De servir ce Soigneur, lequel promet et tient
    Lequel donne richesses très-abondamment,
    Délices et grand honneur, sans manquement.
    Par les trois choses dites vient l'oeuvre à complément
    Quand l'homme a volonté, et pouvoir et entendement
    Alors fait le service qui est à Dieu très-agréable
    Mais quand il a sagesse et n'a le pouvoir,
    Dieu lui compte pour fait, tant il a bon vouloir
    Mais quand il a puissance et grand entendement,
    Lui profite très-peu, quant à son salut,
    S'il n'accomplit par oeuvre, puisqu'il a la volonté
    Quand viendra au jugement, il sera moult condamné
    Mais si aucun (quelqu'un) a volonté de bien faire,
    Et a la puissance qui pourrait bien opérer,
    S'il n'a la sagesse, il ne se peut sauver,
    Car l'ignorance le Lait très-fort errer.
    Donc à tout homme, lequel se veut sauver,
    Besoin est qu'il entende quelle chose est bien et mai
    Et ait grande force en (dans) bien persévérer,
    Et porte en patience, quand il aura adversité,
    Et aime Dieu surtout par bonne volonté
    Et avant soi le prochain par voie de charité
    Que les autres soient plus grands en sagesse et bonté.
    Donc sagesse nous enseigne, si nous la voulons tenir,
    Que nous devons aimer Dieu et craindre et servir
    Et avoir vraie foi en le sien accomplissement,
    C'est oeuvre vertueuse et droit entendement :
    Puis recevrons la gloire que l'espérance attend.
    Servons donc ce Seigneur que la sagesse dit,
    Lequel est moult puissant et sage aussi
    Juste et bon et miséricordieux,
    Lequel est Roi des rois et Seigneur des seigneurs.
    Beaucoup sont hors sens ceux qui laissent tel Seigneur
    Pour servir ce monde de qui en auront mauvais guerdon
    Mais qui regarde bien à hommes de ce monde,
    Parce qu'ils n'ont sagesse, sont en plusieurs erreurs,
    Car n'est sinon un Dieu, et ils en vénèrent plusieurs.
    ...............................................................
    Brièvement est raconté, en la raison qui est dite,
    Des quatre services qui sont faits en la vie,
    Le premier est beaucoup vain, c'est de servir le monde,
    Car il trépassera et perdra son guerdon,
    Le second est très-vil, c'est de servir le corps;
    Vers mangeront la chair, et dépériront les os.
    Mais le troisième est très-grief, c'est servir l'ennemi,
    L'âme sera tourmentée et le corps sera puni ;
    Quand il sera ressuscité au jour du jugement,
    Recevra telle sentence dont il sera dolent.
    Mais le quatrième est très-digne, c'est de servir le Seigneur,
    Ceux-là seront bienheureux qui auront fait tel labeur
    Rois seront couronnés, et jugeront le monde.
    Donc ceux-là qui disent qu'ils se veulent tenir
    Avec la plus grande partie, pour être plus sûrs,
    Que ne regardent-ils avec la pensée avisée
    En la raison écrite qui est ici racontée ?
    Les trois parties sont perdues et la quatrième sauvée
    Et l'Évangile dit, lequel Christ a parlé,
    Que peu sont les élus et beaucoup les appelés
    Ce sont les douze apôtres, lesquels furent élus,
    Pour suivre le Seigneur laissèrent le, plaisir :
    Ceux qui sont serfs de Christ tiennent cette voie
    Mais ils sont en ce monde petite compagnie ;
    Mais ils sont moult confortés de Christ, le leur Seigneur,
    Car ils recevront le royaume pour paie du labeur,
    Et auront en aide en l'assemblée céleste toujours avec (en) eux
    Vu que nul ne peut compter combien est grande la compagnie.
    Alors les félons seront moult trompés ;
    Mais tard connaîtront qu'ils auront mal ouvré
    Alors sera fait change d'un chacun présent.
    Ceux qui ont ici (deçà) le délice auront là le tourment
    Mais les serfs du Seigneur, qui ont ici (deçà) tribulation
    Auront là éternelle gloire et grande consolation.
    Bienheureux seront ceux qui sont des parfaits,
    Quand là sera complet le nombre les élus
    La puissance du Père et la sagesse du Fils
    Et la bonté du Saint-Esprit nous garde tous
    D'enfer et nous donne paradis ! Amen.

    b) LE NOUVEAU CONFORT.

    Ce nouveau confort de vertueux labeur
    J'envoie, vous écrivant en charité et en amour
    Je prie vous chèrement par l'amour du Seigneur
    Abandonnez le siècle, servez à Dieu avec crainte.
    Vous dormez longuement en la votre tristesse,
    Vous ne voulez veiller, parce que suivez la paresse
    De (pour) bellement reposer au lit d'avarice
    Faisant à votre chef coussin de convoitise.
    Toute la votre vie est un petit dormir
    Dormant vous songez un songe de plaisir
    Paraît à vous que votre songe ne puisse défaillir,
    Moult ébahis serez et triste au réveiller.
    À votre vain songe vous avez tel plaisir,
    Subitement vous frappera le bâton de la mort,
    Et vous réveillera et serez à mauvaise contenance (en mauvais port);
    N'aurez parents ni richesses qui vous donnent confort.
    ...............................................................
    Le corps sera posé en une fosse obscure,
    L'esprit rendra raison selon la droiture,
    Et ne serez excusés ni par pleur ni par regret
    De tout serez payés, mesure par mesure.
    ...............................................................
    Plusieurs suivent le monde par grande ignorance ; Ne connaissant pas Dieu, étant en mécroyance,
    Vont par la voie mondaine, comme bestiale essence (contenance)
    Ne savent servir Dieu ni faire vraie pénitence.
    Car quoique la droite voie entendront (entendraient) clairement,
    Jamais pour cela ne la croient ni donnent l'ouïe;
    Le démon leur dérobe (aveugle) l'œil de l'entendement,
    Si (tellement) qu'en eux ne se prend (prend vie) la divine semence.
    ...............................................................
    Car tant mettent le soin à (en) la vie présente
    En leur mauvaise chair nourrir délicatement,
    En manger, et en boire, et vivre grassement;
    Tous les leurs désirs veulent accomplir entièrement.
    Car plusieurs sont tentés avec fausse tentation,
    Encontre l'Écriture mettent leur intention,
    En les liens charnels mettent leur dévotion
    Avec lesquels le démon les tire à perdition.
    ...............................................................
    Serfs sont du Seigneur, marqués de son sceau
    Jésus-Christ les appelle son petit troupeau :
    Ceux-ci sont ses brebis et ses vrais agneaux,
    Souvent sont persécutés des mauvais enragés.
    Ces bons agneaux suivent le leur pasteur,
    Et bien connaissent lui, et lui-même connaît eux,
    Et les appelle par nom et va devant eux :
    Ils entendent la sienne voix plaisant avec douceur.
    Et les mène paître au champ spirituel;
    Trouvent moulte pâture moult substantielle,
    Ne mangeront herbe mauvaise ni pâture mortelle
    Mais sont repus du pain vivant et céleste.
    À la fontaine de vie les mène avec joie,
    Boivent eau précieuse qui leur donne confort;
    Tout homme qui en boira est de si noble sort
    Que jamais n'aura tare (et non trahison), ne tâtera la mort.
    Le notre bon pasteur le sien troupeau aimait,
    Et pour les siens agneaux la sienne vie quittait,
    La volonté du Père il leur annonçait,
    La voie de salvation (salut) bien leur admonestait (montrait).
    ...............................................................
    La joie et la grande gloire ne se peut raconter
    N'est homme vivant qui au cœur puisse penser,
    Ni langue tant subtile qui sache tant parler,
    Ni vue d'œil si claire qui puisse regarder (voir).
    O chers amis! levez-vous du dormir,
    Car vous ne savez l'heure que Christ doit venir
    Veillez toujours (toute vie) de cœur en Dieu servir,
    Pour être à la gloire, laquelle ne doit finir.
    Ores venez au jour clair, et ne soyez négligents,
    Frappez à la porte, faites vertueusement,
    Et le Saint-Esprit vous ouvrira doucement
    Et amènera vous à la gloire du ciel vraiment.
    Venez et n'attendez à la nuit ténébreuse,
    Laquelle est très-obscure, horrible, épouvantable;
    Celui qui vient de nuit, jamais l'époux ni l'épouse
    N'ouvrira à lui la porte précieuse. Ainsi soit-il.

    c) LE PÈRE ÉTERNEL.

    Roi indulgent et miséricordieux,
    Donne aux croyants en toi coeur (courage) d'être bons,
    Et les autres convertis par les tiens prédicateurs.
    Consolateur droiturier, saint et principal,
    Purifie la mienne âme de tout péché mortel,
    Plantes-y les vertus et déracine les véniels.
    Roi glorieux, régnant sur tous les royaumes,
    Fais-moi régner avec toi au tien céleste royaume
    Que je chante avec tous les saints et toujours louer toi je sois digne
    Héritier gracieux de tous les bons trésors,
    Donne vive espérance et conforte (fortifie) le mien cœur.
    Et à moi et à tous les miens donne du tien trésor.
    Gage ferme et non muable de la notre hérédité,
    Donne-moi ici goûter de la tienne grande bonté,
    Que les vertus soient douces et haïs soient les péchés.
    Gouverneur éternel de toutes les créatures,
    Ôte de nous les vices, et répare les figures,
    Afin que luisent de vertu, et jamais ne soient obscures.
    ...............................................................
    Agneau de Dieu vrai, non coupable qui ôtes les péchés,
    Mène-moi an mont de Sion allègre et très-sûr, suivant les non souillés,
    En herbes verdoyantes et fleurs bien odorantes là sois de toi gardé.
    Conseiller fidèle, merveilleux et fort,
    Conseille le tien peuple qui est tourmenté à tort
    Afin qu'il abandonne ce monde pour venir au tien jardin.
    Engendreur des vivants, lumière merveilleuse et grande,
    Toutes choses sont semblables, le tien oeil regardant,
    Tu es garde (gardien) des hommes, des petits et des grands.
    Pasteur grand et bon des brebis suivant toi,
    Garde-les d'ours et de lions et de loups méconnus
    Comme tu connais eux, fais-leur connaître toi.
    ...............................................................
    Avocat entendant (entendu) en lois et en décrétales,
    Envers Dieu notre Père parle pour nous mortels,
    Afin que par ton amour nous fasses héritiers célestes.
    ...............................................................
    Évêque pur, saint et fidèle selon (second) Adam
    Offre-nous à ton Dieu comme fit son fils Abraham,
    Pain vivant et quotidien, garde-nous de toute déréglée faim.
    Amitié divine de gracieuse existence,
    Donne vraie amitié à mon entendement,
    Afin que comme tu veux et non je veuille une même œuvre.
    Trinité benignissime, première volonté,
    Contre ton bon plaisir ont les méchants ouvré,
    Mais selon un tien vouloir ne peut être contesté.

    d) LE MÉPRIS DU MONDE.

    O très-chers ! mettez ici le votre soin
    Car c'est par la divine Écriture,
    Que personne ne mette l'espérance ni l'amour
    Dans les choses du monde qui mènent à douleur
    Et quiconque Jésus-Christ veut aimer
    Le monde mesquin il doit fortement haïr
    Et ce que le monde aime et tient pour doux,
    Il doit tenir pour amer et pour fort venimeux
    Et comme grand crachat et grief venin mortel
    La pompe et l'honneur du monde il doit fortement esquiver
    Et comme fumier sale doit haïr son honneur,
    Et vers le royaume du ciel soupirer par grande vigueur.
    ...............................................................
    O frère très-cher ! au monde ne te réjouis,
    Car la mort par aventure demain t'en vient mener
    À la cruelle mort tu ne peux contester
    Par aucun pacte ni raison que tu lui puisses trouver.
    Ores serait venu le temps de pleurer
    Et d'avoir grande douleur et de grièvement soupirer
    Ores serait temps de mener grande joie (douleur, deuil)
    Et tous les notres péchés pleurer dévotement.
    ...............................................................
    Nous tous voyons le monde misérable et douloureux
    Périr sous la mort et n'avoir recours.
    Et elle n'a d'aucun aucune miséricorde ;
    Aux dues et aux princes elle est fort commune
    À jeune comme à viel elle ne veut pardonner ;
    Par aucun moyen (engin) ne peut éviter (échapper) le fort
    Qu'il ne soit broyé (atterré) sous le pied de la mort.
    ...............................................................
    Car la vie vite passe comme le léger vont
    Et comme ombre, et fuseau, elle tourne à néant.
    De qui te rempareras-tu (rachèteras), quand la mort t'occira:
    Car pacte ni convention la mort ne recevra
    L'or ni l'argent ne te secourra
    Ni prière d'ami ne te délivrera.
    ...............................................................
    Donc opérons voyageusement le bien que nous pouvons faire,
    Car la mort ne cesse toujours de menacer ;
    Ni dans les choses du monde ne veuillons espérer,
    Mais mettons la notre espérance dans les biens célestes.
    Le fol est trompé en l'amour de la vie présente,
    Mais le sage connaît combien elle est pleine de tourment
    La beauté et le trésor du monde comparé
    À la fleur du champ, laquelle est noblement honorée
    Qui, quand elle est taillée, subitement sèche
    Dès que la chaleur du soleil la touche,
    Et la beauté qu'elle avait premièrement
    Est aussitôt tournée en grande difformité.
    L'honneur du monde je te veux raconter,
    À ce que tu entendes et ne puisses nier
    Combien est brève et combien peu peut durer
    Toute puissance terrestre et royale seigneurie.
    ...............................................................
    Vous pouvez tous connaître que n'a grand profit
    En possessions de terre, ni en les autres grandes délices,
    Ni en tours, ni en palais, ni en grands édifices,
    Ni en tables, ni en repas, ni en les grands mangers,
    Ni en les lits honorables, ni en les belles parures,
    Ni en vêtements clairs et fortement resplendissants,
    Ni en troupeaux de bêtes, ni en travail de moult champs.,
    Ni en belles vignes, ni en verger, ni en jardin grand,
    Ni en moults fils, ni en autre grande famille,
    Ni en autre honneur mondain tournant comme étincelle
    Quel est donc le sage qui a souci d'acquérir
    Ce qui avec travail s'acquiert et tant peu peut durer
    Celui-là n'est très-sûr ni très-bien logé
    Lequel peut être de la mort subitement attrapé.

     

    e) L'ÉVANGILE DES QUATRE SEMENCES.

    Ores parlons de l'Évangile des quatre semences
    Que Christ disait au siècle actuel,
    Par quoi il eut au monde aucun (quelque) commencement
    De la sienne créature engendrée nouvellement.
    Le semeur la sienne semence semait;
    L'une tomba en la voie (chemin) : fruit ne germait
    Et ne pouvait naître, la racine ne prenait (reprenait)
    Les hommes la foulaient, les oiseaux la dévoraient.
    L'autre entre les pierres ne faisait profit
    Sentant la chaleur elle sécha sans retard ;
    L'autre entre les épines eut grande suffocation,
    Et ne pouvait faire fruit ni bon portement.
    L'autre en bonne terre droitement croissait
    Faisant bon épi droit et plein ;
    Le sien cultivateur droitement recueillait
    Pour une, cent ou cinquante ou trente en recueillait.
    L'Évangéliste démontre qui est le semeur
    Celui-là est Jésus-Christ, le notre Sauveur,
    Roi des rois, Prince des pasteurs,
    Semant la graine du céleste labeur.
    Cette semence était la sienne prédication
    Laquelle il semait avec grande affection
    Mais souvent rencontrait grande tentation :
    Tombant en vile terre souffrait destruction.
    Car les oiseaux de l'air viennent à batailler
    À bon semeur pourtant veulent contester (s'opposer),
    Toute la sienne semence cherchent à dévorer,
    Car en plusieurs manières l'essayent de tenter.
    Ces faux oiseaux sont les malins esprits :
    L'Écriture cela démontre et en l'Évangile est écrit
    Et veulent dévorer le troupeau petit petit
    Duquel est bon pasteur le Seigneur Jésus-Christ,
    Quand ces oiseaux trouvent la semence
    Éparse par la voie, sans culture,
    Qui n'a racine, ni pris renaissance,
    À l'instant la dérobent moult (fort) cruellement.
    ...............................................................
    Mais quand le semeur sème la semence,
    L'une tombe dans les pierres où a peu d'aliment
    Et, parce que y a peu terre, en sort subitement,
    Mais fait petite racine et chétive pousse.
    Quand cette semence est de terre sortie,
    Elle n'a ferme tuyau (racine), ni la moelle remplie,
    Est brûlée du soleil et de grande chaleur frappée
    Ensuite (ainsi) tournent sèche et sans vigueur.
    Ceux-là sont ceux qui, quand on les admoneste.
    Qu'ils entendent la parole et l'écoutent avec fête,
    Volontiers la reçoivent, et bien leur paraît honnête
    Mais trop sont temporels et de méchant geste (action)
    Et à l'instant qu'ils sentent la persécution
    Un peu d'épouvante, ou de tribulation,
    Ils renient et laissent la prédication
    Laquelle ils écoutaient avec si grande dévotion.
    ...............................................................
    Le leur adversaire, l'ennemi éternel,
    Dragon, serpent antique, plein de venin mortel,
    Lequel est Satan, semeur de maux,
    Mêlait la sienne ! vraie avec la semence royale.
    Cette mauvaise herbe, semence de tristesse,
    Ce sont les fils félons, pleins de toute malice,
    De poursuivre les justes ont grande convoitise,
    Veulent (voulant) eux dévier de la divine justice,
    Tribulations leur donne et les travaille fort,
    Faisant à eux incultes angoisses et tourments jusqu'à la mort
    Mais les justes sont fermes ; en Christ ont leur confort
    Au royaume de paradis seront avec volupté.
    Pour cela craignent Dieu, gardent soi de mal faire;
    La loi du Seigneur s'efforcent de garder
    Et toutes adversités en patience porter,
    Jusqu'à ce que soit venu le temps du moissonner.
    Et quand Christ fera le grand jugement,
    Dira aux siens anges : « Faites séparation
    Entre les bienheureux et la mauvaise semence. »
    Alors les félons seront tristes et dolents.
    Car le Seigneur Jésus-Christ, la divine sagesse,
    Donnera contre eux très-amère sentence,
    Disant : « Séparez-vous de la mienne présence,
    Descendez en l'enfer en la grande pestilence. »
    Car c'est la paie de vos travaux
    Et de vos désirs ; faisant sans crainte,
    Servant à votre corps, avez laissé le Seigneur;
    Vous posséderez grande peine, pleurs et douleur.
    Recevrez héritage qui jamais ne peut mourir,
    Cruel serpent venimeux qui jamais ne peut finir,
    Et l'âpre feu ardent vous conviendra souffrir,
    Jamais de la ténèbre obscure vous ne pourrez sortir. »
    Alors il parlera avec agréable allégresse
    Aux siens bienheureux remplis de force:
    Venez à posséder le royaume de beauté,
    Jamais ne sentirez pleurs, ni douleur, ni détresse. »
    Comme (ainsi) le bon pasteur bien les admoneste,
    Livrera à eux le règne du Père avec fête ;
    Ne craindront l'adversaire ni la sienne mauvaise action,
    Ni la sienne tentation pleine de grande tempête.
    Avec le céleste Père auront leur compagnie,
    Porteront royale couronne de grande seigneurie,
    Précieuse, et noble, et de beauté remplie
    En joie et plaisir sera toute leur vie.
    Car seront fils de Dieu, père d'indulgence (d'humilité)
    Posséderont la gloire par propre héritage,
    Seront anges glorieux, luisant en clarté ;
    Par (pendant) tout temps seront devant la sainte Trinité. Ainsi soit-il.


    3. Le catéchisme des anciens Vaudois

    Quelques extraits de ce très ancien catéchisme (XIIè siècle) :

    Le Barbe (Pasteur) : Pourquoi Dieu t'a-t-il créé ?

    L'enfant : Afin que je le connaisse, que je le serve, et qu'ayant sa grâce je sois sauvé.

    De quelle foi es-tu?

    De la véritable foi catholique et apostolique.

    Quelle est-elle ?

    Je crois en Dieu le Père tout-puissant... (Symbole des apôtres)

    De quelle manière peux-tu connaître que tu crois ?

    En ceci, que je connais [Jésus-Christ], vrai Dieu et vrai homme, qui est né et qui a souffert pour ma rédemption, ma justification, que je l'aime et que je désire accomplir ses commandements.

    A quoi se réduisent les commandements ?

    En deux grands commandements, c'est-à-dire, aimer Dieu au-dessus de toutes choses, et le prochain comme soi-même

    Quel est le fondement sans lequel on ne peut dignement accomplir les commandements?

    Le Seigneur Jésus-Christ duquel l'Apôtre dit : Nul ne peut poser d'autre fondement excepté celui qui est posé, Jésus-Christ.

    Adores-tu autre chose de la même manière que Dieu ?

    Non. A cause du commandement strict qu'il a donné: Tu adoreras le Seigneur ton Dieu et tu le serviras lui seul.

    Que crois-tu de la sainte Église?

    La sainte Église catholique se compose de tous les élus de Dieu, qui sont en la grâce de Dieu par le mérite de Christ, assemblés par le Saint-Esprit, desquels le nombre et les noms ne sont connus que de celui qui les a élus.

    Par quoi peut être connue la mauvaise doctrine?

    C'est quand elle enseigne l’idolâtrie contre la foi et l'espérance. Car le Père avec son Fils et le Saint-Esprit doit être adoré, et non aucune créature, quelle qu'elle soit.


    CONFESSION DE FOI DES ANCIENS VAUDOIS

    DATÉE DE L'AN 1120.
    ( 50 ans avant la conversion de Pierre Valdo)

    1° Nous croyons et tenons fermement tout ce qui est contenu dans les douze articles du Symbole, appelé des Apôtres, tenant comme une hérésie tout ce qui y est en désaccord et ne convient pas avec les (dits) douze articles.
    2° Nous croyons en un Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit.
    3° Nous reconnaissons pour saintes Écritures canoniques, les livres de la sainte Bible.

      Moïse, autrement la Genèse.
      Moïse, dit l'Exode.
      Moïse, dit le Lévitique.
      Moïse, dit les Nombres.
      Moïse, dit le Deutéronome.
      Josué, les Juges, Ruth.
      1 Samuel. - 2 Samuel.
      1 des Rois. - 2 des Rois.
      1 des Chroniques. - 2 des Chroniques.
      1 Esdras. - Néhémie. - Esther. - Job. Le livre des Psaumes. - Les Proverbes de Salomon.
      L'Ecclésiaste autrement dît, le Prédicateur.
      Le Cantique de Salomon. Les Prophéties d'Esaïe, de Jérémie. Les Lamentations de Jérémie, Ezéchiel, Daniel, Osée. Joël, Amos, Abdias, Jonas. Michée, Nahum. Habacuc, Sophonie, Aggée. Zacharie, Malachie.
      Maintenant suivent les livres apocryphes, qui ne sont pas reçus par les Hébreux. Mais nous les lisons, comme dit saint Jérôme dans son prologue sur les Proverbes, pour l'enseignement du peuple, et non pour confirmer les doctrines de l'Église; savoir :
      Le troisième livre d'Esdras.
      Le quatrième livre d'Esdras.
      Tobie, Judith, la Sapience. L'Ecclésiastique, Baruc, avec l'Épître de Jérémie.
      Esther, depuis le dixième chapitre jusqu'à la fin.
      Le cantique (le chant) des trois enfants dans la fournaise. L'histoire de Susanne.
      L'histoire du Dragon.
      Le premier (livre) des Machabées.
      Le second des Machabées.
      Le troisième des Machabées.
      Maintenant suivent les livres du Nouveau Testament L'Évangile de Saint Matthieu.
      L'Évangile de Saint Marc.
      L'Évangile de Saint Luc.
      L'Évangile de Saint Jean.
      Les Actes des Apôtres. Épître de Saint Paul aux Romains.
      1 Aux Corinthiens.
      2 Aux Corinthiens.
      Aux Galates.
      Aux Ephésiens.
      Aux Philippiens.
      Aux Colossiens.
      La 1 aux Thessaloniciens.
      La 2 aux Thessaloniciens.
      La 1 à Timothée.
      La 2 à Timothée.
      À Tite.
      À Philémon.
      Aux Hébreux.
      Épître de Saint Jacques.
      La 1 Épître de Saint Pierre.
      La 2 Épître de Saint Pierre.
      La 1 Épître de Saint Jean.
      La 2 Épître de Saint Jean.
      La 3 Épître de Saint Jean.
      Épître de Saint Jude.
      L'Apocalypse de Saint Jean.
    4° Les livres susdits enseignent ceci. Qu'il y a un Dieu tout puissant, tout sage, tout bon, qui par sa bonté a fait toutes choses. Car il a formé Adam à son image et ressemblance ; mais que, par l'envie du diable et par la désobéissance dudit Adam, le péché est entré dans le monde, et que nous sommes pécheurs en Adam et par Adam.
    5° Que Christ a été promis aux pères (patriarches) qui ont reçu (accepté) la loi, afin que (à ce que) connaissant par la loi leurs péchés, leur injustice et leur insuffisance, ils désirassent l'avènement de Christ pour satisfaire à leurs péchés et pour accomplir la loi par lui-même.
    6° Que Christ est né au temps ordonné de Dieu son Père, c'est à savoir, à l'heure que toute iniquité abondait, et non pas pour (opérer) les bonnes oeuvres seulement. Car, tous étaient pécheurs, mais afin qu'il nous fit grâce et miséricorde comme (celui qui est) véritable.
    7° Que Christ est notre vie, et vérité, et paix, et justice, et pasteur (berger), et avocat, et victime, et sacrificateur (prêtre), lequel est mort pour le salut de tous les croyants, et ressuscité pour notre justification.
    8° Et semblablement nous tenons fermement qu'il n'y a aucun autre médiateur et avocat auprès de Dieu le Père, sinon Jésus-Christ. Mais que la vierge Marie a été sainte, humble et pleine de grâce, et de même nous croyons de tous les autres saints qu'ils espèrent dans le ciel la résurrection de leurs corps au (jour du) jugement.
    9° De même nous croyons qu'après cette vie il y a seulement deux lieux, un pour les sauvés lequel nous appelons du nom de paradis, et l'autre pour les damnés lequel nous appelons enfer, niant tout-à-fait ce purgatoire, rêve de l'Antichrist et imaginé contre la vérité.
    10° De même, nous avons toujours cru que c'est une abomination qu'on ne doit pas proférer devant Dieu que toutes les choses trouvées (inventées) par les hommes, comme sont les fêtes et les vigiles des saints, et l'eau qu'on appelle bénite, (comme) de s'abstenir certains jours de viande, d'autres aliments (mangers), et choses semblables, principalement les messes.
    11° Nous avons en abomination les inventions (trouvailles) humaines, comme antichrétiennes par lesquelles nous sommes troublés et qui portent préjudice à la liberté d'esprit.
    12° Nous croyons que les sacrements sont des signes ou des formes visibles de grâce invisible, pensant (tenant) qu'il est bon que les fidèles en usent quelquefois (de ces dits signes, ou formes visibles), si cela peut se faire. Et cependant nous croyons, et nous tenons que lesdits fidèles peuvent être sauvés, en ne recevant pas lesdits signes, quand ils n'ont ni le lieu, ni le moyen (la manière) de pouvoir en user (desdits signes).
    13° Nous n'avons connu d'autres sacrements que le baptême et l'eucharistie.
    14° Nous devons honneur au pouvoir séculier, en soumission, en obéissance, en zèle (promptitude), et en paiement.


    5. L'Antichrist

    ANTIQUE DOCUMENT VAUDOIS PORTANT LA DATE DE L'AN 1120
    ( 50 ans avant la conversion de Pierre Valdo)
    TRADUCTION DE PERRIN ET DE LÉGER

    Tiré de Léger, Histoire Générale, etc., part. p. 71 ; ou de Perrin,
    Histoire des Vaudois, part. III, p. 225.

    L'Antichrist de l'antique traité vaudois, c'est le système religieux Catholique Romain, son personnel et son culte, le Pape et l'idolâtrie dont il est le centre.

    • CE QU'EST L'ANTICHRIST ( introduction un peu longue)
    • QUELLES SONT LES OEUVRES DE L'ANTICHRIST
    • QUELLES OEUVRES DÉCOULENT DES PREMIÈRES (partie à lire)
    • CHOSES PAR LESQUELLES EST COUVERTE L'INIQUITÉ DE L'ANTICHRIST
    • DEVOIR DE SEPARATION DU CHRETIEN
    • SIX INIQUITÉS DE L'ANTICHRIST

    CE QU'EST L'ANTICHRIST

    ( ou L'Antéchrist)

    Comme la fumée précède le feu, comme la bataille précède la victoire, de même la tentation de l'Antichrist précède la gloire.

    L'Antichrist est une fausseté (digne) d'une damnation éternelle, couverte de l'apparence de la vérité et de la justice de Christ et de son Épouse; il est opposé à la voie même de la vérité, de la justice, de la foi, de l'espérance, de la charité, (opposé) à la vie morale et au véritable ministère de l'Église, (celle-ci étant) administrée par de faux apôtres, et défendue opiniâtrement par l'un et l'autre bras (le bras spirituel et le bras séculier).

    Ou bien, l'Antichrist est une altération de la vérité du salut, cachée par des objets (choses) matériels et ministériels, ou une frauduleuse contrariété à Christ, à son Épouse et à chaque membre fidèle. Ainsi, il n'est pas une certaine personne spéciale, ordonnée dans un certain degré (grade), ou office, ou ministère, en considérant la chose en général; mais la fausseté elle-même, opposée à la vérité dont il se couvre, et (en même temps) s'orne de beauté et de piété en dehors de l'Église de Christ, de même de Christ, de noms, d'offices, (de passages) des Écritures, de sacrements et de plusieurs autres choses.

    L'iniquité de cette sorte, avec ses ministres supérieurs et inférieurs, avec ceux qui la suivent d'un cœur mauvais et aveugle : une telle congrégation, prise ensemble, s'appelle Antichrist, ou Babylone, ou quatrième bête, ou paillarde (prostituée), ou homme de péché, fils de perdition.

    Ses ministres sont appelés faux prophètes, ministres de ténèbres, esprit d'erreur, paillarde (prostituée) apocalyptique, mère de fornication, nuages sans eau, arbres d'automne morts et deux fois arrachés, vagues de la mer cruelle, étoiles tombantes (errantes), Balaamites, Égyptiens.

    Il est appelé Antichrist, parce que, couvert et orné de (sous) l'apparence de Christ, de l'Eglise et de ses fidèles membres, il s'oppose au salut opéré (fait) par Christ, et administré véritablement dans l'Eglise de Christ, et qu'il se place au rang des fidèles par la foi, par l'espérance et par la charité: à ces divers égards, il se montre contraire par une sagesse mondaine, par de fausses religions et par une bonté feinte, par le pouvoir spirituel, par la tyrannie séculière, par les richesses, par l'honneur des dignités, par les délices et par les plaisirs mondains. Il s'oppose (à Christ, etc.) par ces moyens. C'est pourquoi que chacun sache (1) que l'Antichrist ne peut être accompli ni paraître en aucune manière, sinon lorsque les choses qu'on vient de nommer seront réunies ensemble pour former (faire) un parfait hypocrite et un parfait mensonge, c'est-à-dire lorsque les sages du monde, les hommes religieux, les pharisiens, les ministres, les docteurs, la puissance séculière, avec le peuple, seront réunis ensemble. Alors ils formeront ensemble l'homme de péché et d'erreur entier.

    Car, au temps des apôtres, c'est une vérité que l'Antichrist était déjà conçu, mais parce que, n'étant qu'enfant, il lui manqua de ses membres nécessaires, soit intérieurs, soit extérieurs. C'est pourquoi (2) on pouvait le connaître, on pouvait le détruire et l'excommunier plus aisément comme étant ignorant et grossier. Et il était muet, car (3) il n'avait pas la sagesse qui sait raisonner, qui sait s'excuser, qui sait définir, qui sait prononcer des sentences; car il lui manqua des seuls ministres sans vérité et des statuts humains; il lui manqua des hommes religieux extérieurement (en dehors) : en effet, il était bien venu, quant à l'erreur et au péché, mais il n'avait pas (les choses) avec lesquelles il put couvrir la souillure ou la vergogne des erreurs ou du péché. Comme il lui manquait, des richesses et des dotations, il ne put pas prendre à gages des ministres pour lui; il ne put pas (non plus) les multiplier, les conserver, les défendre; car il manqua de puissance ou de pouvoir séculier; il ne put ni forcer ni contraindre personne de la vérité au mensonge (4).
    Comme il lui manqua beaucoup (de choses), il ne put ni ébranler ni scandaliser personne par ses solennités. Et ainsi, étant trop tendre et faible, il ne put pas subsister dans l'Église. Mais, croissant en ses membres, c'est-à-dire en ses ministres aveugles et hypocrites et en ses gens (les siens) du monde; et lui-même grandit jusqu'à (être) homme fait dans la plénitude de l'âge, c'est-à-dire jusqu'à ce que les (hommes) spirituels et séculiers et les amis du monde, aveugles en la foi et étant mauvais, se sont multipliés dans l'Église avec tout pouvoir. (l'Antichrist) voulant être invoqué, prié et honoré dans les choses spirituelles et couvrir sa propre majesté, sa malice et ses péchés, a eu recours aux saints et aux pharisiens, en cela, comme il est dit ci-dessous.
    Car c'est une extrême iniquité de cacher (couvrir) et orner une iniquité digne d'excommunication, et de vouloir paraître (être) ce qui n'est pas donné à l'homme (d'être), mais qui appartient (convient) à Dieu seul et à Jésus-Christ en tant que médiateur. Enlever (ôter) frauduleusement à Dieu, par rapine, ces choses et les transporter à soi et à ses oeuvres doit être une extrême révolte, comme aussi de régénérer, de pardonner les péchés, de distribuer les grâces du Saint-Esprit, de consacrer (confectionner) Christ, et ainsi des autres (choses) semblables. Et se couvrir dans toutes ces choses du manteau de l'autorité, de la forme des paroles, et tromper par ces choses le peuple ignorant (rustique), imitant (suivant) ce que fait le monde dans les choses qui sont du monde : éloigner aussi de Dieu, et de la vraie foi, et de la régénération (réformation) du Saint-Esprit; éloigner de la véritable repentance, de la persévérance dans le bien; éloigner de la charité, de la patience, de la pauvreté, de l'humilité, et, ce qui est le pire de tout, éloigner de la vraie espérance et la placer en tout mal et en la vaine espérance du monde; fournir (servir) à tous les ministères pour ces choses, faire idolâtrer le peuple, servir frauduleusement les idoles du monde entier, sous le nom de saints, et les reliques, et prendre part à leurs services; c'est ainsi que le peuple, s'égarant extrêmement de la voie de la vérité, croit servir Dieu et bien faire, (et par là) on excite ce peuple à la haine, à la colère et à la méchanceté contre les fidèles et contre les amis de la vérité, et il commet (fait) beaucoup d'homicides, et ainsi l'Apôtre dit la vérité : Tel est l'homme de péché accompli, et c'est lui qui s'élève au-dessus de tout ce qui est Dieu; et qui est servi, et qui s'oppose à toute vérité, et qui est assise dans le temple de Dieu, c'est-à-dire dans l'Église, se montrant de même que s'il était Dieu, et qui vient avec toute sorte de séductions pour ceux qui périssent. Et si ce rebelle est déjà venu en toute perfection, il ne faut plus le chercher. En effet, par la permission de Dieu, il est formé et déjà vieux, puisqu'il décroît déjà. Car sa puissance et son autorité sont diminuées, et le Seigneur Jésus a tué ce rebelle par le souffle de sa bouche et par beaucoup d'hommes de bonne volonté, et il fait intervenir une puissance qui lui est contraire aussi bien qu'à ses amis, qui disperse (dissipe) ses lieux et ses possessions, et qui met la division (partage) dans cette cité de Babylone d'où (en laquelle) toutes les générations tirent leur vigueur de malice.

    QUELLES SONT LES OEUVRES DE L'ANTICHRIST?

    1. La première œuvre de l'Antichrist c'est de bannir la vérité et de la changer en mensonge, en erreur et en hérésie.
    2. La seconde oeuvre de l'Antichrist c'est de cacher le mensonge sous la vérité et sous les erreurs, et de le prouver et l'affermir (le confirmer) par la foi et par des miracles (vertus), d'entremêler la fausseté avec les choses spirituelles aux yeux du peuple soumis, soit à l'aide des ministres on des ministères, ou de toute l'Église.

    Et ces deux oeuvres renferment une malice parfaite et accomplie, telle que (laquelle) ne purent exécuter (faire) aucun tyran ni aucun potentat jusqu'au temps de l'Antichrist.

    Aussi, avant lui (5), Christ n'a jamais eu un tel ennemi qui pût ainsi (de même) pervertir la voie de la vérité en (celle de la) fausseté, et le mensonge en vérité, et (pervertir) semblablement les partisans de l'une et de l'autre de la vérité et du mensonge.

    De manière que la sainte mère Église avec ses vrais enfants est toute foulée aux pieds en (ce qui concerne) les vérités, spécialement en (ce qui concerne) les ministères des vrais ministres selon la vérité, en (ce qui concerne) les ministères et la manière de s'en acquitter et de la part qu'y prennent ses enfants; elle pleure en se lamentant, répétant les paroles et les plaintes de Jérémie, disant :

    En quelle manière est assise seule la cité du peuple païen et incirconcis? Elle est devenue veuve, c'est-à-dire de la vérité de son époux. Dame des nations, par leur soumission aux erreurs et aux péchés; princesse des provinces, par le partage du monde et des choses qui sont dans le monde, pleure et regarde (vois) plus en avant, et tu trouveras maintenant toutes choses accomplies par le temps.
    Car la sainte Église, si elle existe, doit être regardée (tenue) pour une synagogue. Et la synagogue des méchants est prêchée comme la mère qui a bonne croyance en la loi. La fausseté est prêchée à la place de la vérité, l'iniquité à la place de l'équité, l'injustice est prêchée et est tenue pour la justice, l'erreur pour la foi, le péché pour la vertu, le mensonge pour la vérité.

    QUELLES OEUVRES DÉCOULENT DES PREMIÈRES?

    1. Celles-ci : La première oeuvre, c'est qu'il (l'Antichrist) a transporté le culte de latrie ( les subtilités de distinction entre dulie et latrie ont sans doute été introduites postérieurement à la rédaction de ce traité en 1120), dû proprement à Dieu seul, à lui, à ses oeuvres, à la pauvre créature raisonnable et non raisonnable, sensible et non sensible : raisonnable comme les hommes saints ou saintes, transportés hors de ce monde, et leurs images, ossements et reliques.
      Ses faits (de l'Antichrist) sont les sacrements, spécialement le sacrement de l'eucharistie qu'il adore comme Dieu et comme Jésus-Christ semblablement; il sert les choses bénites et consacrées, et défend d'adorer Dieu seul.
    2. La seconde œuvre de l'Antichrist est qu'il ôte et enlève à Christ le mérite de Christ avec toute la suffisance de la grâce, de la justice, de la régénération, rémission des péchés, de la sanctification, de la confirmation et de la nourriture spirituelle; et il l'impute (ce mérite) et l'attribue à son autorité, à ses oeuvres, et aux saints, et à leur intercession et au feu du purgatoire; et il détourne (sépare) le peuple de Christ et l'amène vers les choses qu'on vient de dire, afin qu'il ne recherche pas celles de Christ ni par Christ (par sa médiation), mais (qu'il les cherche) seulement dans les oeuvres de ses mains, et non par une foi vivante en Dieu, ni en Jésus-Christ, ni au Saint-Esprit, mais selon la volonté et les œuvres de l'Antichrist, ainsi qu'il publie (prêche) que tout le salut consiste dans ses œuvres.
    3. La troisième oeuvre de l'Antichrist, c'est qu'il attribue la régénération que donne le Saint-Esprit à la foi morte et extérieure, et baptise les enfants en cette foi, enseignant que c'est par elle que sont consacrés le baptême et la régénération; c'est dans la même foi (6) qu'il confère et donne les ordres et les autres sacrements, et c'est en elle (en cette foi) qu'il fonde tout le christianisme; ce qui est contre le Saint-Esprit (contre la foi au Saint-Esprit).
    4. La quatrième oeuvre de l'Antichrist est celle par laquelle il bâtit et édifie, en même temps, en la messe, toute la religion et la sainteté du peuple, en ayant fait un tissu unique (tout ensemble) de différentes cérémonies judaïques, païennes et chrétiennes. Et y (à la messe) conduisant, pour l'entendre, la congrégation et le peuple, il prive celui-ci de la manducation spirituelle et sacramentelle, et l'éloigne de la vraie religion et des commandements de Dieu, l'éloigne (l'ôte) aussi des œuvres de miséricorde par ses offertoires; et par cette messe il loge (place) le peuple dans une espérance vaine.
    5. La cinquième œuvre de l'Antichrist, c'est qu'il fait toutes ses œuvres, afin qu'il soit vu et qu'il satisfasse (opère) son insatiable avarice, comme aussi, afin qu'il puisse mettre toutes choses en vente et ne fasse rien sans simonie (commerce des chses saintes).
    6. La sixième œuvre de l'Antichrist, c'est qu'il donne lieu à des péchés manifestes, sans (qu'il intervienne de) sentence ecclésiastique, et qu'il n'excommunie pas les impénitents.
    7. La septième œuvre de l'Antichrist, c'est qu'il ne dirige ni ne défend son unité par le Saint-Esprit, mais à l'aide de la puissance séculière, et qu'il l'appelle (prend) également à son secours pour les choses spirituelles.
    8. La huitième œuvre de l'Antichrist est qu'il hait, persécute, accuse, pille et met à mort les membres de Christ.

    Ce sont presque là les principales œuvres qu'il fait (des œuvres de lui). Il les fait contre la vérité, et personne ne peut les compter toutes ni les écrire. Mais qu'il suffise pour le présent d'avoir montré comme au doigt (deita) ces choses comme (presque) les plus générales par lesquelles est couverte cette iniquité (l'Antichrist).

    CHOSES PAR LESQUELLES EST COUVERTE L'INIQUITÉ DE L'ANTICHRIST

    1. (Cette iniquité est couverte), premièrement et principalement, par une profession extérieure de la foi. À l'égard de quoi, l'Apôtre dit: Car ils confessent en paroles qu'ils ont connu Dieu, mais ils le renient par leurs actions.
    2. (Elle est couverte), en second lieu, par la longue durée du temps, (par l'appui) des sages, des religieux, hommes et filles vierges, des veuves et des femmes honnêtes et d'un peuple peu nombreux, duquel il est dit dans l'Apocalypse: Et pouvoir lui fut donné (à la bête) en toute tribu et langue, et nations, et tous ceux qui habitent la terre l'adoreront.
    3. (Elle est couverte) troisièmement, par l'autorité spirituelle des apôtres, contre lesquels l'Apôtre dit: Nous ne pouvons rien contre la vérité, et pouvoir ne nous est point donné pour la destruction.
    4. (Elle est couverte), en quatrième lieu, par beaucoup de miracles faits ça et là, sur quoi l'Apôtre parle ainsi: Son avènement est selon l'oeuvre de Satan, accompagné de toute sorte de miracle (vertus), de signes et de merveilles mensongères et de toutes les tromperies de l'iniquité.
    5. (Elle est couverte), en cinquième lieu, par sainteté extérieure, par prières, par jeûnes, par vigiles et aumônes; contre quoi l'Apôtre dit: Ayant l'apparence de la piété, mais renonçant à sa force (déniant sa force).
    6. (Elle est couverte), sixièmement, par quelques paroles de Christ et par les écrits des anciens et par les conciles, lesquels ils suivent (gardent), en tant qu'ils ne condamnent (détruisent) par leur mauvaise vie et leurs voluptés.
    7. (Elle est couverte) en septième lieu, par l'administration des sacrements, par lesquels ils vomissent généralement toutes les erreurs.
    8. (Elle est couverte), huitièmement, par des remontrances et des prédications verbales contre les vices. car ils disent et ne font pas.
    9. En neuvième lieu, d'entre ces (prédicateurs) les uns agissent (font) avec dissimulation (feinte), les autres avec vérité, et surtout en menant une vie vertueuse. Car ces élus de Dieu, ayant bonne volonté et une bonne conduite, retenus là comme dans Babylone, sont comme de l'or avec lequel le rebelle Antichrist couvre sa vanité, ne permettant pas, ni qu'on rende son vrai culte à Dieu seul, ni qu'on mette son espérance en Jésus-Christ seul, ni qu'on s'attache (tende) à la vraie religion.

      Ces choses et beaucoup d'autres servent comme de manteau et de vêtement à l'Antichrist, au moyen desquelles il couvre sa malice mensongère, afin de n'être pas réprouvé entièrement comme païen, et à l'ombre desquelles il peut marcher mal honnêtement comme une prostituée.

    DEVOIR DE SEPARATION DU CHRETIEN

    Que le chrétien soit tenu par commandement de se séparer de l'Antichrist, cela est dit et prouvé par l'Ancien et par le Nouveau Testament:

    • car le Seigneur dit, Esaïe cinquante-deux : Éloignez-vous, éloignez-vous; sortez d'ici, gardez-vous de toucher à la souillure ; sortez du milieu d'elle; vous qui portez les vaisseaux (sacrés) du Seigneur, soyez purifiés. Car vous ne sortirez pas au milieu du tumulte, ni ne vous préparerez point à la fuite, etc.
    • Et Jérémie cinquante : Fuyez du milieu de Babylone, sortez de la terre des Chaldéens, et soyez comme des boucs à la tête du troupeau. Et voyez (voici), j'amènerai une grande assemblée de nations de la terre d'Aquilon a Babylone, et elles seront disposées (préparées) contre elle, et ensuite elle sera prise.
    • Nombres, XVI : Séparez-vous du milieu de l'assemblée, afin que je détruise et perde ceux-ci à la fois. Et de rechef (ensuite) : Éloignez-vous du tabernacle (de la tente) de ces rebelles, et gardez-vous de toucher aux choses qui leur appartiennent, afin que vous ne soyez pas enveloppés dans leurs pêchés.
    • Lévitique : Je suis votre Seigneur Dieu, qui vous a séparés des autres peuples. C'est pourquoi vous séparerez aussi l'animal pur de l'impur, et l'oiseau pur du non pur, et vous ne souillerez pas vos âmes à l'égard des bêtes, à l'égard des oiseaux et à l'égard de toutes les choses. qui ont mouvement sur la terre, et que je vous ai montrées comme souillées.
    • Item, Exode, XXXIV: Prends garde que tu fasses jamais amitié avec les habitants de cette ville, pour qu'elle t'entraîne dans la ruine.
    • Et ensuite: Ne fais aucun traité avec les hommes de cette contrée, de peur que lorsqu'ils auront paillardé avec leurs dieux et qu'ils auront adoré leurs images, quelqu'un t'invite et que tu ne manges des choses consacrées à ces dieux. Tu ne prendras pas non plus des femmes d'entre leurs filles pour tes fils, de peur qu'après qu'elles auront paillardé, c'est-à-dire idolâtré, elles ne fassent paillarder (prostituer) tes fils après leurs dieux.
    • Lévitique, XV, 31 : Vous instruirez donc vos enfants leur disant, qu'ils évitent les impuretés, afin qu'ils ne meurent pas dans leurs souillures dont ils auront souillé mon tabernacle.
    • Ezéchiel, XI, 21 : Mais, quant à ceux dont (7) le cœur marche par outrage et par offenses, je placerai leur voie (conduite) sur leur tête, dit le Seigneur.
    • Deutéronome, XX : Quand tu seras entré en la terre (le pays) que le Seigneur ton Dieu te donnera, garde-toi que tu ne veuilles imiter les abominations de ces peuples (de ces gens); car le Seigneur a toutes ces choses en abomination. Et, à cause des péchés de cette nature, il les effacera (détruira entièrement) à ton entrée. Tu seras parfait et sans, tache envers ton Dieu. Ces nations desquelles tu posséderas ces terres écoutent les augures et les devins ; mais tu as reçu d'autres ordres de ton Dieu.
    • D'après le Nouveau Testament aussi, il est manifeste, Jean, XII : Que le Seigneur est venu et a souffert la passion, afin qu'il réunit en un les enfants de Dieu.
    • Car c'est pour ces vérités d'unité et de séparation les uns d'avec les autres, qu'il dit, Matth., X : Car je suis tenu séparer (diviser) l'homme contre son père, la fille contre sa mère, la belle-fille contre la belle-mère, et les serviteurs de l'homme sont ses ennemis. Et il a commandé de se séparer, quand il a dit : Si quelqu'un n'est pas prêt à quitter (ne laissera) son père et sa mère, etc.
    • De même - Gardez-vous des faux prophètes, qui viennent à vous en habits de brebis, etc.
    • De même aussi : Gardez-vous du levain des pharisiens.
    • De même encore : Prenez garde que quelqu'un ne vous séduise (trompe); car plusieurs viendront en mon nom et séduiront plusieurs. Ainsi donc, si quelqu'un vous dit (dira) : Venez, Christ est ici, ou (il est) là; ne le croyez pas (veuillez ne pas le croire); gardez-vous d'aller après eux.
    • Et, dans l'Apocalypse, il admoneste de sa propre voix et commande à son peuple de sortir de Babylone, disant : Et j'ouïs une voix du ciel, me disant : O mon peuple, sors du milieu d'elle, et ne sois pas participant de ses péchés, afin que tu ne reçoives pas de ses plaies. Car ses péchés sont parvenus jusqu'au ciel, et le Seigneur n'oublie pas (se souvient de) ses iniquités.
    • L'Apôtre dit ceci même : Gardez-vous (ne veuillez) tirer le même joug avec les non fidèles. Car quelle participation y a-t-il (est) de la justice avec l'iniquité, ou quelle association entre la lumière et les ténèbres; car quel accord (y a-t-il) entre Christ et le diable, ou quelle est la part des fidèles avec les infidèles, ou quel rapport entre le temple de Dieu et les idoles? C'est pourquoi (pour laquelle cause), sortez du milieu d'eux et soyez séparés, dit le Seigneur; ne touchez pas ce qui n'est pas pur, et je vous cacherai, et je vous comme père, et vous me serez comme enfants fils et filles), dit le Seigneur tout-puissant.
    • Item, Ephés. V : Ne soyez pas faits participants avec eux; car vous étiez dans la voie (route) des ténèbres, mais maintenant vous êtes lumière au Seigneur.
    • Item, 1 Cor., X : Je ne veux pas que vous deveniez compagnons du démon. Vous ne pouvez pas être faits participants de la table du Seigneur et de la table des démons.
    • Item, 2 Thess., III - O frères, nous vous annonçons, au nom de notre Seigneur Jésus-Christ, que vous vous gardiez de tout frère qui marche déshonnêtement, et non selon les coutumes (enseignements) que vous avez reçues de nous. Car vous-mêmes savez en quelle manière il convient que vous nous imitiez (ressembliez).
    • Et ensuite : Si quelqu'un n'obéit pas à notre parole, notez-le par lettre et ne vous mêlez pas avec lui afin qu'il soit confus (confondu).
    • Item, Ephés., V : Gardez-vous de vous associer aux œuvres infructueuses des ténèbres.
    • De même, 2 Tim., III: Mais sache ceci, que des temps funestes (dangereux) viendront aux derniers ans.
    • Et plus bas: Ayant l'apparence de la piété, mais renonçant (déniant) à sa force, évite de telles gens.

    Des choses sus-notées sont manifestement démontrées la malice de l'Antichrist et sa perversité, etc. Et comme il est ordonné (commandé) par le Seigneur de se séparer de lui intérieurement comme extérieurement, et de s'unir à Jérusalem la sainte cité. Ainsi donc, connaissant ces choses que le Seigneur nous révèle par ses serviteurs, et croyant à cette révélation, selon les saintes Écritures, et étant en même temps engagés (admonestés) par les commandements du Seigneur, nous nous séparons intérieurement et extérieurement de celui que nous croyons l'Antichrist, et nous avons formé (uni) des compagnies et une unité, avec bonne volonté et une intention droite, ayant pour fondement, pur et simple, de plaire au Seigneur et d'être sauvés, avec l'aide du Seigneur, autant que la vérité de Christ et de son Épouse, comme aussi notre faible intelligence, peuvent le permettre (soutenir).

    Nous faisons (ordonnons) donc remarquer (noter) quelles sont les causes de notre séparation, comme aussi de notre congrégation, afin que si le Seigneur (nous) a donné d'avoir cette même vérité, elle porte elle-même l'amour, en même temps qu'en nous, et afin que si elle n'était peut-être pas bien éclairée, elle reçoive aide par ce ministère béni (arrosé) du Seigneur. Et s'il arrive qu'il ait été plus accordé à quelqu'un, et plus abondamment, nous désirons humblement d'en être instruits, de savoir mieux de lui et d'être corrigés en ce qui nous manque (en nos défauts).

    Les raisons qui suivent sont donc la cause de notre séparation.

    Qu'il soit connu (manifeste) à tous et à chacun, que la cause de notre séparation a été telle; savoir, la vérité essentielle et ministérielle de la foi, et la connaissance intime d'un vrai Dieu en trois personnes, dans une unité d'essence, (connaissance) que ne donne ni la chair ni le sang; le culte convenable dû à Dieu seul, l'amour qui lui appartient au-dessus de toutes choses, la glorification (sanctification) et l'honneur qui lui est dû aussi au-dessus de toutes choses et de tout ce qui se nomme; l'espérance vive qui est par Christ en Dieu; la régénération et le renouvellement intérieur par la foi, par l'espérance et par la charité; le mérite de Christ en toute suffisance de grâce et de justice ; la participation ou la communion de tous les élus; la rémission des péchés, la sainteté de la vie (sainte conversation), et le fidèle accomplissement de tous les commandements par la foi en Jésus-Christ; la véritable repentance (pénitence), la persévérance jusqu'à la fin et la vie éternelle.

    Les vérités qui regardent le ministère sont celles-ci : Que les ministres doivent avoir des assemblées (congrégations) extérieures avec le peuple qui leur est soumis, en lieu et temps convenable, le tenant dans la vérité par les soins du ministère; savoir dans la vérité mentionnée plus haut, l'y amenant, l'y affermissant et l'y entretenant dans (par) de fidèles et fréquentes assemblées; les bons ministres étant, quant à la foi et à, la conduite, en exemple d'obéissance, et produisant avec Vigilance sur le troupeau la pratique et l'usage (l'exemple) du Seigneur.

    Les choses auxquelles sont tenus les ministres pour servir le peuple sont celles-ci : Lui présenter la parole évangélique et la parole de la réconciliation, ou la loi de grâce, selon le dessein et l'intention de Christ. Car, il (le ministre) doit annoncer la parole évangélique, et le sacrement étant joint à la parole, confirme son sentiment et son intelligence, et affermit l'espérance en Christ chez le fidèle (ou, et chez le fidèle). La communion administrée par le ministre renferme (a) tout par (le moyen de) la vérité essentielle. Et s'il y a quelques autres choses qui concernent le ministère, elles peuvent toutes être comprises dans ce qui a été dit.

    Or, de ces vérités particulières, les unes sont essentiellement nécessaires au salut des humains, les autres le sont conditionnellement. Elles sont contenues en douze articles, selon l'ajustement ou l'adjonction de plusieurs paroles des apôtres (8). Mais (cependant) a déjà été régnant par le passé, en l'Église, par un effet de la permission divine, etc.

    SIX INIQUITÉS DE L'ANTICHRIST

    1. Les erreurs et les infidélités (impuretés) prédites par le Seigneur, touchant l'Antichrist, sont les suivantes : savoir, un service idolâtre varie et innombrable, accordé contre le commandement de Dieu et de Christ, non ait Créateur, mais à la créature visible et non visible, corporelle ou spirituelle, intelligente et sensible, produite naturellement, ou par un art quelconque, ou sous quelque nom que ce soit, comme de Christ et des saints ou des saintes, et, des reliques, et des personnes en autorité, auxquelles créatures est rendu un service accompagné de foi, d'espérance, d'actions, d'oraisons, de pèlerinages, d'aumônes, d'offrandes, de sacrifices fort dispendieux. Ils (les membres de l'Antichrist) servent une telle (sorte de) créatures, ils l'adorent, l'honorent de plusieurs manières, par des chants, par des panégyriques, par des solennités, par des célébrations de messes, par des vêpres, par des complies à ces mêmes créatures, par des heures, par des vigiles, par des fêtes, par acquisition de grâce, acquisition qui est essentiellement en Dieu seul, et méritoirement en Jésus-Christ, et qui s'obtient par la seule foi par le secours du Saint-Esprit.

      Car il n'y a pas d'autre cause (ou source) de l'idolâtrie qu'une opinion fausse touchant la grâce, touchant la vérité, touchant l'autorité, l'invocation, l'intercession, lesquelles le même Antichrist ôte à Dieu (éloigne de) pour les attribuer aux ministères et aux oeuvres de ses mains, aux saints et au purgatoire. Et cette iniquité de l'Antichrist est directement contraire au premier commandement de la loi.

      Semblablement, l'amour désordonné de l'Antichrist pour le monde est (la source) d'où procèdent (germent) dans l'Église tous les maux et les péchés des conducteurs, des directeurs, des supérieurs (officiers); péchés qui restent sans répression (correction), et qui sont contraires aux vérités de la foi et à la connaissance de Dieu le Père, selon le témoignage de Jean, qui dit : Celui qui pêche ne connaît point Dieu ni ne l'a vu. Car si quelqu'un aime le monde, la charité du Père n'est point en lui.

    2. La seconde iniquité de l'Antichrist, consiste (est) en ce qu'il place l'espérance de pardon, de grâce, de justice, de vérité et de vie éternelle, non en Christ, ni en Dieu par Christ, mais dans les hommes vivants et morts, dans l'autorité, dans des cérémonies (ministères) ecclésiastiques, dans des bénédictions, dans des sacrifices, dans des prières et, dans d'autres choses semblables indiquées plus haut, et non dans une foi véritable qui produit (opère) la repentance, avec la charité, l'éloignement du mal et l'avancement dans le bien.

      Ce n'est pas dans une telle foi (9), que l'Antichrist enseigne a espérer fermement, et principalement la régénération, l'affermissement, la réfection spirituelle ou communion, la rémission des péchés, la sanctification en vie éternelle : mais par les sacrements et par sa perverse simonie, moyen par lequel le peuple est trompé (moqué), et ayant toutes choses vendables, il a imaginé des ordonnances anciennes et nouvelles pour obtenir de l'argent, permettant que si quelqu'un a dit ou fait ceci ou autre chose, il veut qu'il puisse acquérir et grâce et vie. Et cette double iniquité est, proprement appelée, dans les saintes Écritures, un adultère (paillardise) et une fornication. C'est pourquoi, de tels ministres, qui conduisent (conduisant) le peuple grossier dans de telles erreurs, sont appelés paillarde (prostituée) apocalyptique. Cette iniquité est contraire an second article, et de rechef, contraire au second et au troisième commandement de la loi.

    3. La troisième iniquité de l'Antichrist, c'est, qu'outre ce qui a été dit, il a inventé (trouvé) de fausses religions, des règles, des monastères en forme d'église, comme moyens d'acquérir l'espérance. De même, ils (les siens) affirment, contre toute vérité, que c'est un devoir pour chacun d'entendre souvent et dévotement les messes, de recevoir les sacrements, de se confesser (mais rarement avec contrition), de faire des satisfactions par des jeûnes ou en vidant sa bourse, être resté ou d'être membre de l'Église romaine, de s'adonner ou livrer à la règle ou au capuchon. Et cette iniquité de l'Antichrist est directement contraire au huitième article du symbole : Je crois au Saint-Esprit.

    4. La quatrième iniquité de l'Antichrist, c'est, qu'étant bien lui-même la quatrième bête décrite jadis (devant) par Daniel, et la paillarde (prostituée) apocalyptique, il s'attribue (s'orne) des noms, l'autorité, le pouvoir, les dignités, les ministères, les offices, les écritures, au point de s'égaler et de se comparer à la vraie et sainte mère Église, en laquelle se trouve ministériellement, et non autrement, le salut et la vérité, quant à la vie, à la doctrine et aux sacrements. Car, si ce n'était qu'elle (l'Église romaine) se couvre ainsi elle-même et ses ministres d'erreur et pécheurs manifestes, elle serait abandonnée de tous si elle était connue.

      Mais parce que les empereurs et les rois, et les princes, estimant qu'elle était semblable à la vraie sainte mère Église, ils l'aimèrent elle-même et la dotèrent contre le commandement de Dieu. Cette iniquité des ministres, des sujets, de ceux ordonnés dans l'erreur et dans le péché, est directement contre le neuvième article : Je crois la sainte Église. Ces (choses) appartiennent à la première partie de l'article.

      En second lieu, en effet, eux (ces ministres, etc.), en participant aux seules formes extérieures, selon les usages humainement, ordonnés et inventés, croient on espèrent avoir leur part à la réalité (vérité) des offices de pasteurs et de la cure d'âmes, comme si ceux qui seraient tondus comme des agneaux, qui seraient oints à la manière d'une paroi, et qui recevraient la bénédiction en touchant le livre et le calice, pouvaient prétendre (confesser) être convenablement (droitement) ordonnés prêtres.

      Il en est semblablement (comme il a déjà été dit) du peuple assujetti, si, parce qu'il a sa part (Communique) aux paroles, aux signes, aux exercices extérieurs (de dehors) et à leurs diverses cérémonies (faits) souvent répétées, il se persuadait (pensait) avoir part à la vérité qui en est couverte (tirée). Et cela est contraire à l'autre partie du huitième article : Je crois la communion des saints.

      Une chose est à faire, c'est qu'il faut s'éloigner (10) (sortir) de la très-mauvaise communion des moines qui, pour amener à sa participation les hommes charnels, leur font espérer, au moyen de choses de néant et par avarice, qu'ils leur feront avoir part à leur pauvreté et à leur chasteté, quels qu'ils soient d'ailleurs, ou luxurieux ou avares, pourvu qu'ils leur fassent à eux-mêmes des dons.

    5. La cinquième iniquité de l'Antichrist consiste (est) en ce qu'il promet, en trompant, le pardon et la rémission des péchés à des pécheurs non véritablement contrits et qui n'ont pas renoncé fermement aux mauvaises œuvres. Et il fait d'abord cette promesse de la rémission des péchés au moyen de la confession auriculaire et de l'absolution donnée par des hommes, au moyen des pèlerinages dictés par l'avarice.

      Cette iniquité est contraire au onzième article du Credo : Je crois la rémission des péchés. Car cette rémission dépend de l'autorité de Dieu et du ministère de Jésus-Christ, puis en partie (11) de la foi, de l'espérance, de la repentance, de la charité et de l'obéissance qui, selon la Parole de Dieu, est en l'homme.

    6. Il y a encore une sixième iniquité (des membres de l'Antichrist), c'est qu'ils prolongent l'espérance (de pardon) jusqu'à la fin de la vie, au moyen des iniquités cachées (couvertes) déjà mentionnées pour les pécheurs manifestes, et spécialement au moyen de l'extrême-onction et du purgatoire rêvé, en sorte que les hommes grossiers, qui ne connaissent pas la vérité, persévèrent dans l'erreur et sont (déclarés) absous de péchés dont ils ne se sont jamais éloignés de libre volonté pour qu'ils pussent en espérer la rémission à venir et la vie éternelle.

      Cette iniquité est directement contraire aux onzième et douzième articles de la foi.

    Le traité de l’Antichrist

    Ce traité polémique ancien (XIIè s.) permet de mieux connaître la foi des Vaudois et ce qu’ils reprochaient à l’Eglise officielle.  

    1. L'Antichrist a détourné le culte dû à Dieu seul, vers lui, vers les saints, leurs images et reliques, vers l'eucharistie qu'il adore comme Dieu; il sert les choses bénites, et défend d'adorer Dieu seul.

    2. L'Antichrist enlève à Christ le mérite de Christ avec la toute suffisance de la grâce pour la rémission des péchés; il détourne le peuple de Christ afin qu'il ne recherche pas par l’intermédiaire de Christ seul, mais par lui, et non par une foi vivante, ainsi il prêche que tout le salut consiste dans ses œuvres.

    3. L'Antichrist attribue la renaissance que donne le Saint-Esprit à la foi morte et extérieure (le cérémonial sans la foi), et baptise les enfants en cette foi; ce qui est contre la foi au Saint-Esprit.

    4. La messe est un mélange de différentes cérémonies juives, païennes et chrétiennes; par cette messe, l'Antichrist place le peuple dans une espérance vaine, il prive celui-ci de nourriture spirituelle, l'éloigne de la vraie religion, des commandements de Dieu et des œuvres de miséricorde.


    Extrait que l’on peut comparer aux 5 formules latines qui résument les convictions des réformateurs du XVIème siècle :

    SOLI DEO GLORIA : Dieu est le seul qu'il faut adorer et prier.

    SOLA GRATIA : Le salut n'est pas le résultat de nos efforts ou de nos mérites mais s'obtient par la grâce seule.

    SOLUS CHRISTUS : Jésus-Christ le seul intermédiaire entre Dieu et nous.

    SOLA FIDE : Le salut n'est pas donné par les sacrements ou la religion mais par la foi seule.

    SOLA SCRIPTURA : La Bible est l'autorité suprême en matière de doctrine.


    ANCIEN TRAITÉ DES VAUDOIS
    AUQUEL ON ASSIGNE LÀ DATE DE L'AN 1126.

    LE PURGATOIRE

    Ce n'est pas l'importance de ce traité, quoiqu'elle soit réelle, qui nous engage à en donner ici un extrait et à étendre d'autant cet Appendice, mais l'objection qu'on a dirigée contre son ancienneté et la date de l'an 1126 qui lui est assignée; cette objection, disons-nous, nous a paru si sérieuse que nous n'aurions pu la passer sous silence.

    Le critique (1) qui l'a faite l'a dirigée maladroitement contre le traité de l'Antéchrist ; mais comme le passage sur lequel il la fonde se trouve dans celui du purgatoire, publié par extraits, dans Perrin et dans Léger, il est évident qu'elle porte contre celui-ci.

    Cette objection est la suivante: Comme il est dit plus haut, le traité du purgatoire est daté de l'an 1126. Or, il contient une citation de l'écrit, intitulé: Milleloquium, attribué à saint Augustin, mais qui a pour véritable auteur, selon certains écrivains, Augustinus Triomphus qui florissait vers la fin du XIIIe siècle. Ainsi un traité de l'an 1126 ne pouvait pas en réalité citer un écrit postérieur à sa date. D'où notre critique a conclu que le traité du purgatoire était de beaucoup postérieur à la date qui lui est attribuée.
    L'objection est assurément de toute force : comment essayer de la réfuter ?
    On ne pouvait le faire qu'en soutenant que cette citation était le fait d'un copiste postérieur à l'écrit cité. Cette thèse (2) était admissible, et nous l'avions adoptée pour des raisons qui n'étaient pas sans valeur. Dès lors nous en avons acquis la preuve matérielle. En effet, les divers manuscrits vaudois contiennent deux traités différents sur ce sujet, l'un plus abrégé, dont la copie est en Angleterre. C'est celui qui a été publié en partie. Nous l'avons complet sous les yeux, grâces à l'obligeance du révérend M. Gilly, chanoine de Durham. Cet exemplaire est considérablement plus abrégé que celui qui existe à Genève dans le manuscrit portant le No 208. Des passages entiers, il est vrai, sont presque identiques, quoique quelquefois transposés. Beaucoup de citations sont les mêmes, d'autres sont omises, d'autres sont changées, en particulier celle du Milleloquium, au lieu de laquelle sont plusieurs citations de divers écrits de saint Augustin lui-même. En un mot, il est évident que l'un est l'abrégé de l'autre. La différence la plus frappante, après celle de l'orthographe de plusieurs mots, est celle du titre du traité. Le plus ancien est intitulé : Purgatori, le Purgatoire; le plus récent : Purgatori seuma, le Purgatoire rêvé, imaginé ou songé. Nous faisons d'ailleurs observer que les mots de ce dernier titre sont plusieurs fois répétés dans l'écrit primitif, sous cette forme : Purgatori SOYMA, et non seuma, ce qui fait comprendre que l'orthographe avait considérablement changé lorsque cet extrait a été rédigé ou copié tel qu'il existe en Angleterre.
    Nous pensons que, dès que ce fait est bien constaté, dès là même l'objection n'a plus de fondement ni de valeur.

    À l'occasion de ce traité nous sentons le besoin de présenter une observation. L'on a soupçonné et même accusé Perrin et Léger de mauvaise foi, parce qu'ils n'ont pas averti qu'ils ne publiaient que des extraits de ce traité. Mais il nous semble que ce jugement est bien sévère, puisque le dernier indiquait l'existence de cet écrit.
    Afin qu'on puisse comparer les deux traités du Purgatoire et s'assurer si nos allégués sont fondés, nous allons présenter ci-après un extrait et une sorte d'analyse du traité primitif, tel qu'on peut le voir à la bibliothèque de Genève, dans le manuscrit qui porte le No 208.

    Dans la traduction qui va suivre, nous avons conservé le mot à mot autant qu'il a été possible.

    LE PURGATOIRE.

    Présentement il faut parler de la matière du purgatoire que plusieurs mettent en avant et prêchent publiquement comme article de foi, (quoique) manquant du fondement des Écritures, disant qu'après l'ascension de Christ au ciel, quelques âmes, et spécialement (celles) de ceux qui doivent être sauvés et qui n'ont pas satisfait à leurs péchés durant cette vie; celles-ci, au sortir de leurs corps, souffrent des peines sensibles dans ce purgatoire, et sont purifiées après cette vie. Après leur purification, quelques-unes en (duquel) sortent les premières, quelques-unes après, quelques-unes au jour du jugement, et quelques-unes présentement, avant le jour du jugement.

    Pour satisfaction de leur avarice, à l'égard de ce purgatoire, plusieurs enseignent plusieurs choses qui, quoiqu'ils les enseignent, ne sont pas certaines; disant que telles âmes sont tourmentées, quelques-unes jusqu'au cou, quelques-unes jusqu'a la ceinture, les autres par le doigt et ainsi ils s'efforcent de conter des fables de plusieurs sortes sur ce purgatoire, et moine que quelquefois elles s'assoient à table et font là des festins, et cela spécialement en la fête des âmes (des saints), quand il est offert largement à leurs prêtres, et que quelquefois elles ramassent les miettes sous la table des riches.

    À l'aide de toutes ces choses et par beaucoup d'autres mensonges, l'avarice et la simonie de plusieurs sont accrues et mises en oeuvre, et les cloîtres sont augmentés, et des temples somptueux sont édifiés avec une surabondante quantité d'autels et avec d'innombrables moines et chanoines, (ces choses) introduisant et donnant lieu à l'agrandissement et à la dissolution ont amené (donné) le mépris de la Parole de Dieu, et le peuple est trompé dans sa subsistance et à l'égard des l'unes et ils leur font espérer en des choses non certaines. Et beaucoup de fidèles sont cachés parce qu'ils n'osent pas confesser le Seigneur (lui) par la foi, ils sont condamnés et martyrisés, par une fort cruelle mort, etc.

    Après cet exposé de l'opinion catholique sur le purgatoire, les deux traités annoncent leur sujet presque dans les mêmes termes. Voici les paroles du traité primitif encore inconnu :

    Nous voulons (sommes) donc parler de ce purgatoire et faire connaître notre opinion.

    En premier lieu et avant toutes choses, nous établissons (supposons) que les âmes de ceux qui doivent être sauvés, ne faisant pas satisfaction de leurs péchés durant cette vie doivent finalement être purifiées de leurs impuretés, selon le commandement de Dieu, chacun en son temps.

    Suivent divers passages dans lesquels Dieu indique les moyens de sanctification on de purification, après quoi l'auteur continue :

    Toutes ces autorités s'accordent en ceci, qu'il y a tant seulement deux lieux certains depuis l'ascension de Christ au ciel, après cette vie-ci pour les âmes sorties de leurs corps, et le troisième n'existe point du tout, il ne se trouve pas dans la sainte Écriture.

    Le témoignage suivant et le développement qui l'accompagne se trouve presqu'à la fin du traité déjà publié, et peut-être mot pour mot, si ce n'est le nom de l'auteur du passage:

    Avec ce sentiment (ces choses) s'accorde maître Jean de sainte mémoire, et sa conclusion fait connaître finalement ce qu'il pense là-dessus quand il dit : que le Seigneur n'enseigne pas expressément dans toute la sainte Écriture à prier pour les morts, excepté dans le livre des Machabées lequel n'est pas de l'Ancien Testament d'après les Juifs.

    Finalement il ajoute :

    que ni les prophètes, ni Christ avec ses apôtres, ni les saints leurs immédiats successeurs, n'ont point enseigné à prier pour les morts. Mais ils enseignèrent fort soigneusement le peuple, afin que vivant sans crime ils fussent saints. Ainsi donc, puisque, la loi ne fait en aucun lieu mention expresse d'un tel purgatoire, et que les apôtres ne nous ont laissé aucun enseignement, et que l'Église primitive, vivant selon l'Évangile, et dont les apôtres étaient les conducteurs, ne nous a transmis (livré) rien de cela ni par ordre, ni par commandement; mais Pélage (pape) l'an 458, est rapporté d'avoir ordonné, qu'il fût fait mention (mémoire) des morts dans la messe, il est clair, que, selon la sainte Écriture, les fidèles ne doivent pas croire comme article de foi un tel purgatoire après cette vie.

    Suit un nouveau passage du même maître Jean, tiré de, son sermon sur : Martha dis a Jesu, dans lequel est exprimée la même opinion ; après lequel l'auteur conclut ainsi :

    On voit manifestement de ces paroles, ce qu'il pense finalement de ce purgatoire, vu qu'il démontre que, dans toute la sainte Écriture canonique, le Seigneur n'enseigne pas expressément que nous devions faire tant d'efforts pour des secours en faveur des morts comme, font les hommes du temps moderne.

    L'auteur étend cette récapitulation par de nouveaux raisonnements et d'autres témoignages, auxquels il ajoute celui de saint Augustin que nous donnons ci-après :

    Et saint Augustin écrit au livre des sacrements, que le lieu du purgatoire n'est pas déterminé, mais qu'il est seulement indiqué (montré) par plusieurs exemples et révélations d'âmes plongées (passées) dans de telles peines ; et il ajoute : peut-être on pourrait dire plutôt, que durant la vie, chaque âme peut être considérée (crue) comme portant son châtiment dans ce même lieu où elle a commis la faute.

    Ici suit le narré de la vision d'un frère rapportée par saint Grégoire, et la critique qu'en fait l'auteur du traité, après quoi il avance que :

    les docteurs ne s'accordent pas sur la matière du purgatoire, mais suivent trois sentiments différents.

    Car certains d'entre eux paraissent avoir cette opinion, que les âmes sont reçues et gardées dans un lien connu, de Dieu en attendant la résurrection des corps, etc. C'est l'opinion de Pierre à Clément, que confirme Origène (Lévitique, XII, 8), ainsi que Ugo de Saint-Victor, au livre des sacrements, où on lit entre autres ce qui suit :
    Quelques-uns pensent que les âmes ne peuvent être tourmentées d'une peine sensible, sinon par les corps et en demeurant avec les corps, etc., etc.

    Cette idée, qui peut être regardée comme une seconde opinion des docteurs, est longuement développée et appuyée de, passages, entre autres un de saint Augustin, au livre des Psaumes, où il parle des offrandes faites en faveur des morts, comme pain, vin, etc., où il manifeste des doutes sur l'état des âmes des morts; puisqu'au sujet de ces paroles : Ni les ivrognes n'hériteront point le royaume de Dieu, il écrit ce qui suit :

    O frères, que nul ne se trompe, car il n'y a que deux lieux et le troisième n'existe pas du tout. Car celui qui ne mérite pas de régner avec Christ, périra sans aucun doute avec le diable.....

    L'auteur allègue encore d'autres témoignages du même genre, comme d'Appien, croyons-nous, dans son épître Xe de saint Jérôme, et de saint Hillaire, en ces termes:

    On demande en vain le pardon d'un péché qui n'est pas abandonne (corrigé) durant cette vie.

    L'auteur, prenant occasion de cette opinion de saint Hillaire qui pourrait être la troisième, exhorte les hommes à la repentance, à l'amendement et à la sanctification, appuyant ses exhortations de divers passages des saintes Écritures et autres; puis il conclut ainsi de ce qui précède :

    D'après tout ce qui précède, il est manifeste que les docteurs ne s'accordent pas sur la matière du purgatoire et suivent, trois différentes opinions et aucun d'eux ne paraît appuyer confirmer) la même opinion que les autres prêchent sur ce purgatoire, comme article de foi, nullement certain et songé (rêve).

    On ne voit donc pas expressément, d'après les écrits de la loi, que les fidèles doivent croire réellement à un tel purgatoire après cette vie ; et les docteurs, loin d'être d'accord, varient étonnamment entre eux. Et certainement quelques-uns d'entre eux semblent en parler en un endroit d'une manière, et ils écrivent différemment dans une autre comme spécialement.

    Augustin, qui en un endroit semble l'admettre (sonner pour lui), mais écrit différemment dans un autre, laissant les hommes dans le doute à son sujet, comme il écrit au livre des sacrements déjà cité: Et peut-être on pourrait dire plus particulièrement qu'on peut croire que chaque âme souffre le châtiment dans le même lieu qu'elle a commis la faute. Et le même, au livre de la pénitence, parlant du feu du purgatoire, écrit ainsi : Il est meilleur que j'apprenne à bien vivre, que d'enseigner (semer) des choses non certaines du feu de cette nature. Car, si en faisant bien j'ai soin de me repentir, je ne craindrai pas les tourments du feu.

    Après quelques citations de saint Chrysostôme, analogues à ce, qui précède, on lit encore cette conclusion :

    Il est manifeste, d'après ces paroles des docteurs, qu'on ne peut faire (mériter) quoi que ce soit, excepté durant cette vie, et qu'il n'est pas reconnu (vu) que les morts puissent être aidés en quelque chose des vivants ici-bas. Mais que, selon l'Apôtre, chacun portera son propre fardeau.

    Suivent d'autres passages de l'Écriture, conformes à cette déclaration, puis une réfutation de Thomas par saint Jérôme, puis de longs détails sur le fondement de l'Église et de la foi ; savoir : Jésus-Christ, après quoi l'auteur continue, ainsi:
    Pour nous, indiquant et donnant soigneusement attention à toutes les choses dites plus haut, nous n'osons prêcher ni annoncer ledit purgatoire songé et lion certain comme article de foi. Et malgré ceci que plusieurs opposants allèguent plusieurs passages des Écritures en faveur d'un tel purgatoire. Pour cela, ces passages si on les examine et considère véritablement, ils ne leur sont pas favorables, et l'on ne peut pas être assuré, d'après ces passages allégués par eux, qu'on doive admettre un tel purgatoire, ni qu'ils puissent espérer de le prouver sur la foi de l'Écriture, en mettant de côté toute avarice et toute vanité, s'ils veulent s'en enquérir avec soin.

    Mais nous disons sur cette matière, que quand même ceci serait, qu'il y eût un purgatoire après cette vie, de la manière que plusieurs l'avancent et prêchent, dès qu'il manque de certitude d'après l'Écriture, nous n'osons ni l'annoncer ni le prêcher comme article de foi, spécialement parce que nous ne voyons en dériver (procéder) aucun profit pour le peuple, fidèle, mais plutôt un accroissement de péché, de vaine confiance et d'espérance incertaine.

    Mais d'après le sentiment (sens) de la sainte Écriture et des apôtres, nous ne nions pas qu'une purification des âmes ne soit pas faite en son temps, selon le commandement de Dieu de la manière indiquée plus haut. Mais nous exhortons et encourageons tout fidèle à vivre durant la vie présente, (de telle manière) qu'il n'ait pas besoin d'autre purification après.

    Et si leur dit purgatoire pouvait être prouvé, et nous fut démontré par la sainte Écriture ou par la science des saints docteurs, fondée véritablement en elle (la sainte Écriture), ou si Dieu par ses secrets jugements veut purifier quelqu'un après cette vie ou autrement, nous voulons humblement obéir et n'y contredire ni contrevenir en aucune manière ; mais cela jusqu'ici ne nous a pas été démontré.

    Cette concession faite aux conditions qui précèdent, l'auteur du traité reprend les prétendues preuves alléguées en faveur du purgatoire, les examine encore et les réfute successivement :

    1° Il commence par saint Grégoire qui prétend fonder le purgatoire sur la vision d'un moine, sur une révélation.

    2° Il rappelle le désaccord qui existe entre les auteurs sur ce point, les uns s'en montrant les partisans, les autres le rejetant, et le même auteur souvent n'étant pas d'accord avec lui-même.

    3° Il n'admet pas les témoignages des livres apocryphes, ni des prétendues épîtres qui ne sont pas dans le canon des livres inspirés.

    4° Il remarque qu'on ne peut, pas admettre comme preuves du purgatoire les usages établis qui le supposent sans fondement légitime.

    5° Il réfute ceux qui allèguent en faveur du purgatoire l'exemple rapporté par saint Paul de ceux qui se faisaient baptiser pour les morts.

    6° Il rejette le sens qu'on a voulu étendre au purgatoire, des paroles de Jésus-Christ, que le péché contre le Saint-Esprit ne sera pardonné, ni en ce siècle, ni en l'autre. - Il en fait de même de l'exemple tiré de l'économe infidèle et de celui de la résurrection de Thabita.

    7° Après avoir encore réfuté un argument tiré de l'exemple de deux hommes de position différente, il ajoute :

    Il y a encore d'autres raisons (choses) que les adversaires ont coutume d'avancer en faveur de leur purgatoire, mais n'étant pas dignes de mention, on les passe sous silence pour abréger. Car si toutes les choses qui ont été dites jusqu'ici étaient fidèlement considérées et comprises (entendues), on pourrait reconnaître qu'aucun des fondements sur lesquels les opposants s'efforcent d'établir leur purgatoire n'est solide et que la peine qu'ils se donnent ne peut rien contre la doctrine fondée sur la pierre inébranlable. Car l'Église grecque n'adopte pas leur purgatoire, comme il a été dit plus haut .....



    FORMULAIRE DE LA CONFESSION DES PÉCHÉS DES ANCIENS VAUDOIS

    Communément suivi parmi les anciens Vaudois, dit Léger, 1re part. p. 57 à 58. - Tiré du Traité appelé Nocel Confort.

    «O Dio de li rey, e Seignor de li seignor, yo nie confesso a tu; car yo sey aquel peccador que t'ai mot offendu, etc. » C'est-à-dire ;

    O Dieu des rois et Seigneur des seigneurs, je me confesse à toi; car je suis ce pécheur qui t'ai grandement offensé par mon ingratitude. Je ne puis m'excuser, car tu m'as montré ce que c'est que le bien et le mal. J'ai su quelle est ta puissance, et ai entendu ta sapience et connu ta justice et vu ta bonté. C'est pourquoi tout le mal que j'ai fait procède de ma seule méchanceté. Seigneur, pardonne-moi et donne-moi la repentance. Car je t'ai méprisé par ma grande présomption et n'ai point cru à ta sapience ni à tes commandements. Au contraire, je les ai transgressés, de quoi je suis fort affligé (3). Je n'ai point redouté ta justice, ni tes jugements, mais j'ai fait beaucoup de choses mauvaises (4), depuis le commencement de ma vie, et n'ai point eu d'amour pour ta grande bonté, comme j'ai dû et comme il m'est commandé.

    Moi j'ai trop cru au diable par ma méchanceté. J'ai suivi l'orgueil et abandonné l'humilité. Si tu ne me pardonnes, je suis perdu, tant la convoitise est enracinée en mon cœur. J'aime tant l'avarice, et cherche de grandes louanges, et ai peu d'amitié envers ceux qui m'ont obligé par leurs bienfaits. Si tu ne me pardonnes, mon âme s'en va en perdition. La haine (l'ire) règne dans mon coeur, car je ne l'ai pas apaisée, et l'envie me ronge, car je n'ai point de charité. Seigneur, pardonne-moi par ta bonté. Je suis téméraire et paresseux à bien faire, hardi et fort diligent au mal. Seigneur, fais-moi la grâce que je ne sois point du nombre des méchants. Je ne t'ai point rendu grâce pour le bien que tu m'as fait et donné par ton amour, ainsi que je devais, et qu'il m'est commandé; car je suis désobéissant par ma méchanceté. Seigneur, pardonne-moi, car je ne t'ai point, servi: an contraire, je t'ai fort offensé. J'ai trop servi (5) à mon corps et à ma volonté en plusieurs vaines pensées et mauvais desseins, dans lesquels j'ai pris plaisir : j'ai aveuglé mon corps, ou plutôt, mon corps m'a aveuglé, et j'ai pensé contre toi plusieurs choses mauvaises, et ai recherché plusieurs choses contre ta volonté. Aie pitié de moi et donne-moi l'humilité. J'ai élevé mes yeux vers les vains plaisirs et ne les ai pu tourner vers ta face : j'ai prêté l'oreille aux sons de la vanité et à plusieurs médisances; mais ce m'a été chose ennuyeuse d'entendre parler de ta loi et de ta discipline. J'ai commis de grandes fautes, notamment en mon entendement; car la puanteur du mal m'a plus agréé que la douceur divine et, l'honneur céleste: car flairant le mal, j'y ai eu plus de contentement, par quoi j'ai fait plusieurs maux et ai laissé en arrière beaucoup de bien, et ne connaissant point ma faute, j'ai tâché de la jeter sur autrui. Je n'ai point été assez modéré, dans le boire ni dans le manger. J'ai souvent rendu outrage pour outrage et y ai même pris plaisir. J'ai le corps et l'esprit navrés. J'ai étendu ma main pour toucher la vanité et ai perversement travaillé à prendre le bien d'autrui, à frapper mon prochain et à lui déplaire.

    Mon cœur s'est détecté en ce que j'ai dit, et beaucoup plus en plusieurs vaines délices. Seigneur, pardonne-moi et me donne chasteté. J'ai mal employé le temps que tu m'as donné, et ai suivi durant ma jeunesse mes plaisirs et la vanité. Je me suis détourné du bon chemin et ai montré le mauvais exemple par ma légèreté. Je connais peu de bien en moi, et y trouve beaucoup de mal. Je t'ai déplu par ma méchanceté et ai damné mon âme, et ai irrité mon prochain. Seigneur Dieu, garde-moi de peur que je ne sois condamné. J'ai aimé le prochain à cause du bien temporel. Je ne me suis point comporté fidèlement quand il a été question de donner ou de recevoir; mais j'ai eu égard aux personnes selon mon affection. J'ai trop aimé l'un et ai trop haï l'autre. Je me suis trop peu réjoui des biens des bons, et me suis trop exalté du mal des méchants. Et, en outre, de tous les maux que j'ai faits par le passé jusqu'au jour présent, je n'en ai point une telle repentance, ni un tel déplaisir qu'il ne soit moindre que l'offense. Je suis souvent retourné au mal par ma faute, au mal que j'ai confessé, de quoi je suis fort affligé. Seigneur Dieu, tu sais que j'ai tout confessé, et qu'il y a encore en moi plusieurs maux que je n'ai point racontés; mais tu connais les mauvaises pensées, et les mauvaises paroles, et les oeuvres perverses que j'ai faites jusqu'à présent. Seigneur, pardonne-moi et donne-moi du temps pour que je puisse me repentir en la vie présente, et fais-moi la grâce qu'à l'avenir, je haïsse tellement le péché (les maux) que je ne le fasse plus, et que j'aime tellement les vertus et les garde en mon cœur, que je t'aime par-dessus toutes choses, et que je te craigne de telle sorte qu'au jour de ma mort, j'aie fait ce qui t'est agréable. Et donne-moi une telle confiance au jour du jugement, que je ne craigne point le diable, ni aucune autre chose qui m'épouvante mais fais que je sois reçu dans ta main droite sans aucune faute. Seigneur, que tout cela advienne selon ton bon plaisir ! Amen.

     

    FIN.

    (1) L'auteur anonyme des Recherches historiques sur la véritable origine des Vaudois. Paris et Lyon, 1836.
    (2) Il est avéré que les écrits des Vaudois, livres destinés à l'instruction, étaient fréquemment copiés. - On en possède plusieurs à double et à triple.
    (3) Déplaisant
    (4) De maux
    (5) Nous dirions : été esclave de, etc. ; J'ai été trop esclave de, etc.


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